Fin 1998, dans le n° 10 de la revue de l’Association Professionnelle des Magistrats (APM), Enjeu Justice, paraît un court article intitulé " Mœurs judiciaires ", signé par Alain Terrail, lui-même avocat général près la Cour de Cassation, ancien Président de l’APM et Président honoraire à cette date. Quelques extraits visant le substitut du procureur de la République, Albert Lévy (qui a travaillé notamment contre les pratiques mafieuses et la corruption dans cette région, sur l’assassinat mystérieux en 1994 de l’ex-députée UDF et ex-FN Yann Piat et sur la sulfureuse disparition, en 1995, du bras droit du maire de la plus grosse des villes détenues par le FN lui-même, à savoir Jean-Marie Le Chevallier à Toulon) étaient clairement antisémites : " Tant va Lévy au four qu’à la fin, il se brûle ". C’est le tollé. Malgré sa pénible et peu crédible défense sur le thème - on a coupé ma phrase à l’imprimerie -, il sera bel et bien condamné à 40000 francs d’amende par le Tribunal Correctionnel le 10 novembre 2000 pour ces injures publiques à caractère antisémite.
Il faut souligner ici que Alain Terrail était présent à la quarante deuxième et dernière place (place symbolique censée " pousser " une liste) de la liste RPR-UDF de Edouard Balladur en Ile-de-France pour les élections régionales de 1998 (à cette époque Séguin et Bayrou dirigent les deux partis concernés), soit quelques petits mois avant qu’il n’écrive cette phrase nauséabonde. Dans le passé, Alain Terrail s’était aussi illustré dans une interview au journal Choc du mois, publication fascisante de nostalgiques de Pétain où officiait François Brigneau, aujourd’hui pilier de la rédaction de National Hebdo, organe proche du FN. On a, à droite, les soutiens et les colistiers qu’on mérite, en effet...
Georges Fenech, Président de l’APM qui, suite à ces remous, avait décidé de démissionner, affirmait le 10 décembre 1998 qu’il voulait " débarrasser " cette organisation " une fois pour toutes de son soupçon d’extrémisme ". Les résultats ne furent pas probants... Il avait aussi, en 1998, accompagné au Gabon une délégation d’avocats très proches du RPR en tant qu’observateurs pour l’élection présidentielle, mais ils étaient dépêchés par le président sortant Omar Bongo lui-même, ce qui bien sûr n’était pas le meilleur gage d’impartialité pour cette délégation. Peut-être de bonne foi, il ne pouvait toutefois ignorer les pensées nauséabondes de ses troupes et aurait pu en tirer les conséquences plus tôt... Fenech est aujourd’hui président du Syndicat Indépendant des Magistrats créé après le scandale Terrail.
Dominique-Henri Matagrin, ancien secrétaire général de l’APM, fut nommé en 1995, après l’élection de Chirac à la Présidence de la République, au cabinet de Jacques Toubon à la Justice (et des hélicoptères à rotors hymalayesques). Il n’avait pas hésité, plus tôt, à livrer sa pensée sur la justice dans la revue extrémiste Action Française Hebdo. De même, sans complexe aucun, il est intervenu, lors de la XVème Université annuelle du Club de l’Horloge (vieille passerelle droite extrême droite, voir ce chapitre), sur les thèmes de la violence et de l’insécurité... Il y a été présenté comme " président de l’APM ". Dans sa démonstration, selon Présent et National Hebdo qui ne manquent sous aucun prétexte ces agapes, il a stigmatisé au passage les Droits de l’Homme qui seraient devenus prééminents sur le Droit. On voit bien à quel genre de personnages on a affaire.
Alexandre Benmakhlouf, nommé procureur général près la Cour d’Appel de Paris par Alain Juppé en 1996, était le conseiller Justice de Jacques Chirac quand il fut Premier Ministre entre 1986 et 1988. Benmakhlouf fut un membre important de l’APM. C’est l’Elysée qui l’a voulu au poste décisif qu’il occupe à présent dont il a finalement démissionné le 8 décembre 2000.
L’Association Professionnelle des Magistrats (APM), est un syndicat de magistrats fondé dès 1981, en réaction à la victoire de la gauche et contre la politique du ministre socialiste de la Justice, Robert Badinter ( abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité...). C’est " le plus à droite des syndicats de magistrats " selon Minute du 9 décembre 1998, même s’il se veut " apolitique " selon une technique très rodée de l’extrême droite consistant à se définir de la sorte ou à se dire " ni à droite, ni à gauche " selon l’expression attribuée à Doriot, comme des slogans du FN l’ont également montré.
Ce syndicat effraie même le syndicat USM (Union Syndicale des Magistrats, droite modérée) et est régulièrement dénoncé par le Syndicat de la Magistrature (SM, gauche)... Plusieurs de ses membres ont figuré dans des cabinets de ministres de droite (ou été valorisés par eux : par exemple, Jacques Toubon, ministre de la Justice d’Alain Juppé et Jacques Chirac, avait promu des membres actifs de l’APM) et ont même été propulsés à l’Ecole Nationale de la Magistrature. En 1993, l’APM a soutenu publiquement le Garde des Sceaux d’Edouard Balladur (Premier Ministre), Pierre Méhaignerie (UDF).
La " droite judiciaire " reste plus musclée, plus réactionnaire et plus à droite encore que la droite parlementaire " classique ", comme le montre aussi l’implantation persistante du GUD (Group Union-Défense) - ou de ses ersatz - dans certaines facs de droit. Reste que l’étanchéité entre droite parlementaire et droite judiciaire n’est pas du tout évidente encore aujourd’hui. Rien de très rassurant.
Source : Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) http://www.mjsfrance.org
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