Le système statistique du ministère de l’Intérieur comptabilise les personnes mises en cause à l’occasion de crimes ou de délits. Dans ce cadre sont recensées les personnes entendues par procès verbal et pour lesquelles les aveux ou indices recueillis en cours d’enquête attestent de leur participation à la réalisation de l’infraction qui a causé leur interpellation. L’ensemble des interpellations ne fait donc pas l’objet d’une statistique spécifique.
Le nombre de personnes mises en cause dans l’île a connu une progression de 11,23 % sur la période 1993-1998 en passant de 3 685 à 4 099.
Les suites judiciaires données ne sont pas prises en compte en terme de déferrement des personnes mises en cause, mais en terme de personnes écrouées. Ainsi, pour la période courant de 1993 à 1997, la part des personnes écrouées en Corse a représenté plus de 13 % du total des mis en cause se situant à un niveau supérieur à la moyenne nationale. On notera néanmoins une tendance à la diminution du nombre des personnes écrouées qui est passé de 513 en 1993 à 373 en 1998, soit une baisse de 27,29 %.
MIS EN CAUSE ET ÉCROUÉS EN RÉGION CORSE
Années
Total des mis en cause
Ecroués en Corse
Part des écroués dans le total des mis en cause en Corse
Taux national des écroués dans le total des mis en cause
1993
3685
513
13,92 %
11,25 %
1994
5015
845
16,85 %
10,44 %
1995
4744
670
14,12 %
9,46 %
1996
4380
649
14,82 %
9,17 %
1997
4031
525
13,03 %
8,13 %
1998
4099
373
9,10 %
7,21 %
Source : direction centrale de la police judiciaire.
Si les données relatives aux personnes écrouées se situent dans la moyenne nationale, en revanche l’analyse des peines prononcées par les juridictions corses soulignent les carences de l’appareil répressif. Ces carences peuvent s’expliquer par l’incapacité des services enquêteurs à rassembler des éléments de preuve ou à conduire correctement les procédures de police judiciaire, mais aussi par la clémence des cours d’assises locales.
On remarquera tout d’abord que le taux de non-lieux mesuré par rapport au nombre des décisions de clôture prononcées par les juges d’instruction dans l’ensemble du ressort de la cour d’appel de Bastia a été supérieur à celui constaté au niveau national pour les années 1993, 1994 et 1997. Cette donnée montre que bon nombre de procédures judiciaires ne peuvent aboutir à des condamnations, faute de preuves suffisantes ou du fait de procédures mal conduites par les officiers de police judiciaire.
TAUX DE NON-LIEUX DANS LE RESSORT DE LA COUR D’APPEL DE BASTIA
Nombre de non-lieux
Taux par rapport au nombre total de décisions
cour d’appel de Bastia
cour d’appel de Bastia
Taux national
1993
76
16,3 %
11,6 %
1994
52
13,5 %
12,4 %
1995
43
9,1 %
12,2 %
1996
41
9,3 %
13,0 %
1997
75
18,9 %
14,2 %
Source : parquet général de la cour d’appel de Bastia.
S’agissant des peines prononcées par les juridictions locales elles sont inférieures à celles prononcées par les autres juridictions répressives françaises. Ainsi, sur la période 1988-1998 étudiée par le procureur général Legras dans le cadre de son audit sur la justice criminelle en Corse, il apparaît que le taux d’acquittement des tribunaux de Bastia et d’Ajaccio avec respectivement 22,4 % et 15 % est le plus fort de France. S’agissant des peines supérieures à 10 ans, les deux tribunaux de l’île sont ceux qui en prononcent le moins puisqu’elles représentent 21,6 % des peines prononcées à Ajaccio et seulement 12,9 % des peines prononcées à Bastia, contre plus de 46 % des peines prononcées dans le ressort de la cour d’appel d’Orléans (voir page suivante).
S’agissant de la répression des actes de terrorisme, la compétence concurrente du parquet de Paris pour ces dossiers implique un examen distinct des décisions prononcées dans ce ressort.
Pour ce qui relève des enquêtes initiales diligentées par le parquet de Paris, force est de constater qu’un nombre important de procédures sont classées sans suite du fait de l’absence d’auteur connu de l’infraction. Le nombre d’informations judiciaires ouvertes est peu élevé et le nombre d’affaires renvoyées devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises demeurent faibles même si l’on assiste à un accroissement récent et notable. Ainsi en 1993, sur les 42 saisines du parquet de Paris pour des affaires de terrorisme corse, 30 ont donné lieu à une décision de classement sans suite, 12 ont donné lieu à une information dont 10 se sont soldées par un non-lieu et une par un constat de prescription. La dernière information ouverte est toujours en cours.
ACQUITTEMENTS
1988 - 1999
(en %)
PEINES SUPÉRIEURES À 10 ANS
SUR LE NOMBRE TOTAL D’ACCUSÉS
1988 - 1998
(en %)
SAISINE DU PARQUET DE PARIS DE 1993 À 1999
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 706-17 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
POUR LES FAITS SURVENUS EN CORSE
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
Nombre de saisines
42
34
50
172
183
49
41
Décisions de classement après enquête
30
16
46
112
133
5
3
Jonctions d’information
–
–
–
22
32
9
–
Informations ouvertes
12
18
4
33
9
24
7
Suites données à ces informations
– ordonnances de transmission de pièces au procureur général
–
–
–
4
–
–
–
– ordonnances de renvoi devant le tribunal
–
–
2
3
1
2
–
– ordonnances de non-lieu
10
15
–
6
3
–
–
– informations toujours en cours
1
3
2
17
5
22
–
– action publique éteinte
1
–
–
–
–
–
–
– dessaisissements a profit d’une juridiction corse
–
–
–
3
–
–
–
Enquête toujours en cours
–
–
–
5
9
11
31
Source : parquet du tribunal de grande instance de Paris.
Le nombre d’affaires renvoyées devant le tribunal correctionnel de Paris est par ailleurs faible, puisqu’il est compris entre 0 et 3 affaires par an entre 1993 et la fin du 1er semestre 1999, 7 affaires demeurant en attente de jugement. Quant à la cour d’assises, elle n’a jugé qu’une affaire de terrorisme corse sur la période étudiée par la commission d’enquête, 3 affaires demeurant en attente de jugement (voir ci-avant).
La durée moyenne de l’instruction pour les affaires corses est de deux ans et 132 mandats de dépôt ont été délivrés depuis 1993. Les condamnations prononcées par le tribunal de Paris se répartissent de la manière suivante : 14 ont été prononcées pour association de malfaiteurs, 5 pour destruction et dégradations, 10 pour détention d’armes et d’explosifs ; 11 peines d’emprisonnement ont été prononcées, 3 peines d’emprisonnement avec sursis et 2 relaxes.
Cette situation montre la difficulté des services enquêteurs et des magistrats dans le domaine de l’identification des auteurs d’attentats. Très peu d’auteurs de ces infractions ayant été interpellés sur la période considérée, les arrestations concernent le plus souvent des infractions connexes, telles la détention d’armes et d’explosifs et l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Quoi qu’il en soit, ces données soulignent le faible nombre d’affaires qui aboutissent après dépaysement auprès des juridictions parisiennes.
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La situation des forces de sécurité en Corse est paradoxale : malgré leur présence massive, le degré de violence dans l’île demeure élevé et le nombre d’affaires élucidées en matière d’homicides et d’attentats reste faible. Par ailleurs, la réponse judiciaire est caractérisée par sa faiblesse, puisque peu d’affaires aboutissent sur le plan judiciaire et que les juridictions criminelles de l’île connaissent d’importants dysfonctionnements, notamment du fait des cours d’assises locales. Force est donc de constater une situation de relative impuissance de l’Etat dans le domaine de la sécurité en Corse. Cet état de fait appelle une réflexion d’ensemble sur les raisons de cette situation.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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