Le 3 mai est la journée mondiale de la liberté de la presse. Une occasion pour remarquer qu’aujourd’hui, en France, l’information est soumise à la logique de guerre. À titre d’exemple, voici l’édifiante polémique entre " Le Monde " et " L’Humanité hebdo ".

La publication en Allemagne du texte de l’Accord de Rambouillet, signé unilatéralement par la délégation kosovare, le 23 février, a progressivement ouvert une violente polémique. C’est en effet pour contraindre la RFY à signer ce texte que l’OTAN a entrepris sa campagne militaire. Or, l’annexe B de l’Accord prévoit le déploiement des forces d’occupation de l’OTAN dans toute la RFY, Serbie proprement dite et Monténégro inclus. En d’autres termes, l’ultimatum de l’OTAN équivalait à enjoindre la RFY d’abandonner sa souveraineté sous peine de représailles militaires. L’Accord de Rambouillet n’est donc pas le fruit inachevé d’un processus diplomatique, mais un élément de l’ultimatum.

Des extraits significatifs de l’annexe B ont été publiés par " L’Humanité hebdo " du 30 avril, assortis d’un commentaire de Bruno Odent.

En réponse, " Le Monde " des 2 et 3 mai, sous la signature d’Henri de Bresson, tente de minimiser l’information pour sauver le mythe selon lequel le recours à la force sanctionne l’épuisement des tentatives diplomatiques. " Le Monde " assure que ce texte étant sans importance, il n’avait pas jugé utile de le présenter à ses lecteurs bien qu’il en ait eu connaissance depuis la fin février. Selon lui, les annexes militaires de l’Accord n’ont jamais pu être discutées, ni à Rambouillet, ni au Centre Kléber, parce que la rupture portait sur le volet politique. " Le Monde " poursuit en reproduisant l’article 8 de l’annexe B, dont il falsifie la formulation. La République fédérale de Yougoslavie devient " la république (laquelle ?) ", et le Monténégro échappe à l’occupation.

" Le Journal de la guerre en Europe " est en mesure d’établir que le texte de l’annexe B n’a été présenté, sous la forme dans la quelle il a été signé, qu’à l’issue de la Conférence de Rambouillet, le 23 février, et par la seule partie américaine. Il reste à déterminer si le texte a été transmis aux délégations avant ou après la fin de la Conférence, à 15 h. Dès cette date, la guerre était inévitable et la session du Centre Kléber ne fut qu’une diversion pour permettre à l’OTAN de d’achever discrètement sa préparation et donner le temps aux Kosovars de fournir un alibi.

Le 18 mars, la délégation kosovare appose ses signatures. Le président de la RFY donne alors une conférence de presse au cours de laquelle il déclare que les annexes n’ont jamais été discutées avec les six membres du Groupe de contact. Le lendemain " Le Monde ", sous la signature de Claire Tréan, se gaussait déjà des affirmations serbes, selon lui, contraires à l’évidence. À cette date, le quotidien ne disposait pas du texte de l’Accord, aujourd’hui il refuse de le lire.

Thierry Meyssan