L’influence que les sectes ont acquise sur le marché de la formation professionnelle est révélatrice de l’état d’un secteur qui, en se développant très rapidement, a donné naissance au meilleur comme au pire. La Commission souhaite proposer des modifications de la réglementation qui permettent au dispositif d’agrément voté en 1995 d’être enfin appliqué. Elle suggère également des aménagements techniques susceptibles de freiner le développement des pratiques sectaires. Enfin, elle compte sur une plus grande mobilisation des acteurs concernés grâce à un programme de sensibilisation et l’utilisation de toutes les dispositions offertes par le code du travail.

A) PERMETTRE UN AGREMENT ET UN CONTROLE EFFICACES

L’obstacle avancé pour expliquer la non-application de la loi du 4 février 1995 repose sur un manque de moyens : l’Etat ne dispose pas, ou ne veut pas affecter, des effectifs suffisants pour organiser l’agrément des organismes de formation. Le même argument est utilisé pour justifier l’extrême faiblesse du nombre de contrôles.

Afin de trouver une solution aux insuffisances chroniques de moyens mises en avant par l’administration, la Commission propose de confier l’agrément et le contrôle des organismes de formation à un établissement public administratif auquel une part de la contribution annuelle des employeurs serait affectée.

Cette " agence d’agrément et de contrôle " assurerait le rôle actuellement joué par le Groupe national et les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle. En s’inspirant des pouvoirs donnés à certains organismes comme l’Agence du médicament, elle disposerait d’inspecteurs et, de manière plus générale, de moyens conséquents, directement financés sur les fonds de la formation.

Sur ce point, la fusion en cours d’achèvement du corps des inspecteurs du travail et de celui des inspecteurs de la formation professionnelle risque d’avoir un effet contreproductif qui renforce la nécessité de la réforme proposée par la Commission. On peut craindre en effet que cette fusion se traduise par une marginalisation du contrôle des activités de formation, les agents de ce corps unifié privilégiant les compétences traditionnelles de l’inspection du travail.

Le montant du prélèvement sur la contribution des employeurs au financement de la formation professionnelle serait affecté à cette agence dans une proportion fixée en fonction de ses besoins. Cette recette ne se traduirait par aucune augmentation des charges des entreprises, puisqu’elle serait prélevée sur le montant de la contribution à enveloppe constante.

B) DES AMENAGEMENTS TECHNIQUES UTILES

La réglementation de la formation professionnelle mériterait d’être aménagée sur deux points : l’automaticité de l’exonération de TVA, et les conséquences des contrôles sur l’immatriculation des organismes.

L’octroi d’un avantage fiscal fondé sur une simple déclaration d’activité semble constituer un facteur de multiplication des structures, et susciter un effet d’appel préjudiciable à l’homogénéité du marché et à la qualité des formations. La Commission suggère de réserver l’exonération aux organismes dûment agréés.

Le code du travail ne fixe pas les conséquences des contrôles sur l’immatriculation des formateurs. Tout organisme dont un contrôle a révélé qu’il ne rentrait pas dans le cadre de la formation professionnelle ou qu’il s’est prêté à des manœuvres frauduleuses ne perd donc pas automatiquement le bénéfice de sa déclaration préalable, et peut continuer à utiliser son numéro d’immatriculation. Il conviendrait par conséquent de donner explicitement à l’administration, parallèlement au dispositif de caducité actuellement en place, le pouvoir de retirer l’immatriculation aux organismes contrôlés. De telles décisions devraient être motivées et resteraient soumises au contrôle du juge.

C) UNE PLUS FORTE IMPLICATION DE L’ADMINISTRATION

La distorsion grandissante entre le nombre d’organismes de formation et les moyens mis en œuvre par l’Etat montre combien il est urgent de mobiliser l’administration.

Sur ce point, la Commission soutient la disposition du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui étend les compétences de la Cour des comptes aux organismes recevant des " cotisations légalement obligatoires " ou " des versements libératoires d’une obligation légale de faire ". Par cette disposition, la juridiction financière trouverait dans la formation professionnelle un terrain particulièrement propice à son contrôle. Cette mesure contribuerait à combler une partie de l’actuelle insuffisance des moyens de contrôle.

Le code du travail prévoit plusieurs dispositions que l’administration n’utilise pas ou peu. Les manœuvres frauduleuses qui ont été examinées plus haut n’ont, par exemple, pas donné lieu à l’assujettissement à l’amende payable au Trésor public prévue à l’article L.920-9, ni aux poursuites pénales prévues à l’article L.993-2. Le rejet de dépenses pour le caractère excessif de leurs prix semble être peu appliqué. De même, les contrôles portés à la connaissance de la Commission montrent que les règles relatives à la publicité et au démarchage sont peu sanctionnées, bien qu’elles soient fréquemment tournées par les formateurs. Il est donc important que l’Etat utilise davantage toutes les dispositions que le code du travail lui offre.

La lutte contre le renforcement des réseaux sectaires dans la formation professionnelle passe également par une action de sensibilisation et de circulation des informations. Sur ce point, l’organisation régionale constitue un frein à leur diffusion. Un organisme de formation dont le lien avec un mouvement sectaire est connu d’un SRC peut s’implanter dans une autre région sans que l’information suive. La Commission suggère que, par voie de circulaire, une sensibilisation nationale à l’influence des sectes dans la formation professionnelle soit organisée au sein de toutes les administrations concernées, afin de décrire les méthodes de démarchage utilisées et les principales caractéristiques du contenu de stages dispensés et de présenter les infractions qui peuvent être retenues contre les formateurs concernés. Il est enfin indispensable que les entreprises soient alertées sur l’influence des sectes dans la formation par une campagne de sensibilisation organisée conjointement par l’Etat et les organisations professionnelles.

D) ENCOURAGER LES EFFORTS EN FAVEUR DE LA DEONTOLOGIE

La Commission considère que les efforts d’amélioration de la formation professionnelle, par le développement des labels de qualité, représentent un des meilleurs moyens de lutter contre l’influence des sectes.

Les travaux menés sous l’égide de l’AFNOR ont abouti à une certification " NF " des organismes de formation. Depuis 1990, un organisme professionnel de qualification (OPFQ) accorde un label en fonction de la pérennité, du professionnalisme et des références clients de la structure. Par ailleurs, certains secteurs ont mis en place leur propre label, comme le réseau des GRETA au sein de l’éducation nationale ou celui des chambres de commerce et d’industrie.

Ces expériences restent aujourd’hui embryonnaires. La qualification OPFQ ne concerne par exemple actuellement que 485 organismes. L’Etat a certainement un rôle d’incitation à jouer : il pourrait organiser avec la profession, et notamment la Fédération de la formation professionnelle, un programme de " labellisation " qui mettrait tout particulièrement l’accent sur les dangers que représentent les sectes pour la formation professionnelle.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr