Les ambassades birmanes commémorent généralement le 4 janvier, jour de l’indépendance, en faisant publier des suppléments de propagande dans les journaux des pays où elles sont installées. En 1994, l’ambassade de Birmanie en Thaïlande a publié un cahier publicitaire dans le quotidien The Nation. L’ambassadeur, Phone Myint, y souligne : "Myanmar (la Birmanie) est fermement résolu à régler les problèmes de drogues illicites et de trafic de stupéfiants. C’est pourquoi nous collaborons avec le Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) et les pays voisins, dont le royaume de Thaïlande, pour éliminer cette menace qui pèse non seulement sur la stabilité et le bien-être de notre pays mais aussi sur la communauté internationale". Cependant, la référence à l’agence spécialisée de l’ONU apparaît comme une couverture commode des agissements criminels du SLORC, la junte militaire au pouvoir à Rangoon, et de son ambassade à Bangkok. Ainsi, des responsables de la lutte antidrogue à Washington furent-ils étonnés de constater que deux des principaux annonceurs de l’encart publicitaire birman dans The Nation n’étaient autres que la Thai Teakwood Veneer Co.Ltd et la Patumthani Sawmill Co. Ltd. Ces deux sociétés sont propriété du trafiquant de drogue Choon Tangkakarn et de son fils Boonkiat Tangkakarn, dont les entreprises servent de couverture à une organisation de trafic de drogue bien connue et basée à Bangkok. Ces deux compagnies importent du bois de Birmanie via leurs concessions dans le secteur du col des Trois Pagodes et à l’intérieur du territoire contrôlé par le célèbre seigneur de l’opium Khun Sa, face à la ville du nord-ouest thaïlandais, Mae Hong Son. Choon et Boonkiat entretiennent d’étroits contacts aussi bien avec les milieux militaires thaïlandais qu’avec le principal service secret birman, le Directorat des services de renseignement militaires (DDSI). Auparavant, la liaison entre les trafiquants et la DDSI était gérée par l’ancien attaché militaire birman à Bangkok, le colonel Ba Hein. Actuellement, ce rôle est tenu par son remplaçant, le lieutenant colonel Thein Swe - un proche du puissant chef du DDSI, le major général Khin Nyunt - et par un major du DDSI en poste à Rangoon, Nyan Lin. Tout comme Thein Swe, l’ambassadeur Phone Myint est membre du directoire central du DDSI, qui comprend 23 membres. L’entreprise Patumthani Sawmill a été mêlée à des livraisons d’armes aux troupes du SLORC sur la frontière birmano-thaïlandaise. Elle s’est chargée d’acheminer plusieurs cargaisons d’armes en provenance de la frontière cambodgienne au col des Trois Pagodes, grâce à ses connexions avec l’armée thaïlandaise. Le représentant de la compagnie dans ce secteur, Sia Huk, est un gangster notoire, qui a aidé l’armée birmane à capturer en 1991 cette position stratégique tenue par les rebelles mon : les troupes birmanes sont arrivées au col par le côté thaïlandais à bord de camions fournis par la Patumthani Sawmill. La compagnie a aussi comme salarié un ex-employé du bureau de la DEA à Rangoon, Htin Aung, qui a été officiellement mis à pied pour avoir échoué lors d’un test au détecteur de mensonge lorsqu’il fût interrogé sur ses liens avec le DDSI et des trafiquants comme les Tangkakarn. Malgré ce renvoi, Htin Aung est considéré comme faisant toujours partie des informateurs de la DEA à Rangoon, ce qui contribue à expliquer pourquoi cette agence s’obstine à rédiger des rapports généralement favorables au SLORC. C’est un des éléments, parmi beaucoup d’autres, qui a conduit l’administration Clinton à jeter un regard critique sur les performances de la DEA en Birmanie (envoyé spécial de l’OGD à Washington).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 28