Depuis le 18 juin 1994, le débat sur la sortie de la prohibition a progressé considérablement. Tour à tour, le Comité consultatif national d’éthique et la commission Henrion ont constaté l’échec de la politique de prohibition et recommandé une politique alternative à celle-ci. Une politique qui combinerait la réduction des risques pour l’héroïne (échange de seringues, "programmes méthadone") et une dépénalisation de l’usage du cannabis.

En fait, c’est le système néerlandais, tolérant et pragmatique, qui a, en dépit d’un environnement international hostile, remporté le plus de succès sur ces questions. Mais celui-ci arrive actuellement aux limites de ses possibilités. En effet, à cause des pressions internationales, les Pays-Bas sont obligés de rester dans un système ambigu où l’achat par le consommateur est toléré, de même que les lieux de vente, les fameux coffee-shops ; mais où le commerce, interdit, reste au mains des trafiquants, ce qui rend impossible une efficace réglementation de la distribution des drogues. Par ailleurs, le système croule sous l’afflux de touristes de la drogue et de junkies que les politiques répressives du reste de l’Europe dirigent sur son territoire. Enfin, la France - dont le bilan en matière de toxicomanie est particulièrement accablant -, exerce sur les Pays-Bas de fortes pressions politiques pour mettre fin à l’expérience néerlandaise.

La courageuse politique des Pays-Bas ne peut, à elle seule, résoudre le problème de la toxicomanie en Europe. Il est temps que les autres pays (et notamment la France) tirent parti de cette expérience, évoluent et cessent de traiter en délinquants les consommateurs de drogues mais essaient plutôt d’arracher la distribution des drogues - qu’ils sont incapables d’empêcher - aux systèmes criminels. C’est d’ailleurs le sens des recommandations, tant du Comité national d’éthique, que de la commission Henrion.

Devant le silence frileux des hommes politiques, le CIRC propose un modèle de sortie de la prohibition inspiré de l’expérience néerlandaise mais adapté aux réalités françaises. Ce système, combinant autoproduction et cannabistrot, tire les leçons des limites du modèle néerlandais et propose une décriminalisation de l’usage de toutes les drogues ainsi qu’une réglementation de la distribution de celles-ci. C’est le thème principal des événements que le CIRC a organisé cette année à l’occasion du "18 Joint".

François-Georges Lavacquerie