" Face à une Assemblée dotée de pouvoirs, il faut un représentant de l’État doté de moyens " a estimé, devant la commission d’enquête, un ancien ministre de l’Intérieur.

Ce sentiment, que partage la commission, plaide à la fois pour un renforcement de l’unité de commandement et pour la modernisation des services de l’État.

( L’UNITE DE COMMANDEMENT DOIT ETRE RENFORCEE

La décentralisation innovante et très poussée qu’a constitué le statut de 1991 aurait dû être accompagnée par une déconcentration plus ambitieuse et surtout par une meilleure coordination de l’activité de l’État entre les mains de son principal représentant, le préfet de Corse. Ce mouvement, qui vaut en Corse comme pour les autres régions françaises, est ici d’autant plus nécessaire que la tâche est difficile et ne souffre guère de dissonances ou de divergences.

Il n’est donc sans doute pas pertinent, à moyen terme, de maintenir la coexistence du préfet de Corse - qui est aussi le préfet de l’un des deux départements - , du préfet du second département, d’un préfet délégué pour la sécurité ainsi que de quatre sous-préfets sur un territoire aussi réduit que la Corse. La qualité des hommes en place n’est pas en cause, mais la dispersion de l’autorité de l’État dans une région où le caractère dissemblable des problèmes entre le nord et le sud n’est pas très marqué est dommageable.

Un premier renforcement des pouvoirs du préfet de région est intervenue récemment sur un point important. Un décret du 3 juin 1998 lui a, en effet, reconnu une responsabilité analogue à celle d’un préfet de zone de défense. Désormais, le ministre de l’Intérieur pourra lui confier la mission de coordonner l’action des préfets sur l’île en matière de sécurité en cas de crise menaçant gravement l’ordre public, nécessitant la mise en œuvre de moyens exceptionnels et affectant plusieurs départements.

La mise en place à terme d’un triptyque préfet de Corse - préfet délégué en Haute-Corse - préfet délégué à la sécurité mériterait d’être étudiée.

Le renforcement de l’unité de commandement passe également par l’organisation des services déconcentrés dans les deux départements.

Déjà aujourd’hui, le directeur régional de l’équipement est aussi directeur départemental pour la Corse-du-Sud. Il en va de même en ce qui concerne les services déconcentrés du ministère de l’agriculture. Par ailleurs, la fusion de la direction départementale des affaires sociales de Corse-du-Sud avec la direction régionale est en cours. Les justifications données par la ministre de l’emploi et de la solidarité dans une lettre au préfet sont particulièrement éclairantes : " le statut particulier de la Corse, qui confie à la Collectivité territoriale des responsabilités importantes, rend nécessaire que l’intervention de l’État soit toujours plus cohérente ". De plus, continue-t-elle, " les régions comportant un petit nombre de départements présentent des caractéristiques permettant d’envisager des modes d’organisation nouveaux ".

C’est précisément cette réflexion sur ce que pourraient être ces nouveaux modes d’organisation que la commission d’enquête appelle de ses vœux. La Corse n’est à l’évidence pas la seule région concernée306. Elle pourrait cependant être un bon terrain d’expérimentation. C’est d’ailleurs ce que soulignait également un ancien préfet de Corse entendu par la commission.

Outre la fusion des structures, il serait opportun de procéder à une nouvelle répartition des compétences à l’intérieur même des directions afin de renforcer le contrôle hiérarchique. L’instruction des demandes d’autorisation d’occupation des sols pourrait, par exemple, utilement être reconcentrée soit au siège même de la direction régionale de l’équipement, soit au niveau des arrondissements afin de réduire, autant que possible, les risques de pressions.

( LA CORSE DOIT BENEFICIER PRIORITAIREMENT DE LA MODERNISATION DE L’ETAT

Dans son rapport sur la consommation des crédits publics en Corse au cours des années 1994 et 1995, le préfet Claude Erignac présentait un certain nombre de propositions de " portée technico-administrative " propres, selon lui, à améliorer la gestion des crédits publics.

Outre la mise au point d’un outil performant de suivi des dépenses de l’État, le préfet plaidait pour une gestion plus souple des délégations de crédits. Celles-ci interviendraient dès le début de l’exercice et devraient s’accompagner d’une marge d’appréciation donnée aux ordonnateurs secondaires délégués dans la gestion de ces crédits. De même, il souhaitait que la Corse puisse expérimenter la possibilité, offerte par une circulaire de 1996, de modifier en cours d’exercice la répartition des crédits inutilisés entre les différents services, évitant ainsi que les crédits non engagés en fin d’exercice ne " retournent " aux administrations centrales.

Le préfet regrettait également l’éclatement des lignes et chapitres budgétaires pour les mêmes actions, qui nuit à la clarté et à l’efficacité des engagements budgétaires. Il estimait qu’un regroupement de ces lignes ou une fongibilité dans leur gestion permettrait d’améliorer la mise en place de certains crédits qui, en Corse, transitent par des circuits complexes.

Le préfet plaidait enfin pour le développement d’une gestion interministérielle des moyens communs à différents services de l’État auprès du préfet de région. Cette gestion interministérielle pourrait porter à la fois sur les allocations d’emplois (concours unique de recrutement pour des postes de catégorie C, capacité conférée au préfet de ré-affectation d’emplois entre les administrations déconcentrées) ou sur les moyens budgétaires interministériels.

Sur ce point, il prônait " la création en Corse, à caractère expérimental, d’un fonds unique placé auprès des préfets, qui regrouperait la quasi-totalité des fonds existants. Utilisable plus rapidement et en tous domaines, en fonctionnement comme en investissement et sans règle d’emploi contraignante a priori, ce fonds permettrait au préfet de Corse, ainsi qu’aux préfets de département selon la nature et le montant des opérations, ainsi que par la voie de délégation aux sous-préfets d’arrondissement, de jouer pleinement leur rôle dans l’animation locale, dans les bassins d’emploi. Ce fonds pourrait être utilisé en complément des interventions de la Collectivité territoriale, ou directement par l’État, seul, en faveur des collectivités locales ou d’entreprises dans le cadre d’une assistance à la maîtrise d’ouvrage et de subventions qui ne fassent pas systématiquement appel à des financements croisés ".

Il s’agit en fait d’améliorer simultanément la réactivité de l’État et sa souplesse d’intervention, ce qui n’est possible, en Corse comme ailleurs, que si les méthodes d’évaluation et de contrôle interne progressent très fortement.

Ces propositions, nourries par les particularités de la situation de l’île, mériteraient de recevoir des administrations centrales une attention favorable. La substitution, à des négociations parfois bureaucratiques, d’une gestion partagée avec Paris sur ces différents sujets éviterait, en effet, aux représentants de l’État en Corse une perte d’énergie et de temps considérable.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr