II/A.1. Le mouvement de contestation qui éclata en mai 1968 s’est divisé en deux branches distinctes au cours des années 1970.

Il y eut d’une part les partisans du recours à la violence, au terrorisme déstabilisateur. Les brigades rouges en ont été les représentants les plus notoires.

Il y eut d’autre part les hippies. Ils manifestent leur rejet de la " culture industrielle ", par le seul exemple de leur retour paisible à la nature et au respect de l’environnement. Pour se faire, ils revendiquent la liberté la plus large dans tous les domaines et vivent en communautés autogérées.

II/A.2. C’est dans un pareil groupe hippie, qui vivait dans la région parisienne, que s’est introduit vers 1973 un Canadien francophone. Il se disait réfugié politique, se prétendant poursuivi par les militants anglophones que protégeait, de manière hypocrite et ambiguë, le premier ministre du Canada, M. Pierre Elliott Trudeau. Ce " réfugié " se fit appeler Piel Petjo Maltest. On a parlé aussi de Pierre, Doris ou Joseph Maltais.

II/A.3. On ne sait rien de certain sur cet homme sinon qu’il a existé au Canada un propagandiste de M. Pierre Lévesque que l’on appellait Maltais ou Maltest. Les renseignements donnés par Interpol Ottawa n’en apprennent guère davantage. Aussi, a-t-on pensé et proclamé qu’il s’agissait d’un agent ou d’un provocateur de l’un ou de l’autre service secret d’une puissance étrangère. Certes, ces gens ont presque toujours des origines mystérieuses. Mais les services secrets n’ont pas le monopole de pareils personnages !

II/A.4. On s’accorde généralement à fixer sa date de naissance au 27 janvier 1937 et à dire qu’il a du sang indien. Mais rien ne vient confirmer, comme il le prétend, que sa mère était une pure indienne vivant dans la réserve Maria de la tribu des Mic Mac. L’étendue de ses connaissances laisse penser qu’il a reçu une excellente formation gréco-latine, sans doute complétée par des études de niveau supérieur.

II/A.5. Cet homme mystérieux va prendre progressivement la direction de la petite communauté hippie et la modeler en une " tribu " structurée à l’indienne.

II/A.6. Sa centrale campagnarde se trouve depuis 1976 dans la banlieue de Paris, à Noisy-le-Grand, au 15 Rue Leclère sur un terrain vague en bord de Marne complété par deux petites bâtisses.

M. Maltais prétend que ce terrain lui a été procuré par M. Sanguinetti, à la demande de André Malraux !

Il y aura d’autres terrains d’exploitation dans le Midi et le Centre de la France.

II/A.7. En 1978, Piel Petjo Maltest, Jean-François Penouilh et Patrick Le Cocq constituent la société ECOOVIE dont le siège est dans le 13 e arrondissement de Paris, au 163 Rue du Chevaleret. Ce siège est la centrale parisienne du groupe avec son restaurant végétarien à l’enseigne du Cheval de trois.

Ecoovie est " une société civile coopérative de vie écologique sans objet lucratif ou commercial ". Ses statuts permettent de lier à cette société mère d’autres coopératives écologiques dites Ecoops. Cette structure limite les frais de constitution de coopératives, permet d’équilibrer les comptes entre les diverses branches et évite la fiscalisation des échanges entre Ecoops.

II/A.8. Un second restaurant sera ouvert plus tard au 17 Rue Duvantin dans le 18 e arrondissement.

II/A.9. Au cours de l’été 1979 Piel Petjo Maltest disparait. Il est menacé de mort par ses ennemis dit-il. En réalité, la presse commence à critiquer le groupe Ecoovie et la police se livre à des contrôles administratifs désagréables et vexants.

A l’époque de cette disparition le groupe compte une trentaine de membres vivant en permanence dans ses structures et une quarantaine de personnes qui viennent en curieux, pour repartir après quelques jours, quitte à revenir plus tard.

II/A.10. Deux mois après la fuite de Piel Petjo Maltest, un autre Canadien français arrive à Ecoovie. Il prétend être le demi-frère du précédent, s’appeler William Norman Joseph et être né le 14 novembre 1945 dans la réserve Maria. Personne n’est dupe dans le groupe. Ce n’est qu’un changement d’identité à l’égard de l’extérieur hostile : les parents, la presse, la police.

II/A.11. Après 1979, le nombre des membres permanents d’Ecoovie va doubler et la masse des gens de passage sera plus importante, environ 150 à 200. Les associations rattachées à la coopérative s’appellent Terre nouvelle 80, Vert Monde, Nouvelle Lune, Les Euphores, les Chantiers de la vie, l’association végétarienne de France, etc.

Les stagiaires vivent sous la tente indienne et travaillent aux champs bénévolement pour approvisionner en végétaux comestibles les boutiques et les restaurants d’Ecoovie, tenus également par des bénévoles.

II/A.12. Le 5 janvier 1982, l’université de la paix est constituée officiellement en A.S.B.L. Elle est présidée par Joseph Norman William. Cette université tend à promouvoir un enseignement alternatif fondé sur le retour à la nature, à l’alimentation et l’agriculture naturelles. Par cette université de la paix, Norman William va s’introduire à la Fédération mondiale des villes jumelées et grâce à celle-ci, il entre en contact avec des organismes dépendant de l’ONU et de l’UNESCO.

II/A.13. En mars 1983, les magasins et dépôts Ecoovie - nature, halles, biotèques - forment les réseaux de solidarité. Le Cheval de trois devient la maison des associations et alternatives du XIII e arrondissement.

II/A.14. 1984 a été une année décisive.

— Norman William prend le titre de président du Conseil mondial des peuples, ethnies et minorités sous le nom de Maolin Tiam Apjoilnosagmaniteogslg.

— Le 20 mars 1984 il constitue UNIR - université nouvelle itinérante du retour - qui relève de la fédération transnationale des universités nouvelles.

— Le 21 mars 1984 il donne le départ à " la marche du retour " qui devait durer jusqu’en l’an 2000, traverser 65 pays et faire reverdir les déserts d’Afrique. Dès lors, Ecoovie constituée en 1978 est considérée comme dissoute. Il est à noter qu’à ce moment la société est expulsée de la rue du Chevaleret pour défaut de paiement du loyer.

II/A.15. Au départ de Noissy-le-Grand les marcheurs se rendent en Normandie, en Bretagne, en Galice (1986), au Portugal, dans l’enclave espagnole de Ceuta, mais sans être admis à passer au Maroc. On les trouve aussi au Danemark, en Suède (pendant 5 mois en 1990), en Finlande (pendant 2 ans et demi), en Italie (dans le Latium fin des années 1980 et en Calabre fin 1993, début 1994 au retour de Finlande).

C’est en Calabre, au nord de Reggio de Calabria, sur un terrain vague à 1000 mètres d’altitude, qu’en avril 1994, les principaux membres du groupe décident de rompre avec Maolin Tiam, qui est alors en prospection au Cap Vert. Ils ont compris qu’ils ont été manipulés par lui pendant 15 ans. Aussi, ils décident de se disperser, dans l’amertume d’avoir vu dénaturer, avilir, corrompre leur beau projet de morale (la plupart des renseignements sur la dernière partie de la marche du retour ont été fournis par M. Olivier Vincent qui a vécu dans le groupe de 1979 à 1994).

II/A.16. Cette marche du retour qui a constitué le moyen de fuir la France et en même temps de prendre pied dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale est typique de la mentalité de Joseph Maltais.

Un projet grandiose qui attire les sympathisants et en fait des adeptes.

Mais aussi une habile recherche du scandale et de l’échec pour développer l’esprit de clan, afin que les adeptes deviennent des militants déterminés à défendre leur idéal, assiégé par des adversaires prétendument poussés par de vils intérêts.

II/A.17. C’est ce genre de manipulations que les plus fidèles partisans ont enfin compris en avril 1994. Joseph Maltais n’avait lancé des idées généreuses, mais dont la réalisation était disproportionnée aux moyens disponibles, que pour s’assurer d’un cheptel humain dont il disposait à son gré pour satisfaire sa vanité et ses caprices. Une mentalité d’esclavagiste. Ce que Piel Pietjo Maltest avait reproché au premier ministre Trudeau lorsqu’il s’est introduit dans le groupe était déjà la projection du programme qu’il allait suivre pendant 20 ans.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be