Présidence de M. Alain TOURRET, Président

M. Fourré est introduit.

M. le président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Fourré prête serment.

M. le Président : M. Jean Fourré préside la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance. Cette Commission est une autorité administrative indépendante, composée de membres du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. Le Gouvernement s’y fait entendre par la voix d’un commissaire du gouvernement, en principe le directeur de la sécurité sociale. Cette institution ne date que du 31 décembre 1989.

Elle est chargée du contrôle des mutuelles et est régi par le Code de la mutualité et des institutions de prévoyance complémentaire. Elle s’assure du respect de leurs engagements financiers et examine leurs comptes. En cas de difficultés de gestion, la Commission dispose de larges pouvoirs de surveillance, voire de sanction, et peut nommer un administrateur provisoire. Elle ne dispose pas de services propres ; c’est l’Inspection générale des affaires sociales qui assure ce rôle et peut conduire contrôles et investigations à sa demande. C’est la raison pour laquelle, Monsieur le président, après vous avoir entendu, nous entendrons aujourd’hui le chef de l’IGAS.

M. Jean FOURRÉ : En ce qui concerne la compétence de cette Commission et dans l’éclairage des mutuelles estudiantines, puisque c’est votre sujet, Monsieur le président, je soulignerai un premier point. La Commission n’est compétente que pour des mutuelles au-dessus d’une certaine taille ainsi que pour les mutuelles qui ont des caisses autonomes. Je laisse de côté les institutions de prévoyance. En les joignant, cela ferait à peu près 350 institutions. Pour leur part, les préfets de région et, par délégation, les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales s’intéressent à environ 5 800 mutuelles. Leur domaine est donc immense. Il est relativement restreint pour la Commission.

Il n’existe pas de relations hiérarchiques entre le niveau national et le niveau régional. Toutefois, naturellement, comme le Code réserve les sanctions disciplinaires et les caisses autonomes au contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles, les directions régionales nous saisissent de leurs dossiers si elles estiment nécessaire, en application du Code, de prendre une sanction.

A l’inverse, lorsqu’au cours du contrôle sur place d’une mutuelle qui est sous notre contrôle, apparaissent des liens considérables avec une mutuelle placée sous contrôle régional, nous pouvons très bien le faire savoir à la direction régionale. Le Code nous permet d’évoquer. Il existe, en effet, un article sur l’évocation qui n’est d’ailleurs pas soumis à motivation. Généralement, la loi dispose que la Commission peut évoquer dans tel ou tel cas. Ici, il est simplement dit qu’elle peut évoquer. Nous en déduisons que nous évoquons ad nutum, sans exagérer.

M. Rollet vous dira, Monsieur le président, que nous avons peu de moyens - je réserve ceci pour lui -, donc, nous avons déjà pas mal de travail. Jusqu’à présent, en fonction de la capacité de travail des inspecteurs de l’IGAS, nous sommes à une vingtaine de séances par an. Avec l’équipement informatisé que nous mettons en place actuellement, nous allons procéder au contrôle sur pièces beaucoup plus souvent. A ce moment-là, nous pourrons enfin réaliser ce qui se passe pour les assurances, avec la Commission de contrôle des assurances, que j’ai l’honneur de présider également par choix du Gouvernement, où le contrôle est systématique et continu. Il porte sur tous les comptes, tous les ans, de tous les organismes, mais sur pièces. Dès lors, naturellement, c’est essentiellement un contrôle financier : respect des ratios, respect de la division des risques, respect de l’éligibilité des valeurs d’actifs en représentation des engagements, respect de la marge de sécurité, respect de la marge de solvabilité, affectation des réserves, fonds propres.

Or, outre cette mission, le Code nous donne l’obligation de veiller, non seulement aux ratios prudentiels, mais aussi à l’application exacte des règles du Code dans son entier, en ce qui concerne les institutions et les procédures internes des mutuelles. Autrement dit, par rapport au contrôle des assurances, nous exerçons à la fois un contrôle de la loi applicable aux sociétés et un contrôle prudentiel, parce que les deux sont dans le Code de la mutualité : l’assemblée générale fonctionne-t-elle bien ? Le conseil d’administration exerce-t-il entièrement sa mission ? Les élections se tiennent-elles selon le règlement intérieur ? Le règlement intérieur est-il conforme au règlement type ? Nous avons donc à assurer ces deux aspects du contrôle. Je dois dire que le contrôle de l’exactitude du fonctionnement de l’institution mutualiste exige le contrôle sur place, parce que l’on ne voit pas, dans les comptes annuels, si, par exemple, le principe de gratuité des fonctions est respecté. En revanche, on peut le voir dans la composition d’un conseil d’administration.

A ce propos, il appartient au législateur de s’interroger sur le bien-fondé du principe de gratuité des fonctions, qui était le principe fondamental de la philosophie mutualiste mais qui fut inscrit dans un Code qui date de 1945, à l’époque où la gestion d’une mutuelle n’était pas informatisée, où il n’y avait pas de mutuelles immenses, avec d’innombrables relations, notamment avec les compagnies d’assurances. Cela est-il encore possible aujourd’hui, alors que le métier d’administrateur demande souvent un travail à temps complet ? La question relève de la responsabilité du législateur. Il existe dans le Code la notion " d’indemnités spéciales ". Notre jurisprudence sur ce qui justifie une indemnité spéciale pourra vous sembler généreuse ou insuffisamment généreuse ; c’est une question de jurisprudence.

De même, ne pas rémunérer ceux qui proposent des adhésions, dans un monde de concurrence, est-ce bien encore de mise ? Je ne vous cacherai pas, Monsieur le président, que les mutuelles rémunèrent ceux qui placent les adhésions, par des biais qui ne sont pas des primes au rendement, à la guelte. La Commission de contrôle en a fait la remarque en demandant d’y mettre fin. Mais il y a mille biais : par exemple, je transfère mes représentants à un GIE ; si je contracte avec ce GIE, une partie de la valeur de la prestation de services est, à l’évidence, les rémunérations des salariés du GIE. La Commission fait-elle un reproche ? On met fin au GIE. On en créera un autre ! C’est une infraction qui se prescrit par un an. Elle est prescrite quand nous la constatons. Vous voyez, il y a là un peu de doigté à avoir dans la jurisprudence. Voici comment nous fonctionnons.

Je pourrais évoquer également la question du droit de suite. Mais là encore, quelle était la pensée du législateur ? J’ai essayé de le demander au commissaire du Gouvernement près la Commission, qui a la mémoire des travaux législatifs. C’est assez flou. Le droit de suite est ainsi conçu dans le Code de la mutualité : la Commission peut contrôler un organisme qui n’est pas une mutuelle, donc une société anonyme, un GIE, une association loi de 1901, s’il ressort du contrôle de la mutuelle elle-même qu’en se liant avec un organe extérieur, cette mutuelle a perdu son autonomie ou limité la souveraineté de ses institutions. En outre, le Code exige qu’il en résulte un risque financier. Autrement dit, j’ai l’impression que le droit de suite a été conçu par le législateur de 1945 comme dirigé vers l’amont, à l’encontre des sociétés d’assurances qui créent des mutuelles et qui les réassurent à cent pour cent, mais non vers l’aval, à l’encontre de " filiales ", constituées sous forme de sociétés commerciales, d’une mutuelle. Dès lors, ce droit de suite, nous n’avons jamais pu l’exercer, à la différence du droit d’évocation qui, je le répète, n’a pas à être motivé.

Voilà quelques difficultés. Il y en a bien d’autres. Mais je ne veux pas être trop long.

M. le Président : Vous parliez de la prescription d’un an en matière de rémunérations occultes. Est-ce parce qu’il s’agit de contraventions ?

M. Jean FOURRÉ : Oui.

M. le Président : Pourrait-on proposer la qualification de délit, pour la porter à trois ans ?

M. Jean FOURRÉ : Pas pour toutes les infractions, Monsieur le président. Ne brusquons pas les mœurs !

M. le Président : Je comprends votre prudence.

La Commission de contrôle des mutuelles a commandé à l’IGAS en 1994 un rapport sur la MNEF. Quelle était l’étendue de ce contrôle ? A-t-il porté sur les placements et prises de participation de la MNEF ? Copie de ce rapport peut-elle être communiquée à la commission d’enquête ou à son rapporteur dans le cadre des pouvoirs qui lui sont propres ?

M. Jean FOURRÉ : En 1993, un rapport a été établi pour la Commission à la suite d’un contrôle sur place à l’initiative de la Commission. Il s’agissait de la précédente Commission, mais il est bien évident qu’une Commission suit l’autre et que la Commission est unique. Je ne dirai pas que c’est un corps mystique, mais enfin presque ! Le principe de continuité s’applique et nous succédons à nos prédécesseurs. Il y avait eu un rapport auparavant, en 1987, pour le ministre.

S’agissant de sa communication à votre Commission, je demanderai, si vous le souhaitez, au secrétaire général de vous communiquer ces deux rapports. Pourquoi ? Parce qu’ils sont contradictoires ; sur chaque page figure la colonne des inspecteurs des affaires sociales, puis, la colonne des observations apportées en réponse et, enfin, les observations sur ces réponses. C’est au vu de cela que le président de la Commission signe une lettre par laquelle il dit ce qui a été délibéré.

J’ai toutefois une petite réserve, Monsieur le président, mais elle ne jouera pas en l’espèce. Le secret professionnel est fait, je crois, dans l’esprit du législateur pour protéger les personnes individuellement mises en cause mais aussi les adhérents. Or, si nous faisons savoir que la situation financière d’une institution est dans un état tel qu’il y a lieu d’envisager la mise en place d’un administrateur provisoire ou d’un plan de redressement, c’est la panique et on coule la barque. Le secret professionnel a pour but, je crois, dans l’esprit de la loi, de protéger les adhérents ou les assurés. Pourquoi cela ne jouera-t-il pas en l’espèce ? Parce que si le résultat est favorable ou n’est pas extraordinairement négatif, pourquoi ne pas le dire ? Je puis vous dire qu’en 1987, les fonds propres de la Mutuelle nationale des étudiants de France ont été négatifs de 200 millions de francs. En 1993, ils étaient négatifs de 15 millions. Au 31 décembre 1997, ils étaient conformes au ratio prudentiel.

M. le Président : Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jean FOURRÉ : Cela veut dire que la MNEF s’est redressée.

M. le Président : Que signifie la conformité au ratio ?

M. Jean FOURRÉ : Cela veut dire que la MNEF a des fonds propres suffisants pour assurer sa marge de sécurité, qu’il n’y a pas de reproches à lui adresser sur ce point.

Dès lors, si vous publiez que les fonds propres sont remontés de moins 200 millions à plus quelques millions, cela ne peut pas nuire aux adhérents. Il n’en demeure pas moins que si l’on était resté à moins 200 millions, il faudrait hésiter à le dire parce que l’on menacerait leurs intérêts. Je ne sais pas ce que l’on ferait dans ce cas-là, Monsieur le président. Si vous le voulez bien, réglons les problèmes quand ils se posent.

M. le Président : En effet. Nous prenons acte que vous nous adresserez ces documents.

Le conseil d’administration de la MNEF a-t-il exercé, d’après vous, toutes ses prérogatives sur toutes les périodes que vous avez contrôlées ?

M. Jean FOURRÉ : Il y a eu un doute à un moment. Je regarde mes notes mais, probablement M. Laurent Gratieux que vous avez convoqué vous le dira-t-il. Il y a eu un doute en juillet 1998. Il résultait du rapport de 1994 et de la recommandation de la Commission que celle-ci, pour la transparence de la constellation autour de la MNEF, avait souhaité des regroupements. En conséquence, avaient été créées deux unions d’économie sociale. Puis, l’on s’est rendu compte que ces groupements introduisaient un étage supplémentaire et que cela devenait un holding à deux sous-têtes et non plus une structure à un seul étage. Ce n’était peut-être pas une bonne préconisation de la Commission. Une commission peut se tromper, Monsieur le président.

Toutefois, nous avons demandé en octobre dernier, premièrement, quels étaient les contrôles sur les deux unions et quelles étaient les délibérations du conseil d’administration sur les participations, notamment à l’Union Saint-Michel. On nous a apporté des documents représentant une pile de près de trente centimètres de hauteur. Ce sont les mêmes experts-comptables. Comment interpréter cela ? Du point de vue d’un conseil d’administration centrale, c’est plutôt une mesure qui l’aide à voir clair.

Deuxièmement, nous avons constaté que le conseil d’administration avait été informé et avait délibéré sur toutes les participations à notre connaissance des deux unions d’économie sociale dans les organismes plus lointains, alors qu’elles n’y sont pas tenues. Logiquement, le conseil d’administration examine ce qu’il met dans les unions d’économie sociale et c’est l’union d’économie sociale qui, par son contrôle, opère plus bas. A la MNEF on a opéré à travers l’étage intermédiaire.

Je ne peux pas vous dire, Monsieur le président, s’il y a d’autres participations dans ces satellites, faute de disposer du droit de contrôle sur une association de la loi de 1901 ou sur une société anonyme.

La presse a parlé de filiales. Toutes celles qui sont connues des directions régionales, celles qui ne se cacheraient pas, toutes les participations de la mutuelle centrale dans ses organes ont fait l’objet de délibérations du conseil d’administration. Les rapports étaient-ils extrêmement fouillés ou succincts ? Les délibérations ont-elles duré longtemps ou était-ce un blanc-seing ? Je n’ai que les procès-verbaux. Je ne peux pas sonder les cœurs et les reins, Monsieur le président, mais cela a été délibéré. Nous l’avons demandé en octobre et les documents ont été apportés aussitôt sur la table de la Commission.

En ce qui concerne le rapport de 1987, le redressement et les moyens du redressement, ressortissent à l’histoire de la MNEF. Celui de 1993 concerne l’information sur les satellites, c’est-à-dire l’information vue de l’intérieur de la MNEF : quelles sont vos participations ? Quelles sont les délibérations qui ont créé ces participations ? Quelles sont les délibérations qui ont approuvé des marchés ? Monsieur le président, la mutualité n’est pas soumise au Code des marchés publics. Un marché entre une mutuelle et une société anonyme n’est pas sous notre contrôle, sauf, encore une fois, par le droit de suite. Si ce marché, par exemple, est conclu pour dix ans, c’est une atteinte à l’autonomie et à la souveraineté de l’assemblée générale de la mutuelle. Une assemblée ne peut pas lier l’assemblée suivante. Mais tel n’a pas été le cas. Du moins, en contrôle sur pièces, cela ne se voit pas. C’est la raison pour laquelle, en novembre, la Commission a ordonné un contrôle sur place pour essayer de voir la réalité des marchés et des prises de participation. Tout a-t-il été délibéré pour les montant réels ? Seul un contrôle sur place permet de le dire, à condition que les documents existent. Mais je dois ajouter qu’un contrôle est un processus itératif : une commission fait des observations, on lui répond, elle demande une pièce, on lui répond. Il doit y avoir une certaine mesure de bonne foi, une certaine conscience de la part des organismes contrôlés que le contrôle n’est pas fait pour les ennuyer mais parce que la loi existe et que la loi est une garantie de leur survie, de leur solidité financière et de leur solidité à l’égard de leurs mandants. Celui qui est persuadé que la loi est bonne - et les mutualistes sont attachés à ce Code - la respecte et coopère avec le contrôle. Sinon, nous ne pourrions pas contrôler. On ne contrôle pas des armoires vides. Il faut bien que, d’une façon ou d’une autre, existe une certaine confiance. C’est ce que nous essayons de construire, avec cette réserve, Monsieur le président, que c’est le plus malade qui est le plus cachottier, comme avec son médecin.

M. le Président : C’est peut-être une aberration sur le plan du droit des sociétés. Mais, dans le droit des sociétés anonymes, existe la notion de comptes consolidés. Cette notion serait-elle susceptible d’apporter plus de transparence au sein de cet écheveau de sociétés et de démembrements de mutuelles sous forme de sociétés anonymes dans le cadre de vos pouvoirs de contrôle ?

M. Jean FOURRÉ : Je le crois, Monsieur le président, mais je craindrais de m’avancer. Le ministère et ses spécialistes sont probablement beaucoup plus compétents que moi pour le dire. En tout cas, la multiplicité des natures des personnes morales en cause est sûrement un obstacle. Prenons l’exemple de la société mutualiste. Elle n’est pas comme la société anonyme contrainte de publier des états annuels et de les déposer au greffe du tribunal de commerce. Il est vrai qu’en 1945, on ignorait l’évolution qui s’est produite jusqu’à nos jours et l’on n’estimait pas que la protection de l’épargne exigeait une information régulière à la charge du collecteur d’épargne. Cela, c’est une philosophie qui inspire la Commission des opérations de bourse, mais non le Code de la mutualité en 1945. Faut-il la faire évoluer sur l’information à laquelle l’adhérent a droit, et le public plus largement, et le candidat adhérent ? A ce moment-là, on passe par la publication des comptes. A ce moment-là, l’obstacle aux comptes consolidés est peut-être levé.

M. le Président : Cela fera certainement partie des propositions que nous aurons à faire.

M. Pierre LASBORDES : On nous a dit tout à l’heure que les deux dernières conventions signées entre les mutuelles et la CNAM prévoyaient la mise en place d’une comptabilité analytique. Il s’est avéré qu’aucune comptabilité analytique n’a été mise en place. Etait-il de votre domaine de compétence de vous assurer que cette convention était suivie ? De quel organisme dépendait cette vérification ?

M. Jean FOURRÉ : Ce n’est pas dans notre compétence parce que ce n’est pas l’application du Code. Mais si, après 1993, nous avions eu les moyens de faire un contrôle sur place, nous l’aurions bien relevé et nous l’aurions dit au ministre ainsi qu’à la Caisse nationale d’assurance maladie. C’est notre devoir. Mais, 1987, 1993, 1998 et 1999, cette mutuelle nous occupe souvent et il y en a d’autres, dont vous avez entendu parler, ne serait-ce que la Mutuelle des élus.

M. le Président : Quelle est la situation financière actuelle des mutuelles régionales ?

M. Jean FOURRÉ : Plusieurs mutuelles régionales sont en cours de contrôle par des directions régionales des affaires sanitaires et sociales - Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Val de Loire - parce que des sièges de mutuelles sont en province et d’autres sont à Paris, mais en dessous du seuil de compétence de la Commission nationale. Je crois également que la Mutuelle universitaire du logement relève des Pays-de-Loire.

Il reste que ce sont des contrôles sur les organismes mutualistes. Se posera là encore pour les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) le problème de l’accès à ce qui n’a pas le statut de mutuelle. Espérons qu’il n’y aura pas trop de conventions de droit non mutualiste avec des sociétés commerciales.

J’ajoute, Monsieur le président, que la diversification de l’action de la Mutuelle nationale des étudiants de France a été encouragée il y a cinq ans environ - je l’ai lu dans certaines de ses correspondances - par une incitation, en vue d’améliorer la vie des étudiants, à ne pas se cantonner dans un rôle mutualiste mais à entrer en action conjointe avec l’Etat, avec les universités, avec d’autres organismes d’intérêt social.

Il y a, par ailleurs, les liens avec les sociétés de gestion. Le GIE est une formule utile. Reste à s’assurer que l’ensemble des engagements hors bilan d’une mutuelle est bien soumis à l’assemblée générale. C’est cela que nous recherchons dans le contrôle sur place à la MNEF. Les engagements hors bilan, nous les connaissons. Nous avons posé la question à Madame la présidente de la Mutuelle, Mme Dominique Linale. A ce jour, nous ne disposons d’aucun document certifiant qu’il n’existe pas d’engagements hors bilan autres que ceux que nous connaissons. Car ceux que nous connaissons ne mettent pas en péril la Mutuelle. Je dirais même qu’ils offrent de fortes plus-values latentes.

M. le Président : Donc, pour répondre à la question portant sur les mutuelles régionales ?

M. Jean FOURRÉ : Actuellement, elles sont en cours de contrôle.

M. Joël GOYHENEIX : Vous disiez que la diversification des activités de la MNEF avait été encouragée. Par qui ?

M. Jean FOURRÉ : C’était une politique des universités. Je ne peux guère vous en dire plus. Vous demanderez à la MNEF ou éventuellement à M. Rollet, qui appartient à l’IGAS depuis très longtemps. Peut-être sait-il quand cette idée a été lancée.

M. le Président : Existe-t-il des mutuelles étudiantes propres aux territoires et départements d’outre-mer ? Dans l’affirmative, présentent-elles des particularités ? Nous n’avons pas encore d’informations à ce propos.

M. Jean FOURRÉ : M. Gratieux m’a donné la liste des contrôles en cours qui précise ceux relevant du contrôle de la Commission et ceux relevant des directions régionales. Je peux ainsi vous dire que la DRASS de la Réunion procède actuellement à un contrôle.

M. le Président : Vous n’avez aucun renseignement spécifique à ce sujet ?

M. Jean FOURRÉ : Les mutuelles qui sont dans la corbeille de la Commission y sont parce qu’elles gèrent une caisse autonome. Il s’agit de l’Union interrégionale et technique des mutuelles étudiantes (UITSEM), de l’Union nationale des sociétés étudiantes mutualistes (USEM), de la société mutualiste des étudiants de la région parisienne (SMEREP), de la Société mutualiste des étudiants du Sud-Ouest (SMESO) et de la Mutuelle des étudiants de Provence (MEP).

M. le Président : Après avoir refusé la désignation d’un administrateur provisoire, la Commission de contrôle a demandé à l’IGAS d’effectuer un rapport approfondi sur la MNEF. Quel est l’objet exact de ce contrôle ? Quel est son stade d’avancement ? Pourra-t-il être communiqué à la commission d’enquête avant la fin de ses travaux ?

M. Jean FOURRÉ : Pour ce qui a trait au stade d’avancement, je ne peux pas vous dire si l’on est à mi-course ou à tiers de course, plus probablement à mi-course.

L’objet du contrôle sur place est de savoir si l’ensemble des prises de participation ont été délibérées, si elles sont connues et exactement chiffrées. Il est aussi, dans la mesure où nous pouvons le faire, étant bien entendu que le Code ne l’exige pas, de voir la politique de marché, de mise en concurrence, de recherche d’économies de gestion le cas échéant, car nous n’avons aucune idée sur ce point actuellement.

Tel est donc l’objet du contrôle puisque, sur le plan prudentiel, les comptes du 31 décembre 1998 vont nous arriver. Nous les regarderons. Les comptes de 1997 ont été vérifiés. Monsieur le Président, si nous étions compétents pour les comptes de 1997, c’est parce que la MNEF avait une caisse autonome qui figurait au bilan de 1997. Puis, en juin 1998, nous avons usé de notre pouvoir d’évocation. Comme je vous le disais, l’article L. 531-1 du Code de la mutualité ne pose pas de condition à l’évocation. Soyons francs : les motifs de l’évocation, c’était que nous travaillions sur la MNEF depuis plusieurs mois et qu’il était normal de continuer. Nous n’allions pas demander à la DRASS d’Ile-de-France, qui a peu de moyens, de recommencer le travail.

Cela étant, nous avons patienté jusqu’en septembre, parce que la Cour des comptes s’intéressait aussi à cette mutuelle et il est très dur pour les agents d’une institution, même si elle est importante, d’avoir deux contrôles en même temps sur place. Quand, en outre, elle fait l’objet, éventuellement, de procédures judiciaires... De toute façon, Monsieur le président, le contrôle par l’un sert à l’autre.

M. le Président : Quelles ont été les raisons du refus de la désignation d’un administrateur provisoire ?

M. Jean FOURRÉ : C’est très simple. C’est tout simplement l’application du Code car celui-ci prévoit cette nomination en cas d’irrégularités graves ou lorsque la situation financière est telle que les organes mutualistes ne sont pas en mesure de la redresser. En trois ans de mandat, il me semble que nous n’avons nommé que trois fois un administrateur provisoire. La première s’est terminée par le transfert de portefeuille et la reprise de la mutuelle par une fédération qui l’a refinancée parce qu’il était impossible qu’elle se redresse. Il fallait donc sauver les droits, d’autant qu’il s’agissait d’une mutuelle d’adhésion pour rentes et complémentaires retraites et qu’il y avait des années d’adhésion.

Une seconde mutuelle a été mise sous administration provisoire. Comme elle n’a pas pu être reprise, l’administrateur provisoire a réussi à faire créer une nouvelle mutuelle par les assemblées générales de deux mutuelles, si bien que ce n’était pas une absorption, mais une fusion. Et l’on a sauvé tous les intérêts.

Sur la troisième, j’hésite. Demandez à M. Gratieux. Il s’agit, me semble-t-il, d’une réassurance avec prise de participation. Autrement dit, il faut une situation désespérée : le Code prévoit des difficultés financières de nature à mettre en cause l’existence de la mutuelle ou des irrégularités graves.

C’est sur le fondement d’irrégularité graves que nous avons demandé en octobre des informations sur le fonctionnement des institutions : élection de l’assemblée générale, approbation des comptes et du rapport financier, délibérations du conseil d’administration sur les prises de participation. Si, après des observations, nous constations que les organes d’une mutuelle ne fonctionnent pas, qu’ils ne veulent pas tenir d’élections, si une direction ne veut pas rapporter les affaires devant le conseil d’administration, si les délégués à une assemblée générale ne veulent pas mettre le conseil d’administration en mesure d’examiner les choses, l’y contraindre, alors il faut bien un administrateur provisoire.

Que fera-t-il ? Il tiendra des élections. Il composera une nouvelle assemblée, éventuellement, si l’on refuse de modifier les statuts qui violent gravement les statuts types, c’est-à-dire qui portent atteinte aux principes démocratiques. Rémunérer un intermédiaire, ce n’est pas une irrégularité grave pour justifier la nomination d’un administrateur provisoire. Cette nomination est une décision qui prive les organes légitimes d’une mutuelle de leurs compétences. C’est un dessaisissement de gens qui ont été élus, il faut donc des raisons solides.

En l’espèce, il n’y avait pas de raisons prudentielles. Je l’ai constaté par une lettre écrite à la Mutuelle au mois de juillet, à la suite du contrôle sur pièces, et à l’automne, la Commission, constatant les documents fournis, a estimé qu’il n’y avait pas d’irrégularité grave. Elle a pu se tromper. Mais, en toute conscience, je pense qu’elle ne s’est pas trompée. Et sa décision n’a pas été contestée.

Alors, me direz-vous, Monsieur le président, c’est peut-être l’autre qui aurait été contestée devant le Conseil d’Etat. Oui, évidemment, c’est la décision qui nuit que l’on contestera.

M. le Président : J’ai là un Code de la mutualité. Si je considère les articles. L 531-2, L. 531-3 et L. 531-4, vous estimez que nous étions dans le cadre de ce que j’appellerai l’article L. 531-3 où une injonction avec programme de redressement suffisait, et que l’on n’était pas dans le cadre des deux autres articles portant, premièrement, sur les difficultés financières de nature à compromettre le fonctionnement normal - il avait donc un fonctionnement normal - et, deuxièmement, sur la constatation d’irrégularités graves.

M. Jean FOURRÉ : C’est cela. Le programme de redressement, vous l’avez cité, peut avoir deux objets. L’objet financier n’est pas ce que nous avons mis en avant dans la lettre de juillet. Nous y avons mis une invitation à modifier les statuts en raison de l’importance de tel organisme qui n’est pas dans les statuts types, etc. Il s’agissait d’apporter des modifications allant dans le sens d’une démocratie plus réelle.

M. le Président : Nous vous remercions pour les précisions que vous nous avez apportées. Si vous avez d’autres précisions écrites à nous adresser ainsi que des propositions de réforme, ne manquez pas de nous en faire part.

M. Jean FOURRÉ : Ce sera fait, Monsieur le président. Je suis très honoré que vous ayez bien voulu m’entendre. Demain matin, nous siégeons en Commission de contrôle des mutuelles toute la matinée. Le Gouvernement, en la personne de M. Briet, a demandé à la Commission de lui faire part de propositions pour la réécriture du Code. Nous sommes au travail.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr