A) LA NOTION ET LE STATUT D’ONG

Les ONG déploient leurs activités dans des secteurs aussi divers que le domaine économique, social, éducatif, culturel, de la défense des droits de l’homme, de l’environnement ou du développement. L’Union internationale des associations recensait, en 1996, 138.000 ONG, dont 65.000 en Europe. Lorsqu’elles sont implantées dans plusieurs États, il est convenu de les désigner sous l’appellation d’organisation internationale non gouvernementale (OING).

La grande diversité des structures et de leurs objectifs rend difficile la définition juridique des ONG. Le terme est inclus dans l’article 71 de la Charte des Nations Unies : " le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s’occupent de questions relevant de sa compétence ". La résolution 288 B(X) du 27 février 1950 du Conseil économique et social a ajouté qu’il s’agit d’" une organisation qui n’est pas créée par voie d’accords intergouvernementaux ".

Les droits des ONG bénéficiant d’un statut consultatif ont été précisés par des textes récents. La loi autrichienne sur les associations du 31 mars 1992 reconnaît le bénéfice de la convention européenne du 24 avril 1986, examinée plus loin, aux organismes disposant d’un statut consultatif auprès d’une organisation internationale. De même, un protocole additionnel à la Charte Sociale Européenne en date du 9 novembre 1995 donne une véritable dimension juridique à la notion de statut consultatif. L’article 1er de ce protocole dispose en effet que " les parties contractantes (...) reconnaissent aux organisations internationales dotées du statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe (...) le droit de faire des réclamations alléguant une application non satisfaisante de la Charte ".

Comme la Charte des Nations Unies les y invitait, de nombreuses ONG ont demandé à être régulièrement consultées par les organisations internationales (Nations Unies, Conseil de l’Europe, Agence de la francophonie ...). Ces organismes ont fixé des critères d’admission qui se révèlent, la plupart du temps, relativement faciles à remplir. Le Conseil économique et social de l’ONU a notamment défini de manière très large ses critères d’admissibilité. Ainsi, 577 ONG disposent actuellement d’un statut consultatif auprès de ce Conseil, 585 auprès de l’UNESCO et 369 auprès du Conseil de l’Europe.

Les ONG constituent donc des organismes sans but lucratif créés par des initiatives privées qui peuvent bénéficier d’une reconnaissance par une instance intergouvernementale. Elles se différencient des structures associatives nationales par le caractère international de leur composition et de leurs objectifs. Cependant, les implantations, établissements ou sections d’une ONG restent des personnes morales soumises au droit de l’Etat où se trouve leur siège respectif. La majorité des Etats européens ne prévoit aucun statut spécifique aux ONG et les règles qui leur sont applicables sont celles qui régissent les associations, fondations, syndicats, mutuelles ou tout autre organisme à but non lucratif.

Une même organisation aura donc une personnalité et une capacité juridiques différentes selon l’Etat d’implantation. C’est justement ce particularisme juridique, considéré par certains comme contraire au développement des ONG, qui a motivé la convention de 1986 et abouti à un dispositif qui dispense les ONG implantées dans plusieurs pays de créer une nouvelle personne morale.

B) DES AVANTAGES NON NEGLIGEABLES

Bien qu’il soit facile à obtenir, le statut d’ONG apparaît auprès du public comme un véritable label de crédibilité internationale.

Il offre une tribune dans la mesure où le statut consultatif donne le droit d’assister à des débats, d’en recevoir les dossiers préparatoires, d’apporter un point de vue au sein de commissions et de soumettre des rapports écrits. Une telle tribune facilite indéniablement le " lobbying " exercé par les ONG. Ces dernières sont ainsi admises aux grandes conférences internationales et peuvent y prendre la parole, certains pays comme la France les intégrant dans leurs délégations.

Le statut d’ONG confère également une notoriété très utile dans l’accès aux importantes contributions bénévoles du public. En France, l’ensemble des ONG collecte chaque année un milliard de francs. S’y ajoutent les financements publics, d’ampleur moindre, consentis directement par les institutions internationales aux organisations qu’elles ont reconnues.

C) LES EXEMPLES DE SECTES RECONNUES ONG

Plusieurs exemples de sectes bénéficiant du statut d’ONG ont été portés à la connaissance de la Commission.

Humana, secte répertoriée dans le rapport de la précédente Commission d’enquête, est connue en France pour avoir organisé des collectes de vêtements dans des containers disposés, après autorisation, dans des lieux privés ou publics. Aujourd’hui dissoute, cette association appartenait à une organisation plus vaste, fédérée autour de Tvind, organisme danois ayant statut d’ONG. Créé en 1970 pour soutenir l’enfance défavorisée, Tvind a progressivement élargi son objet à la lutte contre la pauvreté au Danemark, puis à l’aide humanitaire internationale. Cette ONG dispose d’importants moyens financiers tirés du produit de la revente de ses collectes, de subventions provenant d’organisations internationales, et des activités des entreprises, parfois coopératives, placées sous son contrôle dans plusieurs régions du monde.

La Méditation transcendantale a, depuis plusieurs années, une activité internationale importante. Elle a participé à la fin des années 1980 à un programme de réhabilitation de prisons au Sénégal. En 1993, forte des liens étroits qu’elle entretient avec le président du Mozambique, M. Joachim Chissano, elle a lancé dans cet État une vaste opération baptisée " Paradis sur terre " qui, sous couvert d’une œuvre humanitaire visant à améliorer le niveau de vie, donnait à la société " Maharishi heaven on earth " le droit d’exploiter plusieurs millions d’hectares de terres. Après les déclarations du Président Chissano confirmant les termes de l’accord conclu avec la secte, le projet a été abandonné. Le Parti de la loi naturelle, organe politique de la Méditation transcendantale, installé, on l’a vu, dans plusieurs pays, a participé, en qualité d’ONG, au sommet de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) organisé à Vienne en 1996.

Depuis sa création, la secte Sri Chinmoy est bien implantée aux Nations Unies. Au début des années 1970, l’association Sri Chinmoy Church Center crée un groupe à l’ONU. Elle est admise en 1975 comme ONG auprès de cette organisation internationale. La secte utilisera ce statut ainsi que le logo de l’ONU pour organiser des manifestations spectaculaires, comme une marche de la paix en 1983, un concert de la paix en 1984 ou, en 1987 et 1989, une course de la paix. Cette dernière, dans sa version de 1989, comprenait une phase qui avait lieu en France et pour laquelle la secte se recommandait de l’UNESCO, du Ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Mission du bicentenaire de la Révolution française. Les soutiens officiels français lui ont cependant été retirés.

L’Eglise internationale du Christ entretient des liens avec une ONG américaine, Hope World Wide, qui bénéficie d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU. La branche française de la secte verse une participation à l’ONG qui, représentée en France par l’association " Hope France ", a pour objet de créer et d’assurer le fonctionnement de toute œuvre à caractère social, charitable ou de bienfaisance.

La Brahma Kumaris World Spiritual University, organisation spirituelle de la secte du même nom, a obtenu en 1983, en sa qualité d’ONG, le statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU, puis en 1987 auprès de l’UNICEF. Elle est également associée au Département de l’information publique des Nations Unies. Elle a, en 1986, lancé " l’appel pour le million de minutes de paix " destiné à bâtir " un édifice de paix par sa propre paix intérieure et son implication personnelle ". En 1988, elle a également participé à un projet de " coopération globale pour un meilleur monde ".

La Soka Gakkaï Internationale est également une ONG avec statut consultatif auprès du Conseil économique et social et du Département de l’information publique des Nations Unies. Son président, M. Daisaku Ikeda, a reçu en 1983 la médaille de la paix décernée par l’ONU. Comme Sri Chinmoy, la Soka Gakkaï a utilisé son statut d’ONG pour tenter de participer, sous le patronage de la Mission créée à cet effet, aux célébrations du bicentenaire de la Révolution française.

Enfin, la Fédération des femmes pour la paix mondiale, émanation de la secte Moon, se présente comme une des branches de l’ONG " Women’s Federation for World Peace International ". Cette dernière fait état d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU et de son affiliation au Département de l’information de la même organisation.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr