Les sectes bénéficient de financements publics qui, dans quelques cas, peuvent représenter leur troisième source de financement. Les montants en cause n’ont heureusement pas de commune mesure avec les revenus tirés des dons et des activités sectaires. Ils constituent cependant une bonne illustration de la capacité des sectes à agir sous couvert de structures écrans ou de prête-noms, et la grande vulnérabilité de l’administration souvent incapable de contrôler l’identité et la réalité des pratiques des organismes qu’elle subventionne.

Le Patriarche est certainement le meilleur exemple de secte subventionnée par l’Etat. C’est également le plus connu depuis la publication des observations formulées sur cette organisation par la Cour des comptes dans son rapport sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie. La Cour a établi que les associations créées ou contrôlées par M. L.J. Engelmajer ont reçu de l’Etat, entre 1992 et 1995, un total de 24,4 millions de francs. Elles ont également bénéficié d’aides de collectivités locales dont le chiffrage n’a, à la connaissance de la Commission, jamais été réalisé. Pour recevoir de telles sommes, la secte a indéniablement profité des hésitations de l’administration de la santé et de la communauté médicale face aux méthodes de sevrage des toxicomanes et à l’expansion de l’épidémie de sida. Les principales subventions ont en effet été versées aux structures créées par la secte sous le nom d’Association des droits et devoirs des positifs et porteurs du sida (ADDEPOS) auxquelles certains médecins ont, en toute bonne foi, adressé leurs patients, faute de thérapeutiques alternatives.

Le Patriarche est actuellement en pleine restructuration. On a vu qu’il œuvre sous le sigle DIANOVA qui lui sert de nouvelle appellation sociale. D’après les informations communiquées à la Commission, il ne bénéficierait plus de financements publics. Cependant, en proie à d’importantes difficultés financières, il a lancé plusieurs appels de fonds auprès d’organismes privés spécialisés dans l’aide d’urgence (comme par exemple la banque alimentaire de Clermont-Ferrand) et auprès de particuliers sollicités par des quêtes, des collectes ou des braderies. La Commission ne peut qu’inviter à la plus grande circonspection dans l’octroi de ces aides. Il importe en effet de vérifier au préalable la réalité de la restructuration des activités de Dianova et de l’apurement du passif que M. Engelmajer a laissé derrière lui.

L’Office culturel de Cluny continue à bénéficier d’aides financières publiques. À la suite du rapport de la précédente commission d’enquête, l’agrément d’association nationale d’éducation populaire lui a été retiré par un arrêté du ministre de la jeunesse et des sports en date du 28 octobre 1996. Cet arrêté a été annulé, le 5 mars 1998, par le Tribunal administratif de Paris. Le juge s’est cependant fondé sur un vice de procédure, et n’a pas pris position sur le fond de l’affaire. En effet, le Tribunal a motivé sa décision par le fait que le Conseil de la jeunesse, de l’éducation populaire et des sports, compétent en la matière, " n’était pas, à la date où il s’est prononcé, saisi de l’ensemble des pièces du dossier lui permettant de se prononcer sur la question qu’il lui appartenait d’examiner ". Par ailleurs, l’association culturelle du café des arts, " filiale " de l’Office implantée dans l’Isère, reçoit toujours une subvention de 40.000 francs du Conseil général de ce département, et une aide de 50.000 francs de la ville de Grenoble. En contrepartie de son soutien, cette dernière a demandé à l’association de se conformer au droit du travail en procédant à la déclaration des bénévoles dont elle bénéficie.

La Commission a eu également connaissance de subventions versées par la ville de Chatou, le conseil général des Yvelines et le conseil régional d’Ile-de-France à l’Ecole Perceval. Cette dernière appartient au réseau des établissements d’enseignement contrôlés par la société d’Anthroposophie.

Il existe par ailleurs plusieurs cas de financement public indirect. Certaines sectes ont bénéficié des soutiens prévus dans différents dispositifs d’aide à l’emploi. L’Office culturel de Cluny a notamment déclaré avoir employé en 1998 une personne en contrat emploi solidarité (CES), de même que l’association Azur mieux être, une des principales structures chargées de propager les pratiques de la secte Siderella. Au cœur de la communication a bénéficié d’une subvention de 7.000 francs pour l’emploi d’un salarié en contrat de qualification. Ce sont là les seuls exemples portés à la connaissance de la Commission. Il est cependant clair que ces types de contrats peuvent être utilisés dans une proportion beaucoup plus importante.

Un membre d’une secte, par ailleurs agent de l’Etat ou d’une collectivité locale, peut également mettre à la disposition de son organisation les moyens matériels que lui offre son administration. C’est une pratique qui a été, par exemple, utilisée par le Mandarom dont l’actuelle dirigeante, Mme Christine Amory-Mazaudier, est agent du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et affectée au Centre d’étude des environnements terrestres et planétaires. Il a été établi qu’elle a utilisé les moyens de communication de son laboratoire (fax, e-mail, courrier) pour ses activités sectaires.

Les sectes ont recours à un autre procédé de détournement de fonds publics, plus pernicieux, qui consiste à exiger de leurs adeptes le bénéfice des allocations ou revenus de remplacement qu’ils reçoivent de la collectivité. Le Patriarche a demandé à certains de ses pensionnaires de lui reverser leur revenu minimum d’insertion. Tabitha’s Place est une secte financièrement peu importante, connue pour les mauvais traitements qu’elle réserve aux enfants, qui vit en partie grâce à la collecte des allocations familiales perçues par les familles de la communauté, et dont le montant était estimé pour 1994 à près de 500.000 francs. De tels détournements ont tendance à se développer de manière inquiétante, les sectes s’intéressant de plus en plus à un public disposant de revenus de remplacement, et notamment aux chômeurs. La Commission a relevé par exemple l’existence de campagnes de prosélytisme sectaire auprès de demandeurs d’emploi.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr