Plusieurs ministères, parmi les plus concernés par le phénomène, ont mis en place des mécanismes destinés à intégrer les déviances sectaires dans leur mission de protection de la société.

=> LE MINISTERE DE LA JUSTICE s’est mobilisé de façon indiscutable. Une première circulaire a été publiée le 29 février 1996 par la Chancellerie afin d’appeler l’attention sur les dangers des sectes. Elle reprenait, en annexe, la liste des mouvements établie par la commission d’enquête parlementaire de 1995.

Le processus de sensibilisation du système judiciaire au phénomène sectaire s’est traduit récemment par la création d’un poste de chargé de mission au niveau de l’administration centrale, à la direction des Affaires criminelles et des grâces, en vue, d’une part, de centraliser les informations sur les activités sectaires, d’autre part, d’assister en tant que de besoin les magistrats dans un domaine très spécifique sur lesquels ils disposaient jusqu’ici de très peu d’éclairages.

Sur le plan fonctionnel, une nouvelle circulaire publiée le 1er mars 1998 invite les magistrats des parquets à être beaucoup plus attentifs à tous les signalements qui leur parviendraient et feraient état de risques sectaires.

Elle met en place trois séries de mesures pour donner une impulsion nouvelle à l’autorité judiciaire :

 " un échange d’informations entre l’autorité judiciaire et les associations de lutte contre le phénomène sectaire ".

Les procureurs de la République sont incités à établir des relations avec les associations fédérées au sein de l’Union nationale des associations pour la défense de la famille et des individus (UNADFI) et du Centre Roger Ikor (CCMM), afin d’étudier ensemble les agissements des mouvements sectaires opérant dans leur ressort.

 la désignation d’un " correspondant sectes " auprès de chaque Parquet général.

Le ministère de la Justice devrait, par les 35 correspondants qui ont ainsi été nommés, disposer dans chaque cour d’appel d’un relais d’information pour la Chancellerie et d’un facteur de sensibilisation locale à la lutte contre les sectes. Ce magistrat doit notamment veiller à la coordination de l’activité judiciaire avec celles des autres services de l’Etat.

 " l’institutionnalisation de réunions de coordination ".

La circulaire confie à chaque correspondant du Parquet général le soin de réunir régulièrement les services publics concernés (police, gendarmerie, services du travail et de l’emploi, inspections de l’éducation nationale et de la jeunesse et des sports, douanes, services fiscaux, directions départementales des affaires sanitaires et sociales, directions départementales de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) et les procureurs de la République du ressort, en sollicitant aussi la participation des conseils généraux lorsque la protection de l’enfance est en cause.

Ces réunions doivent servir à déterminer des critères de signalement aux parquets, à évaluer les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre les dérives sectaires et à choisir les procédures les plus efficaces pour y parvenir.

Avant la publication de cette circulaire, le ministère de la Justice avait organisé, en mars 1998, une session de formation à l’Ecole nationale de la Magistrature, à destination des magistrats, des agents de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire. Une deuxième s’est tenue en janvier 1999. Ces sessions sont appelées à se renouveler régulièrement.

=> LE MINISTERE DE L’INTERIEUR, par la nature même de ses missions fondamentales, particulièrement la répression des atteintes aux personnes et aux biens, exerce depuis longtemps une surveillance étroite des phénomènes sectaires.

Une nouvelle impulsion a été donnée par la circulaire du 7 novembre 1997, adressée aux préfets et au préfet de police, et préconisant la mise en place au niveau départemental d’une sensibilisation du public et d’une mobilisation des services administratifs.

Dans le domaine de l’information, les services des Renseignements généraux ont depuis lors encore perfectionné leurs outils de connaissance. Dans celui de la poursuite des infractions, la police judiciaire a également accompli de considérables progrès, aussi bien dans la compréhension du phénomène que dans les techniques d’enquête.

=> LE MINISTERE DE LA DEFENSE joue un rôle essentiel au travers des missions confiées à la Gendarmerie nationale.

Celle-ci travaille aujourd’hui, dans le domaine judiciaire comme dans celui du renseignement, sur l’ensemble des secteurs d’activités des mouvements sectaires, en utilisant au mieux le maillage territorial très dense dont elle dispose.

=> LE MINISTERE DE L’EDUCATION a, à la suite du rapport de la précédente commission d’enquête parlementaire, créé en septembre 1996, une cellule chargée de la prévention des phénomènes sectaires, dirigée par un inspecteur général de l’Education nationale.

Celle-ci a déjà effectué un important travail d’information sur les agissements sectaires dans le milieu éducatif et a recueilli des éléments précis pour la connaissance du phénomène.

Elle a pu également, à plusieurs reprises, diligenter des enquêtes qui ont permis d’arrêter rapidement des tentatives d’infiltration sectaire dans l’enseignement public, au moyen par exemple de " mallettes éducatives ", dont nous avons eu l’illustration plus haut.

Elle s’efforce également de mettre en place un programme rigoureux de contrôle de certains établissements privés hors contrats, désormais soumis par le décret du 23 mars 1999 à des obligations scolaires précises et susceptibles de parer au risque de prosélytisme à destination des élèves.

Enfin, la cellule de l’Education nationale vient de décider de mobiliser les inspecteurs généraux sur le contrôle des établissements privés d’enseignement à distance qui n’ont, jusqu’à maintenant, fait l’objet d’aucune surveillance précise.

=> LE MINISTERE CHARGE DES AFFAIRES SOCIALES a engagé de manière inégale une politique de sensibilisation au phénomène sectaire et de prévention à son égard.

La direction de l’Action sociale, et plus particulièrement la sous-direction du développement social, de la famille et de l’enfance, joue un rôle pilote au sein du ministère. On rappellera que celle-ci a fait réaliser, dans le cadre d’une convention passée avec l’Association pour une recherche interdisciplinaire sur l’existence et la santé (ARIES) un important rapport remis en 1997, sur " Le droit face aux sectes ", qui constitue une somme de réflexions théoriques dans ce domaine. Cette direction a également fait produire un film de sensibilisation sur le thème de " l’adepte face aux sectes ".

Pour 1999, la direction de l’Action sociale a décidé de privilégier comme premier axe de travail les questions de protection de l’enfance et a adressé, à cet effet, une lettre circulaire aux présidents de conseils généraux. Ayant constaté une insuffisance d’informations sur le terrain, elle a organisé des journées de formation technique à destination des personnels des services extérieurs du ministère : le 15 janvier a eu lieu une première journée sur l’enfance, une seconde journée sera programmée avant la fin de l’année sur les enfants dans les sectes.

Toutefois, sur un plan plus général, le ministère ne s’est mobilisé que plus tardivement. Depuis juin 1998, un groupe de travail composé de représentants des renseignements généraux, de la justice et des différents services du ministère se réunit tous les deux mois environ. C’est l’occasion d’échanger des informations et de trouver des angles juridiques d’approche du phénomène sectaire.

Dans le domaine de la santé, le dispositif prévu n’est encore qu’à l’état de projet. Il comprend :

 la création d’une délégation ou d’un correspondant secte dans chacune des directions ;

 

 l’établissement d’un document d’alerte destiné aux services déconcentrés ;

 

 la tenue de réunions régulières avec les directeurs d’hôpitaux ;

 

 l’organisation de nouvelles sessions de formation dans le cadre de l’Ecole nationale de la Santé publique ;

 

 l’incitation des corps professionnels, tels que les psychiatres, à créer des outils d’analyse des agissements sectaires ;

 

 l’aide à la prise en charge psychologique des anciens adeptes et de leurs familles en passant des conventions avec les associations concernées ;

 

 la réalisation d’une campagne d’information des malades sur les dangers de certaines thérapies de développement personnel et de traitements pseudo-médicaux non éprouvés scientifiquement.

 

De même, l’administration de la formation professionnelle ne fait que commencer à prendre la mesure de l’ampleur de l’infiltration des sectes. Il faut reconnaître que la faiblesse de ses moyens ne lui permettait guère de jouer un rôle précurseur dans ce domaine.

=> Aux côtés des ministères qui ont adopté, plus ou moins vite, une attitude de pointe dans la lutte contre les déviances sectaires, il faut faire une place à part au MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES.

Si ce ministère est apparu à la Commission souvent timoré et ses services parfois mal coordonnés dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale commise par les sectes, il faut en revanche souligner avec satisfaction, d’une part, l’activité de TRACFIN, d’autre part la mobilisation de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

( TRACFIN, service placé sous l’autorité du ministre de l’Economie et des Finances, a été créé par la loi du 12 juillet 1990 avec la mission de recenser, de traiter et de dénoncer aux autorités judiciaires chargées des poursuites, les faits présumés de blanchiment d’argent provenant de trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles.

Pour ce faire, la loi a imposé l’obligation à un certain nombre d’organismes, publics ou privés, ayant à connaître de mouvements de fonds importants, tels que les établissements financiers, les compagnies et les courtiers d’assurances, les sociétés de bourse, les commerçants et changeurs manuels, de déclarer à TRACFIN ceux qui pouvaient leur paraître suspects à ce titre.

Ces dispositions ont été considérablement renforcées par les lois du 13 mai 1996 et du 2 juillet 1998 qui ont créé le délit de blanchiment et étendu la compétence de TRACFIN.

Cet organisme a connu depuis sa mise en place opérationnelle, en février 1991, une montée en puissance considérable de son activité et a rencontré, à plusieurs reprises, des cas où des mouvements sectaires étaient impliqués. Au cours des trois dernières années, le service a reçu une dizaine de déclarations de soupçons concernant des associations de type sectaire. Dans chacun des cas, TRACFIN avait été alerté par des établissements bancaires en raison du comportement atypique du détenteur (personne morale ou personne physique) de certains comptes : ressources d’une association visiblement utilisées pour les besoins personnels de ses dirigeants, prêts sans intérêt et sans échéance de remboursements, transferts de fonds excédant manifestement les moyens des personnes émettrices, règlements d’achats de produits à l’étranger sans importations en contrepartie... Six dossiers ont été transmis aux parquets compétents et une information judiciaire a chaque fois été ouverte.

Ainsi l’action de TRACFIN peut-elle servir à révéler des affaires qui ne seraient pas apparues, mais également à intervenir pour enrichir des enquêtes en cours.

( La DGCCRF a intensifié, depuis deux ans, la lutte contre l’économie souterraine dans laquelle, on l’a vu, les mouvements sectaires tiennent une place non négligeable.

Un important programme de formation à l’intention des 2 200 enquêteurs a été mis en place.

L’arsenal juridique disponible a fait l’objet d’un vade-mecum permettant de repérer et de couvrir le plus grand nombre des infractions pratiquées, avec l’indication correspondante de la procédure à suivre et de l’incrimination à déterminer.

La lutte opérationnelle contre l’économie souterraine comporte un système de programmation trimestrielle des enquêtes avec un échéancier contrôlé pour la remise des résultats. La direction procède, pour chaque catégorie d’enquêtes, à une sorte d’appel d’offres à ses directions départementales afin de mobiliser celles qui ont déjà acquis une certaine expérience dans les thèmes faisant l’objet de l’enquête. Ce mécanisme présente notamment l’avantage de décloisonner territorialement l’action administrative, ce qui comporte un grand intérêt dans la lutte contre les pratiques sectaires.

La direction a également institué une coopération active avec les associations de consommateurs et, par extension, avec les associations ayant à connaître des activités sectaires.

Certaines organisations professionnelles, comme le syndicat de la vente directe, ont été invitées, dans le même esprit, à apporter leur collaboration à la DGCCRF. Celle-ci a permis de repérer quelques pratiques commerciales frauduleuses émanant de mouvements sectaires.

A également été mis en place, en mai 1997, une coopération permanente entre la DGCCRF, la Direction générale des douanes et droits indirects et la Direction générale des impôts afin d’élaborer, au niveau central, puis de mettre en œuvre, au niveau local, un plan d’action commun contre l’économie souterraine.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr