Le tableau dressé par la commission d’enquête sur le fonctionnement des services de sécurité en Corse est contrasté. Mais sa démarche a avant tout été guidée par un souci de vérité dans le but de définir les voies possibles d’une politique de sécurité efficace pour la Corse. Car ses habitants sont les premières victimes de la violence et du non respect des lois. C’est en comprenant les raisons profondes des dysfonctionnements graves constatés en matière de sécurité que l’on pourra avancer et changer une société insulaire bloquée et repliée sur elle-même.

L’enseignement majeur des travaux de la commission réside dans le constat de l’échec de la politique de négociation menée avec les mouvements nationalistes. De telles négociations ont paralysé les services de police et de gendarmerie, instrumentalisé l’autorité judiciaire. Elles ont discrédité ces institutions aux yeux de l’opinion insulaire, elles ont engendré la violence et nourri le sentiment de l’arbitraire dans la population, aggravant le divorce entre les Corses et les continentaux.

Ce constat appelle une clarification durable de l’attitude de l’Etat. La volonté de rétablir l’Etat de droit manifestée par le gouvernement d’Alain Juppé à partir de 1996 et réaffirmée par l’actuel gouvernement doit être maintenue afin d’éviter les changements de doctrine aux effets délétères. L’alternance de périodes de répression et de négociations occultes a en effet montré sa nocivité. La constance des pouvoirs publics est une condition indispensable à la restauration de la crédibilité de l’Etat. Elle devrait être confortée par le consensus suscité par la politique de fermeté tant sur le continent qu’en Corse.

Dans le même temps, un meilleur fonctionnement des services publics en Corse doit permettre d’assurer le respect du pacte républicain dans une île encore dominée par les rapports de force. Il est urgent d’y garantir l’égalité devant la loi par la mobilisation de l’ensemble des administrations, mais aussi et surtout par une action impartiale de l’autorité judiciaire. La volonté conjointe du Président de la République et de l’actuel gouvernement de renforcer son indépendance doivent permettre d’inscrire dans la durée une impartialité qui a souvent fait défaut dans un passé proche. D’ores et déjà, les premiers résultats de cette politique sont patents. La justice en Corse n’est plus l’objet des multiples instrumentalisations qui l’affaiblissaient.

Après l’affaire des paillotes et ses conséquences désastreuses pour l’image de l’Etat, un nouvel équilibre doit être recherché. Il ne s’agit pas pour autant de tirer parti de cet événement grave pour remettre en cause la politique de rétablissement de l’Etat de droit. Mais celle-ci doit désormais s’opérer par l’action conjointe de tous les services de l’Etat, dans le respect des prérogatives de chacun. Le droit est en effet mieux défendu par des institutions efficaces que par le " charisme " d’un seul homme. C’est en ce sens que le nouveau préfet de région conduit avec beaucoup d’intelligence son action en Corse.

Enfin, rien ne se fera sur le terrain du respect de la légalité, sans le concours de l’opinion insulaire. Aujourd’hui le scepticisme voire la dérision à l’égard de l’action de l’Etat semblent prévaloir. Pourtant, la réussite de la politique de sécurité est une condition indispensable à la garantie des droits de chacun. Elle doit permettre de substituer au droit du plus fort, l’égalité de tous devant la loi. Elle doit favoriser l’émergence d’un espace démocratique aujourd’hui restreint par les structures de la société insulaire et par la prégnance de la violence.

La construction de cet espace démocratique ne peut se faire en occultant les aspirations nationalistes. Celles-ci existent, sont soutenues par une partie non négligeable de l’opinion insulaire et sont représentées institutionnellement. Mais aucun dialogue n’est possible tant que ces mouvements n’auront pas clairement rejeté l’action violente. Les mouvements nationalistes corses sont donc aujourd’hui à la croisée des chemins : ils ne peuvent avoir durablement un pied dans le champ démocratique et un pied dans la clandestinité.

La renonciation à la violence en tant que mode d’expression politique est donc un préalable à toute discussion démocratique sur l’avenir de l’île. L’enjeu en est d’autant plus important qu’en l’absence de solution politique, les possibilités de développement de la Corse et d’ouverture de la société insulaire sont compromises. Ne laissons pas passer cette chance.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr