De nombreuses entreprises ne font guère d’efforts pour assurer le remboursement de leurs crédits, prenant prétexte de la conjoncture difficile. Les pressions sont fortes de la part des professionnels pour que des entreprises dont les difficultés sont avérées, ne fassent pas l’objet des procédures habituelles prévues par les règles commerciales.

" En Corse, on est parti de l’idée qu’une entreprise ne doit jamais cesser d’exister, et ce, quelle que soit sa viabilité. " a déclaré un haut fonctionnaire entendu par la commission. " Ainsi, on admet qu’elle ne rembourse pas ses emprunts, ce qui a aboutit à la disparition du crédit dans l’île au bénéfice des entreprises. (...) On ne paie pas ses dettes fiscales ou sociales, et cela sans grandes conséquences, car l’un des problèmes fondamentaux (...) est qu’il est très difficile d’aller au bout des actions qui sont prévues pour faire payer les débiteurs récalcitrants, c’est-à-dire la saisie et la vente des biens. La saisie nécessite de façon constante l’intervention de la force publique. On hésite à agir. Quant à la vente, elle ne donne jamais rien ; les pressions sont telles sur les acheteurs potentiels, pressions tout à fait physiques, qu’elle ne se passe pas. On a pris l’habitude de tolérer cela. "

De leur côté, on a vu que les collectivités locales, principaux acteurs de l’économie insulaire, se trouvent bien souvent dans l’incapacité d’acquitter leurs factures. L’existence de ces pratiques prend, en raison de la force du symbole auprès d’une population qui reste majoritairement légaliste, une part dans la dérive conduisant à ce qu’une fraction des acteurs économiques, à leur tour, ne paient pas leurs dettes.

Ainsi, les communes ne payent pas leurs fournisseurs qui n’osent pas réclamer car, bon an mal an, et du fait de leur petit nombre (conséquence de l’insuffisance démographique de l’île) les collectivités les font vivre, même si tout ou partie des produits est décalé dans le temps. Les collectivités ont, par ailleurs, des difficultés à recouvrer leurs créances fiscales ou domaniales comme les redevances des ports de plaisance.

Puis, certains fournisseurs ne règlent pas la TVA collectée ou leurs emprunts, les agriculteurs ne se libèrent pas de leurs dettes, que ce soit auprès de l’office hydraulique ou auprès du Crédit agricole, et certains hôteliers retiennent la taxe de séjour et ont parfois une attitude proche de celle des agriculteurs à l’encontre de leurs créanciers.

La liste de ces pratiques circularisées pourrait être complétée, mais il apparaît que, ce faisant, un certain " équilibre " est né, chacun compensant la non-perception de ses créances par le non-apurement de ses dettes.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr