En Amérique du Nord s’interpénètrent le marché de consommation le plus lucratif du monde, les Etats-Unis, et l’un des grands centre mondiaux de production et de transit de toutes les drogues, le Mexique. Ces deux nations constituent en outre le plus vaste espace mondial de blanchiment et d’investissement des capitaux du narcotrafic. La politique antidrogues de la première puissance mondiale doit être envisagée dans une double perspective : la volonté de réduire effectivement l’offre de substances illicites sur son territoire ; et l’utilisation de la lutte antidrogues comme un instrument de défense de ses intérêts géostratégiques. Ce second objectif est toujours privilégié. Ainsi l’implication dans le narcotrafic de pays situés hors de la sphère d’influence directe de Washington, comme l’Iran, la Syrie et le Nigeria, est sciemment surestimée. En revanche, dans le cas du Mexique voisin, la narcocorruption de l’appareil d’Etat a été longtemps occultée afin de permettre la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Véritable pivot de la stratégie post-guerre froide des Etats-Unis pour l’hémisphère américain, l’ALENA a été grandement subventionné par l’argent de la drogue. Dans le reste de l’Amérique latine, la volonté de militariser la "guerre à la drogue", officiellement dictée par un souci d’efficacité, répond surtout à la nécessité de mettre en place une force capable de préserver les intérêts américains en cas de défaillance des gouvernements "démocratiques" qu’ils soutiennent. Ce double jeu n’est pas sans contradictions, en particulier en matière de respect des droits de l’homme, une autre des priorités de politique étrangère de Washington. Aux Etats-Unis mêmes, l’accent mis depuis 15 ans sur la répression de l’offre présente des résultats très mitigés. Les très dures législations antidrogues, si elles ont permis une apparente réduction du nombre des consommateurs n’ont pas fait pour autant diminuer l’intensité du trafic. Ces lois ont en outre grandement contribué à la montée de la violence et à la criminalisation de secteurs entiers (surtout la population noire) d’une société de plus en plus fracturée.
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