Pour mieux répondre au défi de la violence et dynamiser la politique de sécurité, des adaptations structurelles sont nécessaires. Le regroupement des bâtiments publics disséminés sur le territoire insulaire et la réorganisation des brigades de la gendarmerie départementale sont deux directions à privilégier.

A) REGROUPER ET SECURISER LES BATIMENTS PUBLICS

La quasi totalité des attentats revendiqués par les mouvements nationalistes concerne des bâtiments publics, symboles de la présence de l’Etat. Leur recrudescence au cours des derniers mois - une cinquantaine d’attentats contre des édifices publics ont été perpétrés depuis le début de l’année - incite à proposer de réduire les cibles potentielles de l’action terroriste.

Le nombre des implantations de bâtiments administratifs est en effet considérable. Ainsi, y a-t-il, par exemple, 174 établissements et agences de la poste, 30 perceptions, 33 établissements de France Télécom, 23 bureaux des douanes. Malgré l’importance des effectifs de police et de gendarmerie sur l’île et le renfort substantiel de forces mobiles, il est impossible d’assurer la garde de tous ces édifices. Les gardes statiques des bâtiments les plus importants - préfectures, palais de justice, tribunal administratif, chantier du centre des impôts de Bastia - mobilisent ou, plus exactement, immobilisent à elles seules deux compagnies républicaines de sécurité et trois escadrons de gendarmerie mobile, soit 455 personnes.

Au demeurant, l’utilité des gardes statiques est relative, la protection de certains bâtiments créant un effet automatique de report des actions violentes vers d’autres établissements. Quant à l’augmentation des patrouilles, elles aussi gourmandes en effectifs, l’expérience montre qu’elles ne peuvent donner que des résultats aléatoires.

Dès lors, il serait opportun d’étudier les possibilités de regroupement des services publics. Il s’agit de passer d’une démarche verticale, chaque ministère ayant ses propres établissements, à une logique inter-services permettant à la population d’accéder aux prestations offertes dans des bâtiments sécurisés.

Cette proposition appelant une analyse complète des différentes options possibles et supposant une mise en œuvre étalée dans le temps, il est nécessaire de commencer par améliorer la sécurité passive des multiples bâtiments existants. L’installation de caméras de surveillance, la pose de vitres blindées et l’éclairage extérieur des édifices, s’ils ne sont pas des garanties de protection, peuvent cependant jouer un rôle dissuasif qu’il ne faut pas négliger.

Le regroupement des brigades territoriales de la gendarmerie départementale s’inscrit dans la même perspective.

B) REEQUILIBRER L’IMPLANTATION DES BRIGADES TERRITORIALES DE LA GENDARMERIE

L’organisation de la gendarmerie départementale de Corse permet d’assurer un maillage étroit du territoire. Cependant, la présence de petites unités dans des zones en voie de désertification ne paraît plus justifiée. Au cours des visites de brigades qu’elle a effectuées, la commission a pu mesurer les inconvénients de cette implantation peu rationnelle.

Alors que la densité de population est beaucoup plus importante dans les zones littorales, le maintien des brigades en zone de montagne constitue à l’évidence un handicap pour assurer les missions de surveillance et d’intervention. A cette inadaptation fonctionnelle s’ajoute l’isolement des gendarmes et de leur famille, vivant souvent dans un milieu hostile et coupés de toute activité sociale. Un climat psychologiquement difficile à supporter (d’autant que les brigades isolées sont des cibles de choix pour les mitraillages), des délais d’intervention pouvant atteindre une heure compte tenu de l’état du réseau routier de montagne, une charge de travail mal répartie, sont autant d’éléments qui plaident pour la suppression de certaines brigades et le regroupement corrélatif des effectifs au sein d’unités plus opérationnelles.

La nécessité de rationaliser l’implantation des brigades a d’ailleurs été soulignée par les directeurs généraux de la gendarmerie nationale entendus par la commission. Force est de constater que leurs intentions ne se sont pas traduites dans les faits. Il est vrai que le projet de fermer une brigade suscite bien naturellement l’opposition des élus locaux concernés, le départ des gendarmes étant ressenti comme un pas supplémentaire vers la désertification. Cependant, la visite de la brigade territoriale de Prunelli-di-Fiumorbo effectuée par la commission atteste que cet argument n’est pas toujours recevable : comment justifier le maintien de six gendarmes dans un village de 41 habitants qui n’a plus ni école, ni commerce ?

De plus, à la différence de la situation qui prévaut sur le continent, certaines brigades à l’intérieur de l’île ne disposent pas de l’effectif minimal de six personnes, mais de quatre ou cinq gendarmes, et certains cantons sont encore le siège de deux brigades.

Le retour à la " normale " paraît donc s’imposer. Au sein de la compagnie de gendarmerie de Sartène, la fermeture de la brigade de Cozzano, d’un effectif de quatre gendarmes et distante de la brigade de Zicavo de quatre kilomètres est engagée. Cet effort de réorganisation doit se poursuivre par la suppression progressive des neuf brigades territoriales comptant moins de six gendarmes. Au-delà, certaines implantations devront être revues. L’exemple de la brigade de Prunelli-di-Fiumorbo montre, s’il en était besoin, qu’une unité territoriale composée de six gendarmes peut se trouver confrontée aux mêmes problèmes que des brigades encore moins bien dotées.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr