Tout travail d’enquête a ses limites, surtout quand son objet est aussi opaque et fermé que l’est le DPS. Pour cette raison, la Commission ne prétend pas à l’exhaustivité : sans doute reste-t-il bien des choses à dire, bien des éléments à creuser, s’agissant d’un DPS aujourd’hui dédoublé et secoué par une crise grave.

Pour autant, en dépit de ces limites méthodologiques, la Commission est en mesure de dresser, après plusieurs mois d’investigation, un bilan solide. Tant par son organisation que par sa composition ou ses méthodes d’action, le DPS, loin du service d’ordre classique que ses responsables se sont attachés à décrire avec une belle unanimité, est un mouvement aux accents paramilitaires marqués, qui n’hésite pas à provoquer, intimider, voire " faire le coup de poing ", au besoin. Tour à tour service d’ordre musclé, pseudo-police, garde prétorienne et service de renseignement, il inscrit son action dans un substrat de violence et de haine typique de la culture d’extrême-droite. " Défendre ", " se défendre contre les attaques " ... : les mots eux-mêmes témoignent de cette prégnance de la violence, qui fonctionne en l’occurrence comme une clé d’explication aussi simpliste que factice.

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Que faire face à un mouvement qui, en certaines occasions, n’a pas hésité à faire fi des valeurs, des symboles, voire des lois de la République ?

L’attitude à adopter face à un mouvement tel que le DPS ne saurait se résumer à la question de son éventuelle dissolution. Sans doute la question mérite-t-elle d’être posée. Aux yeux de la Commission, il est même peu douteux qu’une réponse positive aurait dû y être apportée, notamment après la multiplicité d’incidents qui ont émaillé l’action du DPS en 1996 et au début de l’année 1997. Car, même s’il est vrai que " jamais aucun texte légal n’a pu aboutir à l’éradication de courants qui avaient une véritable fonction dans la société et chacun sait que l’histoire du vingtième siècle a été en grande partie faite par des organisations juridiquement inexistantes que les décisions des pouvoirs n’empêchaient nullement de prospérer "76, cette mesure forte aurait témoigné d’un sursaut républicain salutaire.

Aujourd’hui cependant, la réponse qui doit être apportée aux agissements du DPS doit s’inscrire dans le présent, caractérisée par la scission de fait du service d’ordre du Front National. Plus qu’une menace, le DPS est donc, en l’état actuel des événements, avant tout un défi pour la République, qu’il lui appartient de relever de manière adéquate.

C’est au strict respect du droit et à une vigilance républicaine de tous les instants qu’appelle la Commission. Vigilance à l’égard du DPS lui-même d’abord, et de son avatar mégrétiste, le DPA. Il n’est pas douteux en effet que l’affrontement qui se livre entre le Front National et le Mouvement National ne favorise une surenchère de la violence, dont DPS et DPA seront les acteurs privilégiés. Mais au-delà de cette garde prétorienne, au-delà de ce service d’ordre particulier, la vigilance doit également s’exercer sur le Front National et le Mouvement National eux-mêmes, dont le DPS, et vraisemblablement le DPA, ne sont, en définitive, que les bras armés. Car, ainsi que l’a rappelé M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur : " La lutte contre le Front National est un objectif de tous les Républicains ! Je pense que c’est d’abord aux causes de son développement que nous devons, tous ensemble, nous attaquer ".