Rompant avec les pratiques antérieures plaçant de fait le ministère de l’Intérieur dans une position de ministère pilote en matière de définition de la politique applicable en Corse, M. Lionel Jospin a décidé que cette région serait traitée à l’instar de toutes les régions métropolitaines, c’est à dire dans le respect des prérogatives de chaque ministère. Les questions d’ensemble intéressant la Corse sont dès lors abordées dans un cadre interministériel et les éventuels différends entre ministères sont tranchés par Matignon, qui dispose par ailleurs d’un rôle d’impulsion pour tous les sujets transversaux intéressant l’île.

Présentant son rôle dans le dossier corse le ministre de l’Intérieur, M. Jean-Pierre Chevènement, a ainsi indiqué : " Le gouvernement de M. Lionel Jospin fixe d’emblée un cap clair ; dans son discours de politique générale, le 19 juin 1997, le Premier ministre déclare : "En Corse, comme partout ailleurs sur le territoire national, le gouvernement veillera au respect de la loi républicaine auquel la population aspire et sans lequel il n’y a pas d’essor possible. Parallèlement, il fera en sorte que la solidarité nationale s’exerce pour rattraper le retard de développement dû à l’insularité". Le dossier corse demeure de la responsabilité du gouvernement tout entier, chaque ministre étant responsable dans son domaine de compétence ; ainsi le ministère de l’Intérieur est chargé de l’ordre public et de l’administration générale ".

Ce propos a d’ailleurs été confirmé par le directeur de cabinet du Premier ministre, M. Olivier Schrameck, lors de son audition par la commission : " Par ailleurs, c’est dès l’origine aussi que le Premier ministre avait marqué sa volonté qu’il n’y ait pas, au sein du gouvernement, un ministre chargé de la Corse. M. Jean-Pierre Chevènement lui-même, ministre de l’Intérieur, en visite en Corse en juillet 1997, a confirmé qu’il n’était pas le ministre de la Corse. Cela impliquait que Matignon jouât pleinement son rôle de coordination et d’animation de l’ensemble de l’équipe gouvernementale ".

De fait l’assassinat du préfet Erignac devait conforter cette approche interministérielle de la question corse : il s’agissait dans le cadre d’une organisation gouvernementale de droit commun d’approcher de manière globale la question du respect de la légalité dans l’île en dépassant la seule action répressive et en impliquant l’ensemble des services de l’Etat présents sur place.

M. Alain Christnacht, conseiller auprès du Premier ministre, a ainsi déclaré : " La politique d’établissement de l’Etat de droit n’a pas commencé au lendemain de la mort de Claude Erignac, mais il est clair que cet événement, considérable, a conduit à la renforcer et à mieux cerner les priorités.

" (...) Il est apparu d’une part, que l’Etat de droit était indivisible, autrement dit que l’on ne pouvait lutter de manière pertinente contre la violence, les attentats, certaines formes de délinquance si, par ailleurs, on continuait à admettre qu’un nombre très important de lois et de règlements restaient inappliqués ou peu appliqués - cela visant tout aussi bien l’application du droit fiscal avec le très faible recouvrement d’un certain nombre d’impôts que l’application du droit social, du droit de l’urbanisme, etc. ".

Cette politique définie par le gouvernement devait être mise en œuvre localement par un engagement extrêmement important de l’autorité préfectorale et des services de sécurité.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr