EN FRANÇAIS

Au début du 19 e siècle, le nouveau dictionnaire de la langue française par J.-Ch. Laveaux (2 e édition, TII, Paris 1828) définissait la secte de la manière suivante :

" Terme collectif, qui se dit de ceux qui suivent les opinions ou les maximes de quelque docteur ou maître particulier, soit théologien, soit philosophe. C’est en ce sens qu’on a distingué dans l’ancienne Grèce plusieurs sectes de philosophes, comme les pyrrhoniens, les épicuriens, les platoniciens, les stoïciens, etc. ; et qu’on distingue aujourd’hui les gassendistes, les cartésiens et les newtoniens.

Il y a en théologie différents partis opposés qui se donnent réciproquement le nom de secte, auquel ils attachent une idée d’erreur : la secte des calvinistes, des luthériens, des papistes ..., la secte des jansénistes, des molinistes, les sectes des hérétiques. " Chaque secte a ses fanatiques " (Voltaire). " Ici tombent aux pieds de l’église toutes les sociétés, toutes les sectes que les hommes ont établies au-dedans ou au-dehors du christianisme " (Bossuet).

On dit figurément, faire secte, faire secte à part, pour dire, se distinguer des autres par des opinions singulières. ".

Le Dictionnaire de la langue française par E. Littré (tome 4 - Paris 1876) définit la secte de deux manières : "1°) Ensemble de personnes qui font profession d’une même doctrine. 2°) Particulièrement. Ensemble de ceux qui suivent une opinion accusée d’hérésie ou d’erreur. " Littré donne de nombreux exemples de l’usage de ces deux sens chez les auteurs et signale que les étymologistes varient entre sequi (suivre) et secare (couper). Il indique sa préférence pour " sequi ".

Enfin Littré reprend l’expression faire secte, faire secte à part, dont il donne la même définition que Laveaux.

Par ailleurs, il convient de relever la différence qui existait entre les substantifs masculins sectaires et sectateurs. Laveaux signale que les catholiques romains appellent sectaire celui qui est d’une secte quelconque, condamnée par leur église. Ce mot se prend toujours en mauvaise part.

Littré donne deux sens à sectaire : "1°) En général, membre d’une secte. 2°) Particulièrement. Celui qui est d’une secte religieuse condamnée par la communion principale dont elle s’est détachée .... Il se dit surtout d’une secte nouvelle qui s’efforce de faire valoir ses opinions, sa doctrine. "

En revanche, le sectateur, suivant Littré, est celui qui professe les principes d’un philosophe, d’un docteur, d’un littérateur aussi bien que les opinions d’un hérésiarque.

Le Petit Robert (publié pour la première fois en 1967) notait que : 1°) le nom de secte avait vieilli pour désigner un ensemble de personnes qui professent une même doctrine philosophique, c’est-à-dire une école. Dans le sens moderne et péjoratif il signifie coterie, clan. Toutefois secte, dans le premier sens que ce dictionnaire retient, désigne un groupe organisé de personnes qui ont la même doctrine au sein d’une religion. 2°) Quant à sectaire comme nom et comme adjectif, il signifie 1° l’adhérent intolérant d’une secte religieuse (spécialement d’une secte hérétique) ; 2° une personne qui professe des opinions étroites, qui fait preuve d’intolérance (en politique, religion, philosophie). Comme adjectif, il signifie fanatique, intolérant.

Le Nouveau Petit Robert (édition 1993) reprend le premier sens donné à secte dans les éditions précédentes et il ajoute que " spécialement secte désigne une communauté fermée, d’intention spiritualiste, où des guides, des maîtres exercent un pouvoir absolu sur les membres ".

Ce sens spécial repris au 1° du nom secte par le Nouveau Petit Robert donne une approche intéressante. Ce sens spécial semble être l’état actuel de l’évolution du mot secte en langue française.

EN NEERLANDAIS

La plupart des dictionnaires néerlandais soulignent le caractère schismatique de la secte et la décrivent comme un groupement de personnes partageant une même doctrine (généralement religieuse), qui diffère sur certains points de la doctrine originelle dont elle est issue. Selon Van Dale, " Groot Woordenboek der Nederlandse Taal " (12 e édition, nouvel-le orthographe, 1995), ce terme peut, dans certains cas, avoir une connotation péjorative.

La définition proposée est la suivante

" [

Quant aux termes dérivés du mot " secte ", on retrouve les définitions suivantes :

 sektariër [Fr. sectaire] : " aanhanger, volgeling van een sekte, met name van een nieuwe sekte ". Le mot " sektaris ", qui a le même sens, est peu employé ;

 sektarisch : " 1. behorende tot, eigen aan, betrekking hebbende op een sekte ; 2. geneigd tot vorming van sekten ".

— sektarisme : " de neiging of het streven zich als een sekte af te scheiden of afgescheiden te houden ".

Des définitions analogues figurent également dans " Verschueren Groot Geïllustreerd Woordenboek " et " Wolter’s Woordenboek. Eigentijds Nederlands " (Grote Koene, 1986).

EN ALLEMAND

Les définitions proposées par les dictionnaires allemands sont relativement semblables aux précédentes.

Duden, " Das Grosse Wörterbuch der Deutscher Sprache " (6 volumes, 1980) se réfère au latin " sequi " (suivre) et au bas latin " secta " (doctrine philosophique, secte). Il considère lui aussi la secte (" sekte ") comme une communauté religieuse qui s’est détachée d’une église, d’une communauté religieuse plus importante :

" kleinere Glaubensgemeinschaft, die sich von einer grösseren Religionsgemeinschaft, einer Kirche abgespalten hat (eine christliche, koptische, buddhistische Sekte) ".

Il semble qu’en allemand, le terme ait également déjà été utilisé dans un sens politique, se référant généralement à des mouvements d’extrême gauche. L’exemple cité est le suivant :

" über der Frühmarxismus (...) als die Lehre einer kleinen " kommunischtischen Sekte ". Il en va de même pour certains termes dérivés (Sektiere, sektiererisch).

Outre cette dernière signification, Duden propose les définitions suivantes :

— Sektenwesen : das Vorhanden- und Aktivsein von Sekten ;

— Sektierer : Anhänger, Wortführer einer Sekte (ex. : " mit jener Unterwürfigkeit, wie man sie sonst nur bei gläubigen Sektierers findet ") ;

— sektiererisch : zu einer Sekte gehörend, für sie charakteristisch ; nach Art eines Sektierers.

Les exemples donnés ont ici aussi souvent une connotation péjorative : " fanatische sektiererische gruppen ; Welcher sektiererische Unsinn hat sich nicht dieser Bangemacherei (...) mit Hilfe des jüngsten Gerichts bedient ! "

Une définition analogue du mot " Sekte " figure dans le " Brockhaus Wahrig Deutsches Wörterbuch (6 volumes, 1983). D’un point de vue étymologique, ce dictionnaire souligne également l’influence du latin " secare " (couper).

EN ANGLAIS

Pour ce qui est de l’étymologie, le " Shorter Oxford English Dictionary " (2 volumes, 1933,1965) se réfère à la fois au mot français " secte " et au latin " sequi " (suivre).

Parmi d’autres usages, devenus pour la plupart obsolètes, le mot " sect " est défini comme suit :

"A religious following ; adherence to a particular religious teacher or faith, especially :

1- a body of persons who unite in holding certain views differing from those of others who are accounted to be of the same religion ; a party or school among the professors of a religion ; sometimes applied spec. to parties that are regarded as heretical (late MA) ;

2- in modern use, commonly applied to a separa-tely organized religious body having its distinctive name and its own places of worship ; a " denomination ".

Also, less widely, one of the bodies separated from the Church (1577) ".

Dans cette dernière acception, le dictionnaire précise qu’il s’agit, par exemple, du terme utilisé par l’église catholique romaine pour désigner toutes les formes de protestantisme.

Ici encore, dans la première acception du mot " sect ", c’est avant tout le caractère schismatique qui est mis en exergue. L’usage moderne se réfère davantage à un groupe religieux organisé de manière autonome, disposant d’un nom et de lieux de culte distincts.

Le " Shorter Oxford English Dictionary " rappelle également des acceptions, souvent plus anciennes, où le mot " sect " réfère à des écoles philosophiques (Epicurian sect) ou professant certaines opinions politiques, ...

Tout comme la plupart des dictionnaires français, le " Shorter Oxford English Dictionary " donne principalement deux définitions de l’adjectif/substantif " sectarian " :

1- membre (fanatique) d’une secte

2- personne ayant des opinions ou des sympathies sectaires, étroites.

Le même dictionnaire définit le terme " cult " (issu du latin " cultus ") comme suit :

" - a particular form of religious worship ; esp. in reference to its external rites and ceremonies ;

— (in transferred and figurative use) devotion to a particular person or thing, now esp. as paid by a body of professed adherents ".

Dans la mesure où, dans la seconde acception, il est fait référence à une forme particulière de dévotion religieuse pratiquée par des " prétendus " adhérents, le terme " cult " semble pouvoir se rapprocher de l’usage courant (souvent péjoratif) du mot " secte " dans beaucoup d’autres langues.

Un autre dictionnaire anglais, l’" English Language Dictionary " (Collins Cobuild, London, 1987) insiste lui aussi sur le caractère à la fois schismatique et extrême de la secte, définie comme suit :

" group of people that has separated from a larger group and has a particular set of religious or political beliefs, especially when these beliefs are strongly held or regarded by others as extreme ".

L’exemple donné est celui des " Quakers ".

Quant au mot " cult ", il désigne ici un groupe religieux, tels les " Moonies ", aux pratiques rituelles particulières, dont le comportement est souvent considéré comme étrange, voire malfaisant :

" a religious group which worships a particular saint or performs particular rituals, especially if their beliefs and behaviour are considered strange, unnatural or harmful ; often used showing disapproval ".

Le dictionnaire américain " Webster’s Third New International Dictionary " (1961, 1986) donne également plusieurs définitions (certaines plus anciennes) du mot " sect ", parmi lesquelles :

 "a dissenting religious body ; esp. one that is heretical in the eyes of other members within the same communion "

— " a group within an organized religion whose adherents recognize a special set of teachings or practices (the Pharisees have been called a sect within judaism) "

— " an organised ecclesiastical body ; specif. one outside one’s own communion "

— " a comparatively small recently organized exclusive religious body ; esp. one that has parted company with a longer-established communion "

— " a separate group adhering to a distinctive doctrine or way of thinking or to a particular leader ; a school of philosophy or of philosophical opinion ; a group holding similar political, economic or other views ".

Le " sectary " est défini comme étant l’adepte d’une secte religieuse considérée comme hérétique ou schismatique, un dissident de l’Eglise d’Angleterre. Ce terme s’applique également à l’adepte (zélé) d’une secte (" religious or political sectaries ").

Quant au terme " sectarian ", il a un sens nettement négatif, du moins dans sa dernière acception (personne aux intérêts limités, fanatique) :

— " or, relating to one or more sectaries ;

— or, relating to, or having the characteristics of one or more sects esp. of a religious character (...) ;

— limited in character or scope, of narrow interests, characterized by bigotry ".

Outre l’acception traditionnelle de culte ou d’hommage religieux et des pratiques rituelles qui l’accompagnent, le mot anglais " cult " désigne également, selon Webster, une religion ou un groupe religieux minoritaire dont les conceptions sont considérées comme non orthodoxes (unorthodox) ou fausses, contrefaites (spurious). Dans ce sens, le dictionnaire renvoie au mot " sect ".

Aux Etats-Unis, il semble en tout cas que tant dans l’usage courant que dans la littérature, le terme " cult " désigne un groupement sectaire (nuisible) au sens où l’entendent la plupart des pays européens.

SYNTHESE

Cet examen des dictionnaires révèle un déplacement du centre d’intérêt des usagers. Jusqu’il n’y a guère, il convenait de distinguer les religions des sectes, en raison du message qu’elles diffusaient aux adeptes.

Les spécialistes, qu’ils soient théologiens, sociologues ou historiens des religions, continuent de s’occuper de ce message et d’en apprécier la qualité.

Pour les usagers du langage, comme pour le législateur des états démocratiques, la liberté des religions et des convictions - ce que l’on appelle la liberté de conscience - ne leur permet pas ce classement en fonction de la qualité du message. Ce qui les intéresse, c’est si ces groupements respectent ou non les principes fondamentaux de notre régime politique : démocratie et liberté.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be