La Roumanie est une des plus importantes plaques-tournantes du trafic de toutes les drogues. Cette spécialisation a été préparée par l’héritage de réseaux mis en place sous le régime Ceaucescu, la corruption généralisée des forces de répression (La Dépêche Internationale des Drogues n 26) et la crise économique. Des officiers de police, basés dans le port de Constanza, ont déclaré au correspondant de l’OGD que les 4,4 tonnes et 6 tonnes de haschisch, saisies le 26 août et le 3 septembre, appartenaient à une toute nouvelle filière ougandaise et que des "quantités beaucoup plus importantes et mieux protégées transitaient par le port de Constanza". L’analyse de ces deux affaires montre le caractère transnational et la complexité de réseaux au sein desquels interviennent des Pakistanais, des Africains, des Israéliens, des Européens, de l’est comme de l’ouest, et des Latino-américains. En ce qui concerne la première saisie, la drogue, vraisemblablement produite au Pakistan, avait été livrée sur le port de Mombasa (Kenya) d’où elle avait été rembarquée comme cargaison de thé par la compagnie Shimoni-Tea pour Haïfa (Israël) via Durban (Afrique du Sud). A Haïfa, elle a été chargée sur le Zim Antwerpen qui se rend tous les quinze jours à Constanza. De là, elle devait être acheminée par la compagnie israélo-roumaine Zim-Rom jusqu’en Italie, via Bratislava. Le cerveau du réseau qui se faisait appeler Kali, était un citoyen allemand d’origine ougandaise qui travaillait avec la société roumaine Rimpex SRL-Bucarest. Pour des raisons non expliquées cette dernière n’a pas pris livraison de la première cargaison de "thé" et, au bout de 23 jours, les douaniers l’ont ouverte, découvrant le pot aux roses. La deuxième cargaison, également embarquée à Mombasa par la compagnie Victoria Impex Company de Kampala sur le cargo Barbara D, avait pour destination le port de Maracaïbo, au Venezuela. A Durban, les trafiquants ougandais, n’ayant pas trouvé de cargo allant au Venezuela avec escale à Cape Town et Panama, décident donc de changer de destination et, après avoir dissimulé les six tonnes de haschisch dans des balles de coton, les chargent sur le bateau Pelikan à destination d’Haïfa. A Haïfa, la drogue est embarquée sur le Zim Antwerpen pour Constanza où elle doit être prise en charge par l’importateur, la société slovaque Slovimpex SRL de Bratislava, qui doit les acheminer jusqu’à Munich. Le cargo a la malchance d’arriver à Constanza le 26 août, jour où sont saisies les 4,4 tonnes de haschisch, qu’il avait précédemment livrées, ce qui entraîne une perquisition à son bord et une deuxième prise record. Dans l’autre sens, les réseaux de la cocaïne sont tout aussi complexes. Une filière a été démantelée durant l’été et 100 kilos de poudre saisis. La drogue, cachée dans des statues en métal, voyageait par la poste. Le chef du réseau, un Canadien d’origine roumaine, Alexandre Docmanov, arrêté ainsi que douze de ses complices, avait déjà réceptionné 109 kilos de cocaïne entre l991 et 1993 qui avaient été acheminés en Italie. Deux Colombiens, munis de passeports vénézuéliens, envoyés par leur organisation pour éclaircir cette affaire, ont été arrêtés un peu plus tard. Un de leurs compatriotes se faisant appeler "Omar", qui devait prendre livraison d’une partie de la marchandise à Timisoara, a pu prendre la fuite. Il avait été prévenu par un coup de téléphone passé d’un commissariat de Bucarest par un policier travaillant pour le réseau (correspondant de l’OGD en Roumanie). 27

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 27