Il n’est pas possible de mesurer la part de l’économie souterraine revenant aux mouvements sectaires. En l’absence de définition juridique de la notion de secte, les organismes de contrôle, notamment la Délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal, n’appréhendent pas le domaine des sectes en tant que tel, mais l’ont rencontré, à un nombre suffisant de reprises au cours de leurs enquêtes, pour pouvoir considérer que les infractions à la législation du travail tiennent une place importante dans les agissements sectaires.

Le point de départ réside généralement dans l’emploi de bénévoles, pratique très courante dans le domaine associatif, comme nous l’avons vu plus haut. Il y a recours abusif au bénévolat et dissimulation d’emploi salarié lorsque l’on trouve dans l’activité des bénévoles tous les éléments constitutifs du contrat de travail, à savoir : un travail, un lien de subordination entre celui qui le donne et celui qui l’exécute, enfin une rémunération.

Ainsi, l’inspection du travail a démontré que l’utilisation des adeptes à la réalisation des travaux d’imprimerie des publications des Témoins de Jéhovah relevait de la notion de travail et dépassait celle de bénévolat. La mission d’inspection effectuée en juin 1996 a en effet permis d’établir que toutes les caractéristiques d’un travail salarié étaient réunies, notamment l’indication d’horaires, l’organisation des tâches et un lien de subordination hiérarchique pour celles-ci.

Avant la promulgation de la loi du 11 mars 1997, le code du travail liait la dissimulation de salariés à l’existence d’un but lucratif. L’inspection de 1996 n’a donc pas pu déboucher sur des poursuites pour travail clandestin, le caractère lucratif de l’association chargée de l’exploitation de l’imprimerie n’ayant pas pu être démontré, notamment à l’occasion du contrôle fiscal dont elle a fait l’objet et sur lequel on reviendra.

En revanche, le procès-verbal dressé le 22 juillet 1996 par l’inspection du travail a retenu les infractions suivantes : défaut de déclaration préalable d’occupation de personnel salarié (article L. 620-1 du code du travail), absence d’affichage des horaires de travail (article L. 620-2), défaut de tenue d’un registre unique du personnel (article L. 620-3), d’affichage de l’identité et de l’adresse de l’inspection du travail (article L. 620-5), de tenue d’un livre de paie (art. L.143-5), de visite médicale du travail, enfin non-respect des règles de sécurité à l’occasion d’un accident du travail.

Sur le fondement des dispositions votées en 1997 qui pourraient désormais justifier des poursuites pour travail illégal, le parquet d’Evreux a demandé à l’inspection du travail de constater à nouveau les infractions dont la communauté de Louviers est responsable. Une nouvelle inspection a eu lieu en juin 1998.

La Commission a également eu connaissance des agissements d’associations dépendant du mouvement Dianova, employant des chauffeurs-routiers, prétendument bénévoles, et effectuant des transports de marchandises en violation de la réglementation des conditions de travail dans ce secteur. Comme l’a montré la Cour des Comptes, les caisses de plusieurs centres de la secte étaient utilisées pour octroyer des avantages en nature, voire verser des salaires qui n’étaient pas déclarés.

Il est en revanche surprenant qu’aucune inspection n’ait été diligentée pour examiner les conditions de travail en vigueur au sein des associations scientologues. Il est clair que ces dernières fonctionnent dans une proportion importante grâce au bénévolat dont il serait intéressant de vérifier qu’il respecte le droit du travail.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr