En juillet 1997, la Chambre régionale des comptes a arrêté ses observations sur la gestion de la commune de Conca de 1989 à 1994. Cette petite commune de Corse-du-Sud fait régulièrement l’objet d’un examen par la Chambre, puisque celle-ci n’a pas rendu moins de 19 avis budgétaires entre 1986 et 1997.

Les conclusions de la Chambre sont sans appel : la commune connaît une " situation financière dégradée (...) consécutive à une insuffisance de financement ainsi qu’à des acquisitions onéreuses, au non-paiement des participations dues au SIVOM du Cavo et à la passation de marchés de travaux irréguliers ". Le rééquilibrage du budget de la commune constitue dès lors une " formalité impossible ". La Chambre estimait en effet le déficit cumulé de la section de fonctionnement à près de 2,9 millions de francs entre 1989 et 1995 et celui de la section d’investissement, pour la même période, à près de 5,1 millions de francs.

S’agissant de la situation financière, la Chambre relève que la section de fonctionnement est " structurellement déficitaire " et que ce déficit provient essentiellement de la faiblesse des recettes, notamment de la taxe de séjour, ainsi que de " l’absence de volonté de réaliser des économies ". Pour la section d’investissement, la Chambre notait que " le déficit résulte d’une politique d’investissement démesurée par rapport aux capacités financières de la commune ainsi qu’à l’absence de programmation des investissements ".

Cette situation s’explique en partie par des acquisitions onéreuses.

La commune avait, en 1988, fait l’acquisition d’un terrain de camping lors d’une adjudication judiciaire : le prix d’achat (1,950 million de francs) dépassait largement la mise à prix (1 million de francs) et l’estimation du service des domaines (1,330 million de francs). Le maire affirme s’être abrité derrière une estimation établie par un atelier d’architecture (près de 1,9 million de francs), à propos duquel la Chambre note qu’il entretient des liens privilégiés avec la commune et que sa " capacité d’expertise en matière d’évaluation immobilière n’est pas établie ". De plus, il apparaît que le conseil municipal n’a autorisé cet achat que deux mois après qu’il soit intervenu, sans qu’il soit d’ailleurs informé que l’acquisition avait déjà été réalisée151. De plus, le camping a été exploité en régie dans des conditions telles que la Chambre relève que les recettes effectivement perçues entre 1989 et 1993 ne couvraient même pas les intérêts des deux emprunts souscrits pour réaliser l’opération.

La commune a aussi acheté, en 1993, une maison pour y installer le conservatoire du costume corse. Le prix qu’elle a acquitté (360.000 francs) était supérieur de 40% à l’estimation du service des domaines (255.000 francs)152. Or, il apparaît que le maire de la commune s’était porté par ailleurs caution du vendeur auprès d’un établissement bancaire. La Chambre constate donc que ce dépassement de l’évaluation administrative " a permis de désintéresser la banque sans faire jouer la caution ".

La Chambre a également examiné un certain nombre de marchés passés par la commune, dont trois marchés de travaux de voirie consécutifs aux pluies diluviennes de l’automne 1993. Ces marchés ont été passés après mise en concurrence restreinte sur la base de l’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles. La Chambre ne reconnaît pas cet argument de l’urgence puisqu’elle note qu’un délai de quatre mois s’est écoulé entre le devis estimatif et le début de la procédure d’appel d’offres et que, au total, près d’une année s’est écoulée entre les inondations et la réalisation des travaux. Les marchés, qui représentent un montant total de plus de 1,9 million de francs, ont été passés avec la même société qui a ensuite sous-traité l’essentiel des travaux, notamment les plus importants nécessitant des équipements lourds. Dès lors, la Chambre, qui juge que la mise en concurrence " semble factice ", s’interroge sur les compétences exactes de la société retenue et donc sur les critères adoptés par le cabinet d’expertise pour opérer le choix des entreprises appelées à soumissionner. Enfin, la Chambre rappelle que la compétence en matière de voirie relevait du SIVOM auquel adhérait la commune.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr