La Corse et ses habitants ont trop connu, au cours des dernières décennies, ce que plusieurs témoins ont appelé des " moulinets sécuritaires " ou des " gesticulations ". Il importe donc que l’attente qu’ils manifestent aujourd’hui ne soit pas, une fois de plus, déçue. " Les Corses sont des gens qui vous attendent au tableau d’affichage " a dit un magistrat qui a été en poste sur l’île.

( LE DOSSIER DE LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DOIT ETRE INSTRUIT SANS TARDER

La révélation des errements de la caisse régionale de Crédit agricole, en ce qu’elle laisse soupçonner l’existence d’un véritable " système ", constitue sans nul doute l’autre dossier essentiel du moment. Par le nombre des personnes mises en cause, par les responsabilités qu’elles exerçaient ou exercent encore, par l’ancienneté des pratiques mises au jour, ce dossier a pris une importance emblématique. Même si le " temps judiciaire " a son rythme propre, toujours trop lent pour l’observateur extérieur, la justice doit ici aussi passer le plus rapidement possible.

( L’ARME FISCALE ET FINANCIERE DOIT ETRE UTILISEE DE MANIERE OFFENSIVE

L’arme fiscale et financière a été trop longtemps négligée en Corse.

Depuis 1994, le nombre de plaintes pour fraude fiscale transmises aux parquets d’Ajaccio et de Bastia par les directions des services fiscaux après avis de la commission des infractions fiscales a été, on l’a vu, particulièrement faibles.

Certes, même au niveau national, le nombre de plaintes de ce type ne se compte pas par milliers chaque année. Cependant, dans une île où les manquements à la législation fiscale sont aussi nombreux et où les soupçons de blanchiment d’argent sale existent, l’arme fiscale et, plus largement financière, devrait donner des résultats appréciables. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle M. Gérard Bougrier, ancien préfet délégué pour la sécurité était parvenu, après d’autres, dans une note300 transmise au cabinet du ministre de l’Intérieur.

L’action en matière fiscale ne se résume pas à la lutte contre la fraude organisée. Elle doit également s’attacher à faire en sorte que l’application de la loi fiscale redevienne en Corse identique à ce qu’elle est dans les autres régions françaises. A cet égard, la mise en œuvre du " plan d’action pour le respect de la loi fiscale en Corse ", que le ministère de l’économie et des finances a défini en octobre 1997 doit être poursuivie. D’autant plus que, d’après les informations transmises à la commission d’enquête, les premiers résultats apparaissent encourageants.

Ce plan comportent 14 mesures, dont 5 d’initiative locale, visant à renforcer et dynamiser l’action des services fiscaux et des services chargés du recouvrement.

PLAN D’ACTION POUR LE RESPECT DE LA LOI FISCALE EN CORSE

I) Les mesures d’initiative locale

* Augmenter la fréquence des contrôles fiscaux sur pièces et sur place.

* Traiter plus rapidement les déclarations d’impôt sur le revenu.

* Réduire le nombre de retardataires en TVA.

* Maintenir, si possible intensifier, le nombre de plaintes pour fraude fiscale.

* Réduire le volume du courrier non distribué.

* Coordonner les actions de recouvrement entre la direction de la comptabilité publique et la direction générale des impôts.

* Améliorer la productivité des postes comptables.

* Dynamiser le recouvrement contentieux.

* Renforcer les contrôles en matière de ventes d’alcools.

II) Les mesures d’initiative nationale

* Accélérer la reconstruction de la partie démolie de l’hôtel des impôts de Bastia.

* Consolider ou renforcer les effectifs des deux directions des services fiscaux.

* Soutenir l’action des agents par des formations adaptées.

* Procéder à quelques contrôles ciblés effectués par des vérificateurs des directions spécialisées nationales.

* Faire le point à échéances régulières.

( LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME DOIT ETRE MENEE SANS FAIBLESSE

On l’a vu, la Corse connaît une " dérive mafieuse ". Les observateurs, comme les services de police, signalent l’existence d’un grand banditisme qui, pour être discret, n’en est pas moins actif et constitue l’un des pôles du " système " dont la mise en place commence à s’ébaucher.

L’État a trop longtemps donné l’impression d’être désarmé face à un tel processus. Beaucoup de temps a sans doute été perdu, qui rendra la tâche peut-être plus difficile.

Mais, les nouveaux outils dont il se dote enfin aujourd’hui, au travers notamment du pôle économique et financier et du renforcement des élements spécialisés des services de police et de gendarmerie, doivent servir à ébranler les positions acquises dans la plus parfaite illégalité, avant qu’elles ne soient définitivement consolidées.

En ce domaine plus qu’ailleurs, il n’y a pas de place pour une quelconque résignation.

( TOUT ACCOMMODEMENT AVEC LES MOUVEMENTS CLANDESTINS PRONANT LA VIOLENCE DOIT ETRE BANNI

Les contacts et négociations qui se sont noués au fil des années avec tel ou tel groupe nationaliste n’ont jamais abouti à des résultats durables. Cet insuccès a été constaté, qu’il se soit agi d’accorder des solutions institutionnelles, des aides publiques supplémentaires ou des dérogations à la loi commune en contrepartie d’un abandon toujours hypothétique de la violence. Chaque fois, comme l’a dit un ministre devant la commission d’enquête, elles " ont conduit à l’impasse et à la ridiculisation des pouvoirs publics ".

Aujourd’hui, tout préalable institutionnel doit être rejeté, la restauration de l’État de droit ne saurait être partielle ou négociée, et l’efficacité, plus que l’ampleur, de l’effort de solidarité de l’État en faveur de la Corse doit être privilégiée. Il n’y a plus de place pour un quelconque marchandage.

La ligne de conduite est claire. Il importe de s’y tenir.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr