RAPPEL DE LA PROCEDURE SUIVIE

L’instruction a été menée conformément aux articles 111 et suivants du décret n° 95-944 du 23 août 1995 relatif aux chambres régionales des comptes.

Par lettre du 20 janvier 1997, le président de la juridiction a notamment informé le maire de Rogliano de l’engagement de la procédure de contrôle, et l’entretien préalable s’est tenu le 25 avril 1997.

Les observations provisoires ont été arrêtées par la Chambre le 21 octobre 1997 et, en application des dispositions de l’article 114 du décret n° 95-945 du 23 août 1995, elles ont été notifiées au maire le 6 novembre 1997 qui y a répondu par lettre du 5 janvier 1998, enregistrée le 7 janvier 1998 au greffe de la Chambre. Aucune demande d’audition n’a été présentée.

Ces observations ont également été notifiées pour partie aux personnes concernées, à savoir :

 l’Office d’équipement hydraulique de la Corse (OEHC) qui y a répondu par lettre du 27 novembre 1997 ;

 les sociétés SRHC et SA CORSOVIA qui n’ont pas répondu ;

 le président du SI d’AEP TOMINO, MERIA, MACINAGGIO, qui n’a pas répondu. Dans sa séance du 29 janvier 1998, la Chambre, après avoir examiné les réponses à ses observations provisoires, entendu son rapporteur et pris connaissance des conclusions du commissaire du Gouvernement, a arrêté les observations ci-après qui ont désormais acquis un caractère définitif. La formation de la Chambre était la suivante : M. VALAT, président, Melle VESCOVALI, conseiller et M. CORMIER conseiller-rapporteur. Ces observations définitives devront être communiquées par le maire à l’assemblée délibérante dès la plus proche réunion suivant leur réception. A cet effet, elles feront l’objet d’une inscription à l’ordre du jour de cette assemblée et seront jointes à la convocation adressée à chacun de ses membres (article L. 241-11 du code des juridictions financières). Par suite, ces observations définitives deviennent communicables aux tiers (article 117 du décret précité). Enfin, il est rappelé que ces observations, se limitant à quelques points de la gestion de la commune, ne sauraient en constituer une évaluation d’ensemble.

A) L’ORGANISATION DES SERVICES PUBLICS INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

Les services concernés sont les services d’eau et de l’assainissement et le port de plaisance de MACINAGGIO.

La Chambre souligne que le statut juridique et l’organisation comptable des services en cause ont déjà fait l’objet d’une observation de la juridiction à l’occasion du contrôle des comptes des exercices 1984 à 1987 de la commune (cf. lettre d’observations définitives en date du 20 mai 1992).

1.1 - Le service de l’eau et de l’assainissement

Depuis le 1er juin 1996 et par délibération du 31 mars 1996, la commune de ROGLIANO a concédé la totalité du service de l’eau potable de la commune à l’office d’équipement hydraulique de la Corse (OEHC), alors qu’une partie de ces compétences avaient déjà été transférées au SYNDICAT D’ADDUCTION D’EAU POTABLE DE TOMINO, MERIA, MACINAGGIO. En effet, de par ses statuts (arrêté préfectoral du 22 août 1968), ce syndicat est supposé assurer "l’alimentation en eau potable des communes de MERIA, TOMINO et ROGLIANO".

Dès lors, la convention passée entre la commune et l’OEHC est irrégulière. Il s’ensuit que le contrat passé par l’OEHC avec des tiers concernant le réseau de la commune de ROGLIANO est entaché de la même irrégularité.

En outre, par délibération du 29 mars 1997, le budget annexe pour 1997 du service de l’assainissement ne contient aucune inscription en section d’investissement, dès lors que "les travaux d’investissement ont été réalisés dans le cadre du SYNDICAT D’AEP DE TOMINO, MERIA, MACINAGGIO". Or les statuts du syndicat ne lui permettent pas d’exercer de compétences en matière d’assainissement : les investissements auraient dû, en conséquence, être réalisés dans le cadre du budget annexe de la commune.

Ainsi observe-t-on, pour ces deux exemples, une incohérence entre les dispositions contractuelles et les faits, le SI D’AEP n’exerçant pas ses propres compétences en matière d’adduction d’eau potable, mais exerçant, en revanche, des compétences qui ne sont pas les siennes comme la réalisation de travaux d’assainissement.

Cette situation est donc doublement irrégulière.

Dans sa réponse, le maire fait part de la volonté de la commune de reprendre ses compétences en matière d’eau potable.

La Chambre prend acte de cette volonté qui devra cependant s’accompagner d’une révision des statuts du SI D’AEP afin de les rendre cohérents avec les compétences réelles du syndicat.

De même, s’agissant de la délégation de service public accordée à l’OEHC, une nouvelle convention de concession devra être passée.

A cette occasion, il serait opportun de modifier la rédaction de la clause de cette convention relative à la tarification de l’eau. En effet, la charge de la garantie minimale de recettes accordées au concessionnaire n’est pas clairement affectée entre la commune et les usagers. Dans l’hypothèse de la mise en jeu de la garantie précitée, l’intention des parties est que, seul l’usager pourrait être mis à contribution. La convention doit retracer ce choix.

1.2 - Le port de plaisance de MACINAGGIO

A l’occasion du contrôle des comptes des exercices 1984 à 1987, la Chambre avait souligné le caractère irrégulier de la gestion en régie simple du port de MACINAGGIO.

En effet, l’article L. 2221-4 du code général des collectivités territoriales précise que la régie municipale d’un port doit être dotée soit de la personnalité morale, soit de l’autonomie financière.

Or, contrairement à ce que laissaient supposer les termes de la lettre du 13 août 1992 adressée par le maire au président de la juridiction, la gestion du port est encore à ce jour effectuée en régie simple.

Dans sa réponse du 5 janvier 1998, le maire ayant écarté l’hypothèse de doter le port de la personnalité morale, la régie municipale du port de plaisance de MACINAGGIO doit, pour répondre aux dispositions légales, être dès lors dotée de l’autonomie financière.

A cet égard, la Chambre ne peut que rappeler que toute interprétation des orientations d’une instruction administrative destinée à permettre l’application de la loi, ne saurait se substituer aux dispositions de la loi elle-même.

La mise en conformité juridique de la régie du port de plaisance aura pour effet d’en confier l’administration au "conseil d’exploitation" prévu par les dispositions des articles R. 323-81 et suivants du code des communes, dont l’avis doit être sollicité par le conseil municipal pour les actes de gestion visés par les textes.

Par ailleurs, alors que l’application de l’instruction budgétaire et comptable M4 est obligatoire depuis 1989, ce n’est qu’à partir du 1er janvier 1997 que le budget du port est présenté selon les modalités de cette instruction, soit seulement au bout de huit ans.

La Chambre relève, une fois encore, le peu d’empressement mis par la commune de Rogliano a se conformer aux principes légaux de gestion.

Enfin, à l’occasion de l’instruction du dernier contrôle budgétaire exercé par la Chambre sur le budget du port (déséquilibre du budget 1997 ; avis n° 97/30 à 32 et n° 97/30 à 32BIS), il a été constaté qu’aucune dotation aux amortissements et provisions n’était pratiquée contrairement à ce que prévoit expressément l’instruction M4, bien que celle-ci fût appliquée pour cet exercice.

Déjà soulignée par la Chambre dans sa lettre d’observations définitives du 20 mai 1992 précitée, cette anomalie ne permet ainsi pas, en l’absence d’autofinancement issu des amortissements, la conservation et le renouvellement du potentiel productif que sont les infrastructures utiles à la réalisation de l’activité portuaire de plaisance.

L’autonomie financière qui devra être conférée au port de plaisance trouvera ici sa pleine justification.

Les travaux initiés en juin 1997 pour réactualiser l’état 1995 de l’actif qui associent le maire, le trésorier de la commune et la direction départementale de l’équipement de la HAUTE-CORSE, doivent dès lors être menés à terme dans les meilleurs délais afin de permettre le calcul des amortissements non pratiqués.

Dans l’attente de l’achèvement de cette actualisation, la Chambre précise que le conseil municipal a d’ores et déjà la possibilité d’inscrire au budget du port de plaisance les dotations aux amortissements correspondant aux investissements réalisés en 1991 pour un montant de 2600 KF dont le maire fait état dans sa réponse du 5 janvier 1998, et relatifs à la construction de l’aire de carénage, à l’acquisition de l’élévateur à bateaux et à l’installation de pontons flottants.

B) LA SITUATION FINANCIERE DE LA COMMUNE ET DU PORT DE PLAISANCE DE MACINAGGIO

Le préfet de la HAUTE-CORSE a, depuis l’exercice 1988 et à plusieurs reprises, saisi la Chambre sur l’irrégularité des budgets primitifs de la commune et du port de plaisance.

Les dernières saisines au titre des exercices 1996 et 1997 résultent essentiellement de l’insincérité des inscriptions budgétaires du fait de l’absence irrégulière de restes à réaliser aux comptes administratifs et de l’inscription injustifiée aux budgets en cause de recettes, subventions et emprunts.

Ainsi, le montant des impayés, tant en faveur de la commune que du port, est particulièrement élevé. Or les démarches entreprises par le maire auprès des services du Trésor pour corriger cette situation, ne semblent pas l’avoir améliorée à ce jour, de façon significative.

Dès lors, l’information financière du conseil municipal et des contribuables de la commune s’en trouve singulièrement altérée.

Par suite, de fortes tensions de trésorerie affectent l’exécution budgétaire. Notamment, l’émission de mandats est de ce fait différée. Or le défaut de mandatement dans le délai de 45 jours fait courir au bénéfice du créancier des intérêts moratoires (décret du 1er février 1980) qui constituent une charge supplémentaire pour la commune et son port de plaisance.

La situation financière du port de plaisance est de ce fait préoccupante, tant en ce qui concerne les résultats d’exécution des budgets, que l’endettement au regard des capacités réelles d’épargne, d’autant plus que son résultat d’exploitation se dégrade.

En effet, la baisse régulière, depuis 1994, de la fréquentation touristique de l’île et corrélativement du montant des recettes tirées du passage des bateaux de plaisance est à l’origine de cette dégradation. La maîtrise puis la réduction, depuis 1995, des charges de personnels, qu’il convient de souligner, ralentit la dégradation du résultat d’exploitation du port, mais ne suffit pas pour l’enrayer, d’autant plus que le conseil municipal a décidé, en 1994, de mobiliser de nouveaux emprunts augmentant de 50 % l’encours total de la dette.

Dès lors, conjuguée à une substantielle dégradation des recettes d’exploitation, l’augmentation des emprunts est venue aggraver la situation d’endettement du port de plaisance tant au regard de la charge de la dette que de la capacité de désendettement.

La Chambre relève toutefois que cette situation a connu un revirement de tendance en 1997, sous le double effet d’une renégociation de la dette qui réduira sensiblement l’annuité à compter de l’exercice 1998, et d’une fréquentation accrue du port dont le chiffre d’affaires devrait, en outre, bénéficier à compter de l’exercice 1998, des droits d’un contrat d’amarrage à l’année de plusieurs bateaux d’une société de charter. Des recettes annexes comme celles relatives à l’utilisation de l’élévateur et aux opérations de carénage viendront compléter ce produit annuel régulier.

Mais la Chambre souligne que, face à l’endettement du port, ces améliorations seront encore insuffisantes pour que le conseil municipal puisse envisager à l’avenir, à court ou moyen terme, des investissements portuaires supplémentaires.

Cette situation ne devrait cependant pas être préjudiciable aux activités portuaires dès lors que le maire considère, dans sa réponse du 5 janvier 1998, que le port est, à ce jour " parfaitement opérationnel en terme d’équipements ".


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc