Le découpage de l’organisation en plusieurs structures permet d’isoler, on l’a vu, une ou plusieurs associations chargées de la propagation du message " religieux " qui accompagne, dans la plupart des cas, le discours et les pratiques sectaires. Sont ainsi mises en avant des associations présentées comme cultuelles, tandis que les aspects d’ordre économique et financier qui constituent pourtant souvent une part importante de l’activité de la secte, sont renvoyées à des structures périphériques plus discrètes.
L’organisation des Témoins de Jéhovah est révélatrice d’une volonté d’adapter les statuts de plusieurs de ses structures aux canons de l’association cultuelle traditionnelle. L’organigramme de la secte, tel qu’il a été décrit plus haut, résulte en effet de modifications statutaires successives. La secte a, dans les années 1980, procédé à un changement des statuts de ses instances nationales afin de tenter de les mettre en conformité avec les critères de l’association cultuelle. Cette tentative s’inscrivait dans le cadre d’un contentieux qui sera examiné ci-après, portant sur le refus, opposé par l’administration à la secte, du bénéfice d’un legs. En 1991, est déclarée l’Association cultuelle les Témoins de Jéhovah de France qui, par ses statuts, se considère comme régie par la loi du 9 décembre 1905. En 1996, afin de doter les membres de la secte réunis à Louviers d’une personne morale spécifique, les Témoins de Jéhovah ont créé, on l’a vu, une nouvelle association dont l’objet statutaire est exclusivement cultuel, et qu’ils rattachent également à la loi précitée. La même présentation a enfin été utilisée pour la fédération déclarée en janvier 1999.
Ces modifications statutaires ont pour objectif de permettre à la secte de bénéficier des avantages, notamment fiscaux, qui s’attachent aux associations régies par la loi de 1905. Ce régime, de même que l’enjeu contentieux et symbolique qu’il présente, seront étudiés plus en détail dans la suite du rapport.
La Commission a relevé plusieurs sectes qui recourent à un procédé similaire. La Scientologie présente ses églises et ses missions comme des associations régies par la loi de 1905. Il en est de même, par exemple, pour le Mandarom, Moon ou Sahaya Yoga.
Dans le même ordre d’idée, certaines sectes prétendent ouvertement remplir les conditions requises pour constituer une association d’utilité publique. L’association Invitation à la vie a ainsi fait part de son souhait d’obtenir une telle reconnaissance, et précisé qu’elle comptait adapter ses statuts à cette fin. L’AMORC a également indiqué que, depuis une modification récente de ses statuts, son fonctionnement lui semblait très proche de celui d’une association reconnue d’utilité publique. A travers ces exemples, la Commission voit, de la part des sectes concernées, la reconnaissance implicite de l’existence d’objectifs et de pratiques passées moins présentables que, à elle seule, une modification statutaire ne suffit pas à faire disparaître. Elle tient en effet à rappeler, s’il en était besoin, que l’utilité publique est accordée par décret en Conseil d’Etat, et n’est donc pas un régime simplement déclaratif.
L’habillage religieux utilisé par les sectes ne doit tromper personne. Le caractère exclusivement cultuel des associations prétendues telles reste toujours à démontrer au cas par cas. En outre, à supposer que ce caractère soit établi, les structures concernées restent liées à des entités qui poursuivent un but plus matériel, et font partie d’un groupe bien soudé duquel il est dangereux de les extraire.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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