L’État est le premier acteur public par le poids des dépenses qu’il effectue pour son propre compte et par les crédits qu’il distribue aux différentes collectivités locales et aux acteurs économiques. Nul ne saurait valablement affirmer que la Corse est oubliée ou négligée par la République d’un point de vue financier. Les montants transférés montrent qu’un effort considérable de solidarité nationale s’exerce en faveur de l’île. Aux dépenses directes, il convient d’ajouter les coûts financiers pour l’État du statut fiscal de la Corse et de la mise en place de la zone franche.

Les débats et polémiques autour de la question des dépenses réellement effectuées en Corse au titre de la solidarité nationale sont nombreux et récurrents. C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête a cherché à préciser les termes du débat de façon objective.

Avant de détailler les montants des flux financiers en jeu, il convient d’en clarifier la nature.

La détermination de l’ampleur de la solidarité dont bénéficie la Corse ne peut se réduire à l’addition pure et simple des dépenses et concours de l’État et de l’Union européenne, comme l’ont fait les nombreux rapports ou études qui se sont succédés au cours des dernières années.

Ce total intégrerait, en effet, des sommes qui sont dépensées ou versées en Corse dans les mêmes conditions ou selon les mêmes règles que dans les autres régions françaises.

Il importe au contraire de déterminer ce qui relève d’une solidarité spécifique à la Corse, c’est-à-dire ce qui, dépensé dans l’île, ne l’aurait pas été ailleurs. Il ne s’agit pas d’un exercice facile ; cependant, il est possible de parvenir à un chiffre suffisamment significatif.

Dans l’ensemble des sommes évoquées ci-dessus, trois masses d’inégale importance peuvent être distinguées28.

La première masse est constituée des dépenses ou concours qui, à l’évidence, ne relèvent pas d’un souci de solidarité spécifique à la Corse. Il s’agit :

 des dépenses réalisées par l’État pour son propre compte (4.969 millions de francs en 1997) : rémunération des fonctionnaires en poste dans l’île29, pensions versées aux fonctionnaires retraités, autres dépenses de fonctionnement des services et investissements de l’État pour son propre compte ;

 

 des concours versés aux collectivités locales en application des lois de décentralisation et des lois générales régissant les concours de l’État aux collectivités locales : il s’agit des concours ou des transferts de droit commun (dotations budgétaires30, fiscalité, compensations d’exonérations et de dégrèvements législatifs ) que les collectivités locales de Corse reçoivent dans les mêmes conditions que leurs homologues du continent ; ils mettent en œuvre des critères et des modes de calcul d’application strictement nationale ;

 

 la moitié des engagements de l’État pris dans le cadre du contrat de plan (1994-1999) 31 (58 millions de francs par an) ;

 

 les subventions de fonctionnement ou d’investissement versées par l’État à des tiers, hors contrat de plan ; ces subventions relèvent de politiques nationales applicables dans l’ensemble des régions françaises32.

 

La deuxième masse est constituée, à l’inverse, de ce qui relève d’un souci de solidarité particulière à la Corse, car il s’agit de concours sans équivalent ailleurs. On peut y intégrer :

 la dotation de continuité territoriale (937 millions de francs en 1997),

 

 le coût du statut fiscal dérogatoire et de la zone franche (de l’ordre de 1.500 millions de francs pour 1997, dont 516 millions de francs pour la zone franche),

 

 la seconde moitié des engagements de l’État pris dans le cadre du contrat de plan (1994-1999) (58 millions par an) ;

 

 les crédits exceptionnels accordés - hors contrat de plan - pour l’application du plan de développement (360 millions de francs sur 6 ans, soit 60 millions de francs par an),

 

 les crédits provenant de l’Union européenne dans le cadre du DOCUP et des autres programmes d’intérêt communautaire (1.870 millions de francs sur 6 ans33, soit 312 millions de francs par an) ; en effet, la Corse est la seule région métropolitaine à bénéficier de l’Objectif 1 (à l’exception de trois arrondissements du Nord-Pas-de-Calais qui sont dans le même cas) alors qu’elle était au-delà des critères d’admission.34

 

La troisième masse présente un caractère intermédiaire, car la distinction entre ce qui y relève d’une solidarité particulière et ce qui pourrait se constater dans les autres régions est plus délicate. Cette masse concerne, en effet, la dotation générale de décentralisation - hors continuité territoriale - versée à la Collectivité territoriale de Corse (348 millions de francs)et la fiscalité exceptionnellement transférée en Corse à la Collectivité territoriale et, dans une moindre mesure, aux deux départements35 (300 millions de francs). Les transferts de compétences étant plus importants en Corse, il est naturel que leurs compensations financières n’aient pas la même ampleur que dans les autres régions. Cependant, il a été indiqué à la commission d’enquête que leur détermination a bénéficié d’un certain " coup de pouce ", notamment lors de l’adoption de la loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse.

Ainsi donc, l’effort de solidarité spécifique dont bénéficie la Corse peut être estimé à 2.867 millions de francs. Une partie difficile à déterminer d’une enveloppe globale de 648 millions de francs pourrait également relever d’une telle solidarité spécifique à la Corse.

Dès lors, un chiffre proche de 3 milliards de francs annuels (soit environ 11.500 francs par habitant) constituerait une juste estimation de l’effort de solidarité bénéficiant à la Corse, effort provenant à près de 90% de la communauté nationale.

Une fois ces précisions apportées, il convient de détailler plus précisément comment se décomposent les 8,8 milliards de francs de dépenses directes de l’État.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr