La persistance du problème de l’indivision trouve en partie son origine dans les structures psychologiques et sociales de l’île. De ce fait et au vu du délai déjà écoulé depuis les travaux de la commission Badinter, on peut craindre qu’il ne puisse être rapidement résolu. Il n’en a pas moins des conséquences dommageables sur le développement économique de l’île.

D’après les informations recueillies par la commission d’enquête, le problème de l’indivision n’est ni fiscal ni juridique : il est avant tout financier.

En effet, contrairement à ce qui peut être dit ici ou là, il ne s’agit pas d’un problème de nature fiscale généré par les arrêtés Miot. L’absence de déclaration d’une succession n’empêche ni le partage des biens entre les cohéritiers ni les mutations cadastrales opérées sur une attestation de propriété ou sur la base d’une décision de justice. A l’inverse, la déclaration d’une succession n’engendre pas une obligation de partage.

Ce n’est pas non plus un problème juridique. Le code civil offre un corps de règles suffisant pour permettre la gestion ou le partage des indivisions.

C’est avant tout un problème financier. En raison de l’absence fréquente de titres de propriété en Corse, les procédures sont généralement longues et complexes et nécessitent souvent le recours à un expert foncier. Dès lors, le coût de la procédure est, bien souvent, sans commune mesure avec la valeur des biens indivis. Il en résulte que, sauf en cas de nécessité absolue ou d’enjeu économique important, les familles n’envisagent pas de procéder au partage des biens ou y renoncent.

Le notariat en Corse a imaginé un dispositif pour aider à la sortie de l’indivision, ou plutôt à la création de titres de propriété. Il s’agit de l’établissement devant notaire d’un acte de notoriété constatant la possession trentenaire du demandeur324, dressé devant deux témoins et faisant l’objet de mesures de publicité dans la presse régionale et à la mairie. En l’absence de contestation dans un délai d’un mois, l’acte est publié à la conservation des hypothèques. Ce dispositif a permis la création d’environ 1.500 titres de propriétés depuis 1989, soit d’après certaines estimations, le quart de ce qui serait nécessaire.

Cependant, cet acte est fragile car il s’agit d’un acte déclaratif qui n’a aucune valeur probante. C’est pourquoi, la commission établie en 1983 avait suggéré une modification législative du code civil prévoyant une procédure dérogatoire d’homologation par le tribunal de grande instance, homologation qui, après publicité, fermerait toute possibilité de recours325 à l’issue d’un délai de trois ans326.

Cette proposition a jusqu’à maintenant été jugée injustifiée par la Chancellerie. Elle est en outre contestée par les avocats et les experts - qui y perdraient une clientèle potentielle - et par les magistrats - qui seraient réduits à enregistrer un acte sur lequel ils n’auraient aucun pouvoir de contrôle. Surtout, elle apparaît peut-être excessivement favorable à un seul des héritiers, celui qui s’est comporté en propriétaire exclusif.

En tout état de cause, il apparaît urgent qu’une solution soit trouvée et que celle-ci soit à la fois efficace et acceptable pour tous.

La proposition de la commission de 1983 peut constituer une base de discussion. Mais peut également être explorée une solution analogue à celle mise en œuvre en Polynésie française par la loi du 5 juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer. Celle-ci institue, en effet, une commission de conciliation obligatoire en cas de litige en matière d’actions réelles immobilières ou d’actions relatives à l’indivision. Présidée par un magistrat ou un avocat et composée en outre de deux personnes choisies pour leurs compétences, cette commission peut se livrer à tout acte d’instruction des dossiers. En cas d’échec de la conciliation, les parties peuvent saisir la justice. En cas de conciliation, même partielle, l’accord peut se voir attribuer par le juge force exécutoire.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr