Il apparaît que le moyen le plus efficace pour s’assurer de la sincérité des inscriptions sur les listes électorales serait de s’orienter vers un renversement de la charge de la preuve dans ce type de contentieux.

Cette proposition avait été faite dès 1992 par le préfet de Corse. Elle consistait à insérer dans le code électoral une disposition prévoyant que : " dans le cas où le préfet conteste le motif retenu par la commission administrative à l’appui de l’inscription d’un électeur, il appartient à ce dernier, pour permettre au juge d’apprécier chaque justification produite, d’établir à quel titre il estime que son inscription doit être maintenue ".

Adoptée dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques à la fin de 1992, cette disposition avait été déclarée non conforme à la Constitution pour des raisons de procédure, car elle n’avait aucun lien avec le texte.

Une solution " de repli "356 a entendu réaffirmer que le juge d’instance " se prononce après avoir vérifié la validité des justifications produites par l’électeur à l’appui de sa demande d’inscription devant la commission administrative compétente ". Elle s’est avérée sans effet, comme le montre le contentieux qui a porté, en 1997, sur la liste électorale de la commune de Frasseto en Corse-du-Sud.

Le préfet avait en effet contesté devant le tribunal d’instance d’Ajaccio les inscriptions de 55 électeurs sur la liste électorale de la commune, ce qui représentait plus du tiers de son corps électoral. Son délégué à la commission administrative avait, en effet, constaté que la quasi-totalité des demandes n’étaient assorties d’aucune pièce justificative, ce qui n’a pas empêché les deux autres membres de la commission (le maire et le représentant de la justice) de les retenir, à deux exceptions près357.

Le juge d’instance a estimé que les pièces produites par le préfet (certificats de non-inscription au rôle des contributions communales, photocopies du tableau rectificatif de la liste électorale sur lequel étaient mentionnées des adresses extérieures à la commune) ne constituaient pas des éléments suffisants pour justifier la radiation des intéressés sans avoir, ni précisé les éléments sur lesquels il se fondait pour retenir l’existence d’une résidence dans la commune, ni procédé à la vérification imposée par les nouvelles dispositions réglementaires du code électoral. Dans un arrêt en date du 13 mai 1997, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du préfet en réaffirmant que " c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que le tribunal a retenu que les documents versés au débat, les mêmes pour chacun des électeurs contestés, n’établissaient pas que ceux-ci n’avaient pas leur domicile ou leur résidence à Frasseto ".

Il apparaît donc nécessaire, en raison de ce blocage judiciaire, de remettre sur le chantier la modification du code électoral qui avait été adoptée en 1992.

De même, il ne serait pas inutile de prévoir que les commissions administratives devraient se réunir au moins une fois par mois pendant la période de révision des listes électorales, ce qui impliquerait une modification de l’article R5 du code électoral.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr