A) UNE CRÉATION JUSTIFIÉE

Mis en place depuis le 1er juin 1999, le pôle économique et financier constitue une structure permettant d’enquêter de façon plus efficace sur toutes les formes de délinquance économique et financière. Cette structure, créée à la suite d’une décision du Conseil de sécurité intérieure en mars 1998, a été présentée par le garde des sceaux comme une avancée pour l’action de la justice et pour assurer un développement économique de l’île.

Cette création était également justifiée par l’augmentation du nombre des procédures engagées dans le domaine économique et financier. Entre 1992 et aujourd’hui, 64 procédures de ce type ont été engagées, dont seulement 18 avant 1998 : une douzaine de dossiers ont été transmis par les services fiscaux sur la base de l’article 101 du code de procédure fiscale, depuis mai 1998, tandis que le nombre d’ " article 40 " du code de procédure pénale utilisé était en progression.

Il convient de rappeler que l’article 704 du code de procédure pénale précise que lorsqu’une affaire ressortit à un certain type d’infraction et revêt une grande complexité, le tribunal spécialisé peut être saisi, à l’image des juridictions financières spécialisées du continent. Le responsable du pôle économique et financier a indiqué à la commission qu’il avait vocation à concentrer toutes les affaires financières, même celles ressortant du droit commun et qu’il ne partageait aucune compétence avec les juridictions parisiennes. Cette structure a été dotée de personnels nombreux et diversifiés, puisqu’au sein de l’équipe travaillent à la fois des magistrats, des assistants spécialisés, des assistants de justice et un fonctionnaire des greffes dans une perspective interdisciplinaire.

Son installation s’est accompagnée d’une spécialisation des services d’enquête :

· Le SRPJ d’Ajaccio a bénéficié de " renforts tournants " de six officiers de police judiciaire renouvelés tous les 15 jours et spécialement habilités par le procureur général. Quant à la section de recherche de la gendarmerie37(*), sur les 55 officiers de police judiciaire, elle compte vingt spécialistes financiers.

· La coopération avec les autres administrations (douanes, impôts, SRPJ, et section de recherche de la gendarmerie) a été améliorée puisque depuis septembre 1997, les représentants des services " répressifs " économiques locaux du ressort d’Ajaccio ont été invités à participer à une cellule de lutte contre la délinquance économique et financière qui se réunit chaque mois.

B) LA REPARTITION DES DOSSIERS

La répartition des dossiers entre Bastia et Ajaccio fait l’objet d’une appréciation " in concreto " entre les deux parquets ou entre les juges d’instruction. Un magistrat entendu en Corse a signalé d’ores et déjà un certain engorgement du pôle de Bastia. Le procureur de la République d’Ajaccio a par ailleurs fait état devant la commission de sa volonté de garder " un certain nombre de dossiers, ne serait-ce que pour que les magistrats en place aient l’impression de juger des affaires importantes ". Seul l’avenir pourra éclairer sur les résultats de cette compétence concurrente.

Actuellement, certains dossiers financiers sont donc encore soumis au TGI d’Ajaccio : 48 sont en cours dont 33 au stade de l’enquête préliminaire et 15 font l’objet d’une ouverture d’information, parmi lesquels on peut citer une affaire de fraude aux ASSEDIC par la chambre des métiers au bénéfice d’un club de football, ou encore la passation irrégulière des marchés publics, s’agissant de la construction et de l’exploitation des parkings attribués par la commune d’Ajaccio.

Les affaires les plus complexes ont été renvoyées devant le tribunal de grande instance de Bastia, dont celle concernant la Caisse régionale de Crédit agricole de Corse. L’obtention de prêts cumulés obtenus en produisant de faux documents a donné lieu à une information judiciaire pour détournement de fonds publics, complicité et recel, abus de biens sociaux, faux et usage de faux. La mutualité sociale agricole fait également l’objet d’une enquête pour escroquerie et abus de confiance.

Une cinquantaine de dossiers lourds exigeant des investigations approfondies sont actuellement instruits par le pôle économique et financier.

Les faits dénoncés, le plus souvent sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale, par les inspections générales, la chambre régionale des comptes ou TRACFIN, visent essentiellement des irrégularités commises dans la procédure de passation de marchés publics et des détournements de fonds publics.

Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de l’action de ce pôle compte tenu de sa mise en place récente.


Source : Sénat. http://www.senat.fr