Le plan de paix russo-européen, adopté par le Parlement serbe et le président yougoslave, représente une avancée majeure, en ce sens qu’il avalise le principe d’une force de maintien de la paix qui ne soit pas uniquement civile, chargée de mettre en place l’autonomie substantielle du Kosovo, mais aussi militaire, chargée de la sécurité des populations.

Là s’arrête la bonne nouvelle.

Car ce plan ne résout aucun des autres points de litige et suppose, pour être appliqué, la bonne volonté des autres parties au conflit : les États-Unis et les diverses factions kosovares. Listons les principaux problèmes :

1) Le plan prévoit le retrait de toutes les forces serbes, militaires, policières et paramilitaires du Kosovo dans un délais inférieur à sept jours (§2) et la démilitarisation de l’UÇK (§8). Or, ceci était déjà la base de l’accord secret OTAN-RFY du 25 octobre 1998. Ce texte n’avait pas pu être appliqué car l’UÇK avait refusé de déposer les armes et que le gouvernement yougoslave s’était donc trouvé dans l’obligation de maintenir certaines de ses forces pour assurer la protection de son administration. S’étant maintenues sur place, les forces serbes avaient recommencé, en février 1999, à terroriser les villages qui soutenaient les maquis de l’UÇK. Hier soir, Hashim Thaqi, interviewé par la ZDF, ne semblait pas prêt à déposer les armes.

2) Le plan prévoit une force de maintien de la paix sous mandat ONU, comprenant principalement des troupes de l’OTAN, sous commandement unique, et subsidiairement d’autres États (§4). L’annexe interprétative russe du plan de paix précise que les troupes de l’OTAN et de la Russie seront placées sous un commandement unique, dont l’OTAN sera le cœur. Ce commandement militaire tiendra ses ordres d’une autorité politique composée du Conseil de l’Atlantique Nord et des États ayant envoyé un contingent, dont la Russie. Or ce dispositif est précisément celui que les Américains ont refusé à Rambouillet. Dès le plan connu, les principaux chefs de guerre US ont rappelé qu’il n’était pas question, pour eux, d’admettre que des troupes de l’OTAN soient placées sous un commandement militaire autre qu’américain, ni sous une autorité politique comprenant des États non-membres de l’OTAN.

3) Le plan de paix limite la zone de déploiement de la force internationale au seul Kosovo (§3). Or, à Rambouillet, les Américains avaient exigé que cette force puisse s’étendre sur tout le territoire yougoslave, Serbie proprement dite et Monténégro inclus, si de besoin. Sur ce sujet, les dirigeants américains sont aujourd’hui silencieux. De même, la question de la division du Kosovo en zones d’occupation militaire distinctes, comme jadis à Berlin avec les conséquences politiques que l’on connaît, n’est pas éclaircie.

4) Le plan de paix prévoit, qu’une fois la force internationale ait été déployée, le gouvernement yougoslave, sera autorisé à réintroduire des forces légitimes au Kosovo pour assurer la liaison avec la force internationale, déminer le territoire, maintenir une présence sur les lieux historiques serbes, et garder sa frontière sud (§6). Nul ne voit comment un tel système peut fonctionner en l’absence d’accord politique entre les Serbes et les différentes factions kosovares.

Chacun interprète cet accord à sa manière. Pour les Américains, Milosevic a capitulé. Pour la première fois dans l’histoire, une campagne aérienne a suffit à gagner une guerre. Pour les Européens, ce gâchis va prendre fin , quitte à devoir s’interposer indéfiniment entre Serbes et Kosovars. Pour les Russes, l’OTAN ne peut se prévaloir ni d’une victoire, ni d’une occupation de la RFY. Pour les Serbes, le cauchemar prend fin, seul le Kosovo sera occupé, Milosevic et les siens ne seront jamais jugé. Pour les Kosovars, le temps vient de retourner au pays. Mais, dans un Kosovo dévasté où les forces serbes seront toujours présentes et, où la haine sera séparée par une force d’occupation.

Thierry Meyssan