La guerre du Kosovo devait sanctionner une nouvelle répartition mondiale du travail dans laquelle les technologies à plus forte valeur ajoutée devaient devenir des monopoles américains. Depuis plusieurs années, la Maison-Blanche menait une guerre économique sans merci contre l’industrie d’armement de ses rivaux, et en premier lieu de la France. Récompensant la loyauté de Paris au Kosovo et son engagement militaire supérieur à celui des autres alliés, le président Clinton vient de changer de politique en décidant d’intégrer l’industrie française de défense dans le pôle technologique américain. Des accords ont été autorisés entre Lockheed-Marttin et Aérospatiale-Matra, ainsi qu’entre Raytheon et Thomson-CSF.

Dans la stratégie américaine, cette restructuration euro-atlantique ne modifie pas le rôle assigné à chaque puissance européenne. Washington ne remet pas en question le leadership européen qu’il reconnaît à l’Allemagne depuis 1994. Pas plus que n’est remis en question le rôle de partenaire commercial privilégié qu’il accorde traditionnellement au Royaume-Uni, puissance maritime. La France, quant à elle, accède au cercle des producteurs de technologie de pointe, à haute valeur ajoutée. Pour garantir un équilibre des puissances européennes, un espace d’influence lui est probablement concédé vers le Sud, la suite des événements devrait en préciser les limites.

La réorganisation de l’OTAN selon la doctrine Clinton, c’est-à-dire sa transformation en une organisation capable d’intervenir n’importe où dans le monde où les Droits de l’homme sont violés en masse et les intérêts américains menacés, s’opère en vue de conflits lointains. Les objectifs à long terme sont l’éviction de l’influence russe en Asie centrale, puis le containment de la Chine. Les moyens choisis sont prioritairement ceux de l’arme aérienne, même si la théorie de la guerre zéro mort peut être amendée.

En prévision de ces guerres, le 22 juillet, l’OTAN a décidé de se doter d’un nouveau système de commandement et de contrôle des opération aériennes, dénommé ACCS. Ce projet est ancien, et fait l’objet de tests depuis 69 mois en Allemagne, Belgique, France et Italie. Si la décision d’achat par l’OTAN ne faisait plus guère de doute depuis quelques mois, le choix des partenaires industriels était âprement discuté.

D’une valeur globale de 20 milliards de francs, il sera développé par Air Command Systems International (ACSI), une société de droit français regroupant Raytheon et Thomson-CSF. Dès l’année prochaine un cerveau central, d’une valeur de 3 milliards de francs, sera installé au PC de l’OTAN. Puis, progressivement, des PC d’exécution seront installés dans chaque État membre de l’Alliance. Les composantes statiques seront doublées de composantes déployables sur les théâtres d’opération.

l’ACCS est un système évolutif qui devrait pouvoir s’enrichir de nouvelles fonctions, au fur et à mesure des besoins, sans nécessité de modifier l’infrastructure. Des commandes ont été signés pour la mise au point d’outils intégrés en matière de coordination des missiles de défense sur les champs de bataille et de surveillance aérienne du sol.

Aucun contrôle démocratique n’a été exercé sur ce choix industriel, certes facteur d’emplois et de richesses, dont la conséquence politique est de rendre irréversible l’intégration des armées françaises dans le commandement de l’OTAN et d’aligner la politique extérieure française sur celle des États-Unis.