Le nombre de surdoses d’héroïne mortelles recensées dans Paris "intra-muros" a dépassé la trentaine pour les seuls mois de décembre et janvier derniers, contre 117 pour l’ensemble de l’année 1993. Cette tragique évolution avait d’ailleurs justifié la création, à la fin de l’année dernière, d’une unité spécialisée dans ces cas de décès au sein de la Brigade des stupéfiants de la Préfecture de police. Le degré de pureté relativement élevé des doses d’héroïne injectées - de 30 à 35%- pourrait être à l’origine de la plupart de ces accidents. Ce constat prouve que l’héroïne reste le principal problème à Paris, comme dans le reste de la France, tant par la quantité de toxicomanes concernés (entre 100 000 et 200 000 selon les estimations) que par son rôle dans la dissémination du virus HIV (environ un tiers des cas de sida déclarés en 1993). Les dernières statistiques publiées par les services des Douanes témoignent de la constance du phénomène. En 1993, les saisies d’héroïne ont augmenté de 50% par rapport à l’année précédente (232 kilos contre 155), pour revenir au niveau de 1991. Contrairement aux prédictions des services antidrogues américains, le crack, sous son appellation antillaise de "caillou", est bien loin de susciter, dans les grandes villes françaises, une "vague" de consommation comparable à celle qui sévit outre-Atlantique. Les saisies de cette drogue n’ont été que de 2,5 kilos en l993. Pourtant, s’il ne "déferle" pas sur la capitale française, le crack semble avoir renforcé son ancrage. Selon une enquête effectuée par l’OGD en janvier et février 1994, l’aire de distribution du "caillou", au nord-est de Paris, s’est étendue (La Dépêche Internationale des Drogues n 20), débordant, vers les rues avoisinantes, un triangle délimité par la place Stalingrad, la rue d’Aubervilliers et la gare de l’Est. Certains revendeurs sont également actifs près de la place de la République. Dans le "triangle de Stalingrad", une trentaine de revendeurs écoulent quotidiennement chacun entre 20 et 30 "galettes" de crack d’un poids unitaire de 3 à 4 grammes. Chaque galette se scinde en 8 à 10 "cailloux" vendus entre 60 et 80 francs pièce. Pour un chiffre d’affaires quotidien moyen de 16 000 francs par dealer, cela représente un marché total de près d’un demi-million de francs par jour (4 000 doses). Les rabatteurs utilisés par les dealers sont payés environ 300 à 400 francs par soirée. Si le crack en circulation reste majoritairement d’origine antillaise, une récente saisie a permis d’établir l’existence d’une filière philippine d’importation et les services de la Brigade de répression du banditisme (BRB) ont constaté l’apparition de laboratoires domestiques à Paris et en banlieue. Deux installations, au moins, ont déjà été découvertes. La baisse sensible du prix du "caillou" (de 20 à 30% moins cher aujourd’hui qu’en novembre dernier) pourrait être un autre indice du développement de ces productions locales(enquête de l’OGD).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 29