Dès le départ, la commission était d’accord sur le fait que son examen ne pouvait s’étendre aux contenus religieux, philosophiques ou autres auxquels l’homme recourt depuis toujours pour expliquer l’existence humaine. L’objet de son travail n’est pas non plus orienté vers la liberté nécessaire à la recherche de la vérité, comme l’espace impérativement nécessaire au développement de la spiritualité. Pour ce qui est du rôle de l’Etat, cela signifie pour la commission que l’on ne doit pas toucher à l’une des libertés constitutionnelles les plus anciennes des états européens, c’est-à-dire au principe des droits fondamentaux qui protègent l’individu contre les interventions de l’Etat.

A ce propos, l’article 15 de la nouvelle constitution du 18 décembre 1998 maintient le respect de ce principe : il garantit la liberté de conscience et de croyance, le libre choix en matière de religion ou de convictions philosophiques, le droit de les professer individuellement ou en communauté, ainsi que le droit "d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir et de suivre un enseignement religieux". Ces garanties figurent également à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et à l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP) : "il y a une obligation des Etats, et aussi pour un intérêt, à éliminer toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion, condition sine qua non pour qu’un pays puisse vivre en paix à l’intérieur de ses frontières et avec les autres pays" (position de la délégation suisse à la réunion de l’OSCE sur la liberté de religion. Vienne, 22 mars 1999). En contrepartie de la garantie de cette liberté, l’article 15, 4è alinéa de la nouvelle Constitution fédérale interdit la contrainte religieuse : "Nul ne peut être contraint d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir, d’accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux" (Au niveau international, cette disposition trouve son pendant à l’article 18, 2e alinéa du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).

A ce sujet, la commission estime que, même au nom d’une croyance, il n’est pas permis de porter atteinte aux droits de l’homme, aux valeurs fondamentales reconnues, au principe des libertés fondamentales (la liberté d’autodétermination par exemple) ni aux principes de base de la démocratie. En même temps, la commission est consciente qu’il ne peut y avoir de li-mitation d’un droit garanti constitutionnellement que dans des conditions définies précisément : elle doit répondre à l’intérêt public, s’appuyer sur une base légale et respecter le principe de la proportionnalité. Les articles 9 CEDH et 18 PDCP prévoient d’ailleurs expressément la possibilité de restreindre la liberté de religion ou de conviction, en précisant les conditions dans lesquelles une telle restriction peut intervenir (1) . Si la recherche de la vérité sous forme d’engagement religieux engendrait dans tous les cas plus de liberté, le présent examen n’aurait pas de raison d’être. Malheureusement, c’est le contraire qui est parfois vrai. En effet, il y a parfois des cas d’atteinte aux droits fondamentaux et démocratiques de l’individu (par exemple le libre-arbitre, la liberté d’expression voire l’intégrité corporelle).


(1) Art. 9, 2è al. CEDH : "La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui".

Art. 18, 3è al. PDCP : "La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui".


Source : Conseil national suisse : http://www.parlament.ch