La situation financière de la commune apparaît particulièrement catastrophique. Dans un avis rendu le 21 novembre 1997 à la suite du déférement du budget primitif pour 1997, la Chambre régionale des comptes indique que " la situation financière de Santa Maria Poghju revêt un caractère de gravité exceptionnel, puisque le déséquilibre budgétaire prévisionnel pour 1997 (103,8 millions de francs) représente plus de 19 fois les recettes de fonctionnement (5,4 millions de francs), et que le produit de la fiscalité directe locale (2,1 millions de francs) ne couvre que 40% du montant des intérêts courus en un an au titre des trois principales condamnations (5,2 millions de francs), alors même que les taux d’imposition ont été fixés au maximum autorisé " et que " à l’évidence, rétablir l’équilibre budgétaire de la commune constitue (...) une formalité impossible ".

Cette situation résulte de plusieurs condamnations de la commune prononcées par le tribunal administratif de Bastia en 1988 et 1992. En effet, suite à la loi du 22 juillet 1983 qui a transféré la compétence en matière de port de plaisance aux communes, la commune de Santa Maria Poghju a été substituée à l’État dans la convention de concession du port du SIVOM de Cervione-Valle di Campoloro-Santa Maria Poghju, concession conclue en 1972 pour une durée de cinquante ans. Dans le cadre de cette concession, le SIVOM avait, en 1973, sous-traité l’achèvement et l’exploitation du port à une société de gestion et amodié les terre-pleins portuaires et 80% des postes à quai à une société fermière. En août 1984, la commune décide de retirer au SIVOM la concession du port et, en janvier 1985, de prendre en gestion directe la gestion du port de plaisance.

S’estimant lésées, la société de gestion et la société fermière ont introduit différentes requêtes devant le tribunal administratif de Bastia en vue d’obtenir l’annulation de ces deux décisions. Par une série de jugements de juillet 1988, le tribunal a rejeté les requêtes mais a considéré que " la mesure de résiliation unilatérale bien que régulièrement intervenue eu égard aux stipulations contractuelles mises en œuvre (était) susceptible, en raison des missions particulières confiées aux sociétés requérantes et des investissements qu’elles ont dû réaliser pour y satisfaire, de leur avoir causé un préjudice ".

Au vu d’une expertise, le tribunal a, par deux jugements de juillet 1992, considéré qu’en l’absence de disposition contractuelle contraire, les sociétés de gestion et fermière avaient droit à l’indemnisation des capitaux investis non encore amortis à la date de résiliation du contrat et que, en l’absence de faute des requérants et même sans manquements de la commune à ses obligations contractuelles, elles avaient droit aussi à la réparation du manque à gagner résultant du retrait prématuré de la concession. En conséquence, la commune a été condamnée à verser 23,2 millions de francs à la société de gestion (avec intérêts de droit à compter du 31 juillet 1986) et 9,5 millions de francs à la société fermière (avec intérêts de droit à compter du 8 décembre 1986).

Dans des observations faites en mars 1994, la Chambre régionale des comptes a relevé que ces sommes représentaient une dette de près de 61,4 millions de francs. Pour mesurer l’ampleur de la somme, elle indique que " en consacrant chaque année la totalité du produit de la fiscalité directe à l’apurement de cette dette et à condition de porter les taux à leur maximum, 27 années seraient nécessaires à son extinction, sous réserve, bien sûr, que ne soient pas réclamés les intérêts ".

Saisi par les sociétés de gestion et fermière, le tribunal administratif de Bastia a condamné, par une décision du 30 mars 1995, l’État au paiement de l’intégralité des indemnités dues aux sociétés requérantes. En effet, il a considéré que " le représentant de l’État, en s’abstenant tant d’exercer sa mission de contrôle budgétaire dès 1985 qu’en ne prenant aucune mesure réelle d’exécution des jugements de 1992 a commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’État ".

Ce jugement est particulièrement remarquable en ce qu’il retient pour la première fois, la responsabilité de l’État dans ses activités de contrôle alors même que le préjudice subi n’est pas lié à une intervention fautive mais au contraire à son inaction. Revenant en partie sur une jurisprudence ancienne du Conseil d’État, critiqué par la doctrine, ce jugement a été annulé par la Cour administrative de Lyon, laissant la commune seule face à ses difficultés financières.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr