Dans certains cas, il existe des liens entre le monde politique et les groupements sectaires :

1- un certain nombre de groupements sectaires exercent une action sur le plan politique et se constituent plus ou moins ouvertement en parti politique ;

2- d’autres groupements tentent d’infiltrer le monde politique sans faire connaître leurs objectifs ;

3- on reproche à certains groupements de bénéficier de protections politiques.

Certains groupements agissent plus ou moins ouvertement. Au Japon, la Soka Gakkai a formé une nouvelle formation politique avec le parti socialiste. En Belgique, Le Mouvement a créé le Parti humaniste (Parti blanc / Witte Partij) et la secte du gourou Maharishi Mahesh Yogi (Méditation transcendantale) a créé le Parti de la loi naturelle. Celui-ci entend préserver la société d’un certain nombre de maux sociaux par le biais de la méditation. Le Père Samuel (Charles Boniface) a présenté sa propre liste aux élections communales de 1994. Lors des élections législatives de 1995, il figurait en tête de la liste S.A.M.U.E.L. pour le Sénat.

D’autres organisations sectaires tentent d’approcher le monde politique sans révéler leur identité. C’est ainsi que l’Eglise de Scientologie tente d’exercer une influence sur certaines institutions à travers un certain nombre d’organisations qu’elle a créées : la NCLE (National Commission on Law Enforcement and Social Justice) qui agi(ssai)t contre Interpol, l’OSA (Office of Special Affairs) qui, en tant que service de renseignements au sein du groupement, constitue des dossiers concernant des personnes et des événements et mène dès lors des campagnes de dénigrement contre ces personnes, et le European Human Rights and Public Affairs Office, qui tente d’introduire la Scientologie au sein des institutions européennes (et ce, aux dires des scientologues, pour lutter contre les abus en psychiatrie). Selon S. Faubert, en France, l’OSA aurait réussi à pénétrer l’entourage du président Mitterrand. Le World Institute for Scientology Enterprises regroupe par ailleurs un certain nombre d’entreprises qui proposent des services de consultance et de management à d’autres entreprises. Par ailleurs, Ecoovie aurait tenté d’infiltrer des organismes publics par le biais de l’Association mondiale des villes jumelées.

Le journaliste A. Lallemand reproche, d’une part, à un certain nombre de parlementaires d’avoir offert au Parti humaniste, émanation du groupement Le Mouvement, la possibilité de déposer ses propres listes électorales pour les élections européennes de 1994 et, d’autre part, à l’ex-sénateur Hamelle d’avoir soutenu une entreprise mooniste. Plusieurs témoins ont signalé que le groupement L’Ange Albert, dont le siège central est établi au Grand-Duché de Luxembourg, est protégé par Mme Hilda Rau, épouse de Fernand Rau, député luxembourgeois aujourd’hui décédé.

La plupart des groupements sectaires n’ont pas de lien avec la politique, leurs objectifs se situant plutôt dans d’autres domaines. D’autres récusent tout lien avec la politique. Tel est notamment le cas des Témoins de Jéhovah, qui, sur la base de leur philosophie qui ne leur permet de travailler que pour le Royaume de Dieu et pas pour les autorités temporelles, refusent même d’accomplir certains devoirs civiques, tels que le service militaire ou le service civil de remplacement, d’aller voter et de siéger dans un jury d’assises.

La plupart des témoins doutent toutefois que ces groupements sectaires constituent un danger pour l’Etat belge et la démocratie, parce qu’ils auraient notamment infiltré les institutions de l’Etat. Les services de police et d’autres services publics n’ont, à ce jour, constaté, de manière empirique, aucune infiltration systématique, tout en reconnaissant qu’un certain nombre de leurs agents font partie d’une organisation sectaire.

Le monde scientifique (par exemple, le prof. Denaux) considère, lui aussi, le phénomène sectaire comme plutôt marginal. On estime que les groupements sectaires sont tellement fermés qu’ils ne peuvent avoir de réelle importance sur le plan social. Ils ne sont absolument pas en mesure de troubler l’ordre démocratique, bien qu’ils puissent présenter un danger du fait de certaines de leurs actions spécifiques. Même si, certes, un certain nombre de membres de mouvements sectaires font ou faisaient partie de services de police ou de services publics, on n’a cependant jamais constaté que ces personnes tentaient d’obtenir des informations ou d’exercer une influence au sein des services où elles travaillaient. La plupart des témoins ont estimé qu’il ne fallait dès lors pas exagérer le danger que les organisations sectaires présentent pour notre pays. Ils n’ont pas manqué de souligner, à cet égard, le nombre relativement réduit de personnes qui militent dans des groupements sectaires ainsi que la dispersion de ces personnes entre un très grand nombre de groupements.

Un nombre limité de témoins ont estimé qu’un certain nombre de groupements avaient pénétré/ou tentaient de pénétrer les hautes sphères de la société. C’est essentiellement l’Eglise de Scientologie qui est visée à cet égard. Un certain nombre de gendarmes ont adhéré à cette association, mais la plupart d’entre eux ont entre-temps quitté la gendarmerie. Deux autres adeptes de cette église sont actuellement membres de la gendarmerie. Tant qu’ils ne commettent pas d’infraction et ne contreviennent pas au règlement disciplinaire, ils ne peuvent pas être éloignés du corps de la gendarmerie. Par ailleurs, un autre gendarme ferait également partie d’un autre mouvement sectaire. Un membre de la police judiciaire, adepte d’une organisation sectaire, a également quitté le service. Quelques militaires font partie d’un ordre de Templiers. On ignore toutefois s’il s’agissait dans ces cas d’une tentative orchestrée par les mouvements concernés afin d’infiltrer les services publics en vue de les influencer à leur profit. Il s’agit plutôt de " conversions " individuelles de membres des services de police, qui ont adhéré de leur propre initiative à un groupement déterminé. Seule l’Eglise de Scientologie ferait exception et pratiquerait, entre autres, le lobbying au niveau européen.

L’observation de la doctrine et de la philosophie de la plupart des groupements montre clairement que les groupements les plus nuisibles recherchent moins le pouvoir politique que le profit financier.

Il est clair que plusieurs organisations sectaires nuisibles souscrivent à des idées totalitaires pouvant être considérées comme antidémocratiques, ainsi que permet de le constater l’examen des textes de base des mouvements suivants : l’Ange Albert, Raël, Fraternité Blanche Universelle, Sûkyô Mahikari, l’Eglise de Scientologie, Nouvelle Acropole, Témoins de Jéhovah.

— L’Eglise de Scientologie : Une série de caractéristiques permettent de qualifier de totalitaire la vision que ce mouvement a de l’homme et du monde. Ce groupe a des idées inquiétantes concernant le surhomme et se montre très agressif vis-à-vis de ceux qui le critiquent. Dans ses textes, Hubbard s’est dressé contre la démocratie, parce qu’il ne voyait pas quel avantage celle-ci pouvait présenter pour la population. Citons : " Il n’y a pas place pour les faibles, il ne peut y en avoir. Ce sont les forts qui doivent conduire et si les faibles ne suivent pas, il ne saurait y avoir de place pour eux. Là où la lumière arrive, il n’y a pas de place pour les ténèbres. A l’ère de l’illumination, il n’y a pas de place pour les ignorants. Les ignorants doivent se laisser illuminer par l’élite des sages. De la nature elle-même, les faibles disparaissent. La non-existence des faibles est une loi de la nature. ". Et : " Je ne crois pas que les mesures populaires d’abnégation et de démocratie ont fait quoi que ce soit pour l’honneur, si ce n’est l’embourber davantage. ". Le professeur Jaschke, qui a rédigé, en Rhénanie-Westphalie du Nord, un rapport sur l’Eglise de Scientologie pour le compte du ministre de l’Intérieur local, a qualifié celle-ci d’organisation totalitaire, dont l’action va à l’encontre de la Constitution. Il la considère aussi comme une organisation politique présentant des caractéristiques du militantisme.

— Le Mouvement raëlien a une piètre opinion de la démocratie, qu’il souhaite voir remplacer par une géniocratie. Seul celui dont le QI est supérieur de plus de 50 % à la moyenne peut être élu dans un organe politique et seul celui dont l’intelligence dépasse de 10 % la moyenne peut participer à des élections. Les malades et les personnes victimes de malformations sont le symbole d’un échec et sont insupportables pour les " créateurs " ; ils doivent être exclus. Raël utilise des symboles tels qu’une espèce de croix gammée inscrite dans une étoile de David.

— Nouvelle Acropole propage une doctrine totalitaire (cf. les publications de base du mouvement). Ce mouvement est doté d’une structure rigide, pyramidale et militaire assortie de doubles dénominations (sur le plan interne, une terminologie militaire et, sur le plan externe, une terminologie neutre) et utilise (pour ses membres internes) une série de symboles correspondant à la symbolique nazie (aigle, hache, salut romain, uniforme). Il est accusé d’avoir des liens ou des contacts avec le GRECE et le WNP, ce que son représentant belge dément. Nouvelle Acropole a également une série d’activités ou de comportements typiques de groupes extrémistes (corps de sécurité, formation paramilitaire).

— L’Eglise de l’Unification (Moon) se caractérise par l’anticommunisme virulent de son fondateur et par ses liens avec l’extrême droite européenne.

— Nombre de mouvements sont par ailleurs accusés d’être liés à l’extrême droite, même si de telles accusations sont difficiles à vérifier et s’il est peu aisé d’en évaluer l’importance. C’est ainsi que certains fondateurs et/ou dirigeants auraient un passé nazi (par exemple Fraternité Blanche Universelle et L’Ange Albert). De même, l’Ordre Renové du Temple, dont est issu l’OTS, a été fondé par J. Origas, condamné pour collaboration avec la Gestapo de Brest pendant la seconde guerre mondiale.

L’existence d’une influence directe des organisations sectaires dans les décisions politiques en Belgique n’a pas été mise en évidence par la commission.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be