La propension à attendre tout de Paris conduit inévitablement à développer une attitude fortement revendicatrice et s’apparentant au " toujours plus ". Cette stratégie est largement commune aux élus et aux milieux socio-professionnels - il est vrai que la frontière entre eux est souvent ténue.
Les discussions qui ont précédé l’adoption du statut fiscal de la Corse ou de la zone franche, ainsi que les appréciations ultérieures portées sur eux, en constituent un exemple parfait.
Lors de sa séance du 22 décembre 1993, l’Assemblée de Corse avait adopté un projet de statut fiscal spécifique pour la Corse qu’elle transmettait au gouvernement. Outre " la préservation des droits acquis281 ", ce projet témoignait d’une " attitude offensive " dans l’adaptation de la fiscalité corse aux grandes orientations du plan de développement. Dès l’introduction, l’Assemblée révélait son approche : " Ces propositions sont émises sans considérations relatives à leur coût global sur lequel il appartient au gouvernement de trancher. En tout état de cause, dans la suite des diverses délibérations et motions adoptées par l’Assemblée, la Collectivité territoriale de Corse s’est naturellement refusée à se placer sous la contrainte d’une révision des dispositions fiscales actuelles à enveloppe constante. La fiscalité est en effet une voie privilégiée d’expression de la solidarité nationale et européenne, solidarité que la Corse attend ".
Il n’est pas possible de recenser l’ensemble des dispositions figurant dans ce document, puisqu’elles portent sur toutes les catégories d’impôts existants, de la fiscalité du patrimoine à la TVA en passant par l’impôt sur le revenu :
* s’agissant de la fiscalité du patrimoine : exonération des droits de mutation par décès, exonération pour 15 ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les communes de moins de 1.000 habitants notamment pour les constructions neuves et réduction de moitié des droits d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux,
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* s’agissant de la TVA282 : instauration d’un taux spécifique à 5% pour les secteurs et productions stratégiques indispensables à l’équilibre économique de la Corse (bâtiment et travaux publics, télécommunications, produits de l’artisanat, ventes à consommer sur place,...), relèvement de la franchise de TVA,
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* s’agissant des contributions indirectes : pérennisation de la réfaction de taxe intérieure sur les produits pétroliers, du régime spécifique sur les alcools et du taux préférentiel du droit de consommation sur les tabacs ;
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* s’agissant de la mise en place d’un programme spécifique à l’insularité pour la Corse : instauration d’une taxe spécifique sur les produits pétroliers vendus en Corse destinée à abonder un fonds de développement régional283,
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* s’agissant des aides fiscales en faveur du développement économique et de la localisation d’investissements productifs en Corse : exonération partielle des bénéfices réalisés pour les entreprises exerçant l’ensemble de leurs activités en Corse (75% pendant 3 ans, 25% pour les deux années suivantes), instauration d’un crédit d’impôt égal à 25% des investissements réalisés ou du coût des biens pris en crédit-bail, transposition à la Corse du régime de défiscalisation des investissements dans les DOM-TOM,
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* s’agissant de " mesures complémentaires " : exonération de taxe professionnelle pour les entreprises situées dans des communes de moins de 1.800 habitants, réduction de 30% (dans la limite de 25.000 francs) de l’impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés fiscalement en Corse.
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Outre qu’il témoigne d’une parfaite connaissance de tous les recoins du code général des impôts, ce véritable catalogue témoigne aussi de cette absence de vision générale relevée ci-dessus : personne n’est oublié et les effets attendus de telles dispositions ne sont explicités qu’en termes très vagues.
Ce maximalisme n’est certes pas l’apanage des élus territoriaux. Lors de leurs auditions devant la mission d’information sur la Corse, l’ensemble des milieux socio-professionnels entendus exprimaient, au travers de leur jugement négatif sur l’instauration de la zone franche, une attitude comparable, en revanche plus compréhensible étant donné la vocation des organismes en cause.
Ainsi, par exemple, le président de l’union patronale artisanale de Haute-Corse jugeait l’institution de la zone franche " incomplète " et plaidait pour la fixation du taux de la TVA entre 0 et 5%, des défiscalisations, des allégements de charges et pour l’obtention de prêts à taux modérés. Opinion partagée par le président du Rialzu Economicu qui soulignait que " la zone franche avait suscité beaucoup d’espoirs et ces espoirs ont été déçus " : il souhaitait une baisse de la TVA, des charges sociales et de l’impôt pour les particuliers, tout en reconnaissant que cela ne suffirait pas à relancer l’économie et la consommation.
De même, les manœuvres d’organisations, dans le domaine agricole ou touristique, qui plaident pour un traitement indifférencié et global des problèmes d’endettement, et non un examen individualisé des dossiers, participent de cette stratégie du " toujours plus ", quelquefois appuyée sur des comportements violents. Ainsi, dans une lettre du 26 avril 1996 adressée au préfet Claude Erignac, M. Michel Valentini, président de la Chambre régionale d’agriculture, écrivait : " la consolidation du secteur agricole en Corse passe avant tout et en premier lieu par la sauvegarde immédiate de centaines d’exploitations menacées par le dépôt de bilan. C’est-à-dire qu’une mesure de désendettement global et général doit être mise en œuvre dans les plus brefs délais ".
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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