La situation de la caisse de Mutualité sociale agricole a déjà été abordée dans le présent rapport pour mettre en évidence les désordres dans les règles d’affiliation appliquées par cette caisse depuis de nombreuses années. Seul le problème du recouvrement des cotisations sociales agricoles est ici évoqué. Un haut responsable politique national a considéré devant la commission d’enquête : " Dans un univers où le non-paiement était la règle et où l’argent se distribuait avec une facilité apparente, les cotisations sociales ont été la dernière obligation à laquelle les plus gros débiteurs de la caisse régionale de Crédit agricole se seraient conformés. "

La caisse de Mutualité sociale agricole de Corse peut être considérée comme une caisse atypique en France du fait de taux de recouvrement particulièrement bas par rapport aux autres caisses de mutualité sociale agricole. L’accumulation de la dette sociale agricole atteint aujourd’hui des sommets difficilement gérables. D’après le ministère de l’agriculture, en juin 1998, 880 millions de francs de cotisations et de pénalités (celles des exploitants et dans une moindre mesure celles dues au titre des salariés agricoles) resteraient à récupérer par la caisse si l’on prend en considération les cotisations perçues par elle pour compte de tiers154. Selon la récente mission de plusieurs inspections générales, diligentée en juillet 1998, en ne prenant en compte que les cotisations propres à la MSA, les créances à recouvrer s’élèvent à 675 millions (environ 440 millions en créances principales et le reste en majorations de retard).

Si les chiffres globaux sont connus, un grand flou subsiste concernant l’état réel des impayés au cas par cas ; certaines majorations de retard auraient été maintenues dans les comptes, alors qu’elles seraient prescrites et ne devraient donc plus y figurer. Selon l’un des inspecteurs généraux entendu par le rapporteur de la commission, l’ensemble des créances irrécouvrables et prescrites (en capital et en majorations de retard) atteindrait 150 millions de francs au total.

Pour donner un ordre de grandeur, on peut noter que la caisse émet annuellement environ 200 millions de cotisations et qu’elle n’en recouvre que 150 approximativement. Cet effet de spirale explique le creusement inexorable des comptes de la caisse, qui se trouve aujourd’hui en situation de faillite virtuelle.

L’ensemble des cotisations appelées fait apparaître un taux de recouvrement inférieur à 30 %.

D’après les informations fournies à la commission en juin 1998, les dettes les plus importantes étaient concentrées sur un nombre relativement faible d’immatriculés.

( Ainsi, les 100 plus gros comptes débiteurs totaliseraient 312 des 880 millions de francs de dette sociale, soit 35 %.

( Les comptes débiteurs dépassant les 200.000 francs d’impayés seraient au nombre de 515.

( 8 % du total des comptes totaliseraient 72 % de la dette sur les cotisations MSA.

(.500 créances constitueraient 75 % de la dette sociale agricole en Corse.

La caisse, qui se trouve dans l’incapacité de fournir des données par génération d’émissions, a fourni à la commission d’enquête les chiffres globaux des impayés par exercice et tous exercices historiques confondus :

Les chiffres témoignent de la dégradation constante des taux de recouvrement de 1990 à 1997, même si ce phénomène se manifeste de façon inégale selon les risques. Ainsi, pour le seul exercice 1997, 65 % des cotisations sur salaires maladie et vieillesse ont été recouvrés ; on peut supposer que ce taux augmentera durant les exercices ultérieurs. In fine, cette génération d’émission devrait être recouvrée à hauteur de 70 à 80 %. Le recouvrement des cotisations personnelles des exploitants paraît pour le moins aléatoire. Ce taux est chaque année inférieur à 40 %, et le taux de recouvrement final (c’est-à-dire en prenant en compte les recouvrements des cotisations de l’année n et ceux réalisés en n+1) n’atteint pas 50 %.

On ne peut que déplorer l’efficacité très faible des procédures de recouvrement forcé. Les liquidations judiciaires se caractérisent pas leur rareté. Du 1er avril 1993 au 12 juin 1998, 3.527 dossiers ont été transmis aux huissiers. Deux ont donné lieu à des liquidations judiciaires, neuf à des redressements judiciaires, quatre à des hypothèques judiciaires et huit à des saisies-arrêts sur salaires.

Selon l’inspecteur général entendu par le rapporteur de la commission d’enquête, les majorations de retard n’étaient jusqu’à présent jamais réclamées par voie de recouvrement contentieux. Ainsi les agriculteurs à qui la caisse pourraient aujourd’hui demander de rembourser d’importantes sommes comprenant des majorations prescrites pourraient le contester avec succès devant le tribunal des affaires sociales. D’une manière générale, la caisse n’est pas capable d’indiquer avec précision et certitude ni si un affilié est inscrit légalement (voir développements plus haut sur les règles d’affiliation à la MSA), ni quelles sommes celui-ci doit exactement. Selon cet inspecteur ayant participé à la mission sur place en juillet 1998, "lorsque nous recherchions une liste fiable des sommes dues par tel ou tel affilié, nous nous trouvions fréquemment face à plusieurs chiffres non concordants, selon les services et les personnes de la caisse auxquels nous nous adressions. "


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr