L’image du gourou enrichi sur le dos des adeptes est une des représentations du phénomène sectaire les plus souvent véhiculées. Elle traduit la part de fantasmes qu’il suscite et que les sectes elles-mêmes entretiennent en maintenant l’opacité de leurs pratiques.

La Commission a eu, sur ce point, communication d’informations précises. Il en ressort que l’enrichissement personnel n’est pas l’objectif de toutes les organisations sectaires. Les dirigeants des Témoins de Jéhovah ne tirent probablement aucun profit financier personnel significatif de leurs activités. Une telle attitude est en effet très éloignée de l’état d’esprit qui prévaut au sein de cette secte, trop soucieuse de reconnaissance officielle et trop jalouse de l’influence de son organisation pour consentir des avantages particuliers à ses adeptes. Il existe cependant des cas incontestables de sommes directement versées aux responsables d’organisations sectaires qui montrent que l’enrichissement personnel de certains membres constitue une motivation commune à plusieurs sectes.

L’administration fiscale a établi que les recettes de plusieurs structures sectaires ont été utilisées pour verser des revenus à leurs dirigeants. Le contrôle fiscal réalisé sur Au cœur de la communication pour une période allant de 1993 à 1996 a par exemple révélé que cette association a versé, sans les déclarer, des revenus à Mme Claire Nuer, fondatrice de la secte, et à son époux pour un montant de 197.000 francs. La SARL Prima Verba a distribué de manière occulte 233.000 francs à sa gérante, Mme Valérie Haffray. On a là des exemples caractérisés de détournement de l’argent des sectes et, dans certains cas, de dons de leurs adeptes, pour le profit des personnes qui les ont créées, président leurs instances ou, le plus souvent, les dirigent de fait.

Dans d’autres cas, la distribution de revenus est avérée sans que l’identité du bénéficiaire, à supposer qu’elle soit établie, ait été communiquée à la Commission. Les montants en cause montrent les possibilités d’enrichissement offertes par les sectes : les revenus distribués de manière occulte atteignent 586.000 francs dans le cas de l’association Tradition famille propriété (période allant de 1990 à 1992) ; 2,7 millions de francs pour Avenir de la culture (même période) ; 748.000 francs pour le Mouvement raëlien (entre 1987 et 1989) ; 6,4 millions de francs pour l’Eglise de Scientologie de Paris (entre 1981 et 1985) et même 32 millions de francs dans le cas de Krishna selon les résultats d’un contrôle ancien portant sur les années 1982 et 1983. Avant la constitution de la SARL Prima Verba, les différentes structures créées par M. Serge Marjollet, fondateur de la secte du même nom, ont pratiqué la distribution occulte de revenus pour des montants représentant plusieurs centaines de milliers de francs.

Les contrôles réalisés sur les personnes physiques fondatrices ou responsables d’une secte sont également riches d’enseignements sur leur niveau de revenus. M. L.J. Engelmajer a fait l’objet d’une taxation d’office qui s’est traduite par un redressement d’1,1 million de francs, hors pénalités, portant sur une période allant de 1994 à 1996. M. Guy Claude Burger, fondateur d’ORKOS et de l’instinctothérapie, incarcéré en 1997, a subi un redressement de 469.000 francs (toujours hors pénalités) au titre des revenus d’origine indéterminée, du produit de ses activités commerciales et de formation qu’il a reçus en 1994 et 1995. Gilbert Bourdin a également été redressé pour des activités similaires et le rappel d’impôts se chiffrait à 297.000 francs pour trois années (1992 à 1994). M. Serge Marjollet et son épouse Mme Valérie Haffray ont été taxés à hauteur de 385.000 francs pour absence de déclaration de bénéfices non commerciaux, revenus d’origine indéterminée et revenus distribués de manière occulte. Enfin, M. Jean-Jacques Mazier, ancien dirigeant de l’Eglise de Scientologie de Lyon, a fait l’objet, avant sa condamnation pour escroquerie en 1997, d’un redressement de 761.000 francs pour disproportion entre les sommes créditées sur ses comptes bancaires et celles figurant sur ses déclarations de revenus pour 1989 et 1990.

D’autres sectes ne cachent pas l’importance des revenus qu’elles procurent à leurs dirigeants. Dans sa réponse au questionnaire de la Commission, l’association Spiritual Human Yoga a déclaré avoir versé, de 1995 à 1998, 3.203.225 francs à M. Luong Minh Dang, fondateur de cette secte plus connue sous le nom de Human Universal Energy (HUE), incarcéré récemment en Belgique. Cet exemple donne la mesure des revenus que des personnes peuvent tirer d’une organisation sectaire en facturant leurs " services " soit sous la forme d’honoraires qui peuvent figurer dans les comptes des associations concernées, soit par l’encaissement d’espèces issues des liquidités brassées par la secte alimentée par la générosité des membres. Le charisme personnel acquis par les fondateurs de certains mouvements et l’ascendant qu’ils exercent sur leurs adeptes dont la manipulation mentale n’est plus à prouver, constituent autant de moyens de pression qui peuvent être utilisés pour un enrichissement personnel. Il est en effet utile de rappeler que certaines sectes sont réputées pratiquer la facturation des rites, cérémonies ou sacrements administrés par le gourou. D’après les informations communiquées à la Commission, ce serait notamment le cas de l’Eglise universelle du royaume de Dieu qui monnayerait les guérisons miraculeuses et autres délivrances spirituelles qu’elle organise, ou de l’Association orthodoxe du Christ Roi dont le dirigeant ferait payer ses talents de guérisseur et d’exorciste.

Le train de vie des responsables sectaires est également révélateur des revenus qu’ils peuvent tirer de leurs activités. Les informations dont la Commission dispose sur ce point, et dont plusieurs ont été portées sur la place publique, étaient particulièrement difficiles à vérifier dans les délais qui lui étaient impartis. Elle s’en fait par conséquent l’écho avec toutes les précautions qu’exigent la nature de ce type d’informations et l’opacité qui entoure les sectes. La Commission a par exemple eu connaissance de l’existence d’une flotte de bateaux de plaisance et d’une péniche de 38,5 mètres de long utilisés par le fondateur de Siderella. Lui ont également été rapportés le goût de M. Patrick Vorilhon, dirigeant du mouvement raëlien français, pour la course automobile, la propension de ce dernier à multiplier les voyages à travers le monde, et l’habitude des époux Marjollet d’afficher des signes extérieurs de richesse, et notamment des véhicules de luxe.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr