En matière d’impôt sur les revenus, le fait que des revenus sont affectés à l’exercice d’un culte public est sans influence fiscale, sauf pour ce qui concerne le revenu des biens immeubles. A leur égard, les articles 12 et 253 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992) exonèrent du précompte immobilier, le revenu cadastral des biens immobiliers ou des parties de biens immobiliers qu’un contribuable a affectés, sans but de lucre, à l’exercice d’un culte public.

La qualité de cette affectation est soumise à l’appréciation souveraine des juridictions. Ainsi, la cour d’appel de Liège a refusé jadis d’accorder cette exonération au " foyer spiritualiste " et à la S.A. " culte antoiniste " ; par contre, les lieux affectés au culte par l’A.S.B.L. " Assemblée spirituelle des Baha’is " et par les Témoins de Jéhovah ont été immunisés (par décision de la cour d’appel de Bruxelles)

Pour le surplus, les revenus sont soumis à un régime fiscal différent suivant qu’il s’agit de taxer les revenus des personnes physiques, ou ceux des sociétés qui se livrent à une exploitation ou accomplissent des opérations de caractère lucratif ou ceux des personnes morales qui ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif (articles 1 er et 2 du CIR 1992).

En Belgique, un grand nombre d’organisations sectaires adoptent la forme juridique de l’association sans but lucratif (A.S.B.L.).

Aux termes de l’article 1 er de la loi du 27 juin 1921 accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique, l’A.S.B.L. est une association qui ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales ou qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel. Ces deux conditions, dont la présence cumulative est exigée par la majeure partie de la doctrine, permettent de distinguer les A.S.B.L. des sociétés.

En d’autres termes, les A.S.B.L. sont soumises en principe à l’impôt des personnes morales. Toutefois, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif, elles sont soumises à l’impôt des sociétés (voir articles 181 et 182 du CIR 1992, ainsi que les commentaires du CIR 1992, 179/9 à 179/ 15, 182/2 et suivants).

La jurisprudence en a déduit que les A.S.B.L. peuvent avoir une activité lucrative si la totalité des bénéfices est affectée à la poursuite du but désintéressé qu’elles se sont donné pour fin et si les moyens ainsi procurés sont nécessaires à cette poursuite (Cass. 25 février 1935, Pas. 170 ; Cass. 22 janvier 1952, Pas. 285 avec concl. M.P. ; Cass. 6 mars 1987, Pas. 812).

Ainsi, pour l’exercice d’imposition 1989, seules 251 A.S.B.L. ont été soumises à l’impôt des sociétés.

Les A.S.B.L. assujetties à l’impôt des personnes morales sont imposables uniquement à raison :

— du revenu cadastral de leurs biens immobiliers sis en Belgique ;

— des revenus et produits de leurs capitaux et biens mobiliers ;

— de certains revenus divers.

Or, parmi les dérives sectaires dénoncées, les infractions aux législations fiscales figurent en bonne place. En effet, nombre de ces organisations déploient fréquemment, à côté de leurs buts religieux, philosophiques ou culturels avoués, diverses activités parallèles de nature commerciale qui deviennent prioritaires (cours, conférences, ventes d’ouvrages ou d’objets divers, vente de remèdes " miracles ", etc.). A cet égard, la surveillance exercée sur les activités des A.S.B.L. semble nettement insuffisante.

En outre, afin de mener à bien ces diverses activités, elles emploient régulièrement des adeptes travaillant souvent de manière bénévole (parfois même pour des tâches très lourdes), ce qui représente sans nul doute un important manque à gagner à l’impôt des personnes physiques pour le Trésor.

Signalons également que comme le régime des A.S.B.L. tel qu’organisé par la loi du 27 juin 1921 s’est avéré peu adéquat à la poursuite de certains objectifs, tels que ceux de " l’économie sociale ", les lois des 7 et 13 avril 1995 permettent dorénavant à des groupements de constituer des sociétés commerciales à " finalité sociale ". Il en est ainsi lorsque leur but n’est pas d’enrichir les associés mais de servir la société civile, voire l’humanité. Les groupements sectaires constitués en A.S.B.L. pourraient donc aussi se transformer en sociétés à finalité sociale (article 164quater des lois coordonnées ; articles 26bis à 26septies de la loi du 27 juin 1921).

A cet égard, une vigilance accrue s’impose notamment en ce qui concerne le régime fiscal de l’impôt sur les revenus de ces sociétés et le régime fiscal des affectations décidées par celles-ci.

Par ailleurs, des tentatives d’évasion fiscale ont également été signalées. Certains mouvements sectaires, généralement à vocation internationale, posséderaient un vaste patrimoine qui échapperait à l’impôt par l’intermédiaire de sociétés écrans ou de structures financières établies dans des paradis fiscaux. A cet égard, le rôle important de centres financiers telles que le Grand-Duché de Luxembourg et la Suisse, ainsi que l’île de Jersey a été signalé à maintes reprises.

En outre, il y a lieu de noter que plusieurs groupements transfèrent une large part de leurs capitaux vers leur maison-mère située dans un pays où ils bénéficient de l’exonération fiscale, ayant été reconnus comme " église " ou " culte public ". C’est notamment le cas de l’Eglise de Scientologie aux Etats-Unis ou de Sûkyô Mahikari au Japon.

Enfin, certains témoins ont fait état de pratiques liées au blanchiment de capitaux. Néanmoins la cellule de traitement des informations financières n’a jusqu’ici eu à traiter d’aucun dossier lié, même indirectement, à des activités sectaires.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be