Une autre cause du durcissement des autorités est l’explosion de la toxicomanie. Une estimation confidentielle du ministère de l’Intérieur, communiquée en 1992 à des experts étrangers, évaluait à plus de 500 000 le nombre de toxicomanes pour le Grand Téhéran, qui compte de douze à quinze millions d’habitants. Actuellement, quelques 46 000 trafiquants de drogues seraient détenus dans les prisons, représentant 53% de la population pénitentiaire du pays. Près de 5 000 d’entre eux ont été condamnés à des peines supérieures à dix ans de prison. La répression contre les trafiquants a été accrue avec l’adoption par le Parlement iranien, le 21 janvier l989, d’une loi rendant passible de la peine de mort "toute personne détenant plus de 30 grammes d’héroïne ou plus de cinq kilos d’opium". De 1989 à 1992, plus de 2 000 trafiquants ont été exécutés en Iran, selon les chiffres publiés par la presse iranienne. Les autorités ont pratiquement arrêté d’annoncer les exécutions de trafiquants depuis 1993, sans que les raisons de ce changement d’attitude soient clairement établies. Il pourrait être lié, estiment certains observateurs, aux vives critiques que la sévérité iranienne a suscitées de la part de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU ainsi que des organisations comme Amnesty International, sur la base d’accusations de l’opposition iranienne à l’étranger selon lesquelles un grand nombre de ces trafiquants seraient, en fait, des opposants politiques. A l’exception de rares cas remontant aux premières années de la révolution, ces accusations, vivement rejetées par Téhéran, n’ont jamais été sérieusement étayées jusqu’à présent, de l’avis pratiquement unanime des milieux diplomatiques et des observateurs étrangers en Iran. Au-delà des chiffres impressionnants avancés par les autorités, certains experts suspectent le combat mené par Téhéran contre un trafic dans lequel sont, de toute évidence, impliqués de nombreux notables locaux, d’être surtout destiné à l’opinion internationale. "L’organisation d’un trafic à l’échelle de ce qui se passe en Iran ne peut pas se faire sans d’importantes complicités à un haut niveau. Or les autorités n’ont jamais fait état de l’arrestation ou de la condamnation de responsables, même locaux, dans des affaires de drogue", relève un expert européen. Malgré ces points d’interrogation, il ne fait aucun doute pour beaucoup de diplomates occidentaux en poste à Téhéran, que la lutte engagée par le régime islamique iranien contre le trafic de drogue est actuellement "le principal rempart contre un déferlement d’héroïne sur l’Europe", selon l’expression d’un expert français. Les défenseurs de l’Iran soulignent également que la lutte antidrogues menée par la République islamique est apparemment devenue suffisamment efficace pour inciter les trafiquants à chercher depuis deux ans, à la faveur de l’éclatement de l’URSS, d’autres routes plus sûres. Elles passent par les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, afin d’acheminer la drogue destinée à l’Europe. Parallèlement aux mesures préventives et répressives mises en place sur son territoire national et à ses frontières, l’Iran a tenté, depuis deux ans, de développer une coopération régionale en matière de lutte anti-drogue avec ses voisins immédiats, et d’abord avec le Pakistan et la Turquie (correspondant de l’OGD en Iran).
(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 30
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