Présidence de M. Alain TOURRET, Président

M. Davant est introduit.

M. le président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Davant prête serment.

M. le Président : Monsieur le président, vous pourrez dans un exposé liminaire nous présenter brièvement la Mutualité française, avant de nous donner votre sentiment sur le régime étudiant de sécurité sociale et sur les axes de réforme que vous préconisez. Puis, nous nous livrerons au jeu des questions et réponses.

M. Jean-Pierre DAVANT : Monsieur le président, vous m’avez demandé de présenter la Mutualité française. Je ne peux le faire que brièvement. Le Conseil d’Etat lui reconnaît la représentativité du mouvement mutualiste français à hauteur de 82 %. La Mutualité française est composée de grandes mutuelles de la fonction publique, de mutuelles interprofessionnelles, de mutuelles d’artisans, de commerçants et de professions libérales. Elle couvre donc quasiment toutes les couches sociales de la population.

La fédération a un rôle politique de coordination de l’ensemble du mouvement des mutuelles adhérentes, donc également un rôle de représentation auprès des pouvoirs publics, un rôle d’interlocuteur auprès des médias et de représentation auprès des autorités européennes. Elle n’a pas, contrairement à ce que l’on peut penser, vocation à s’immiscer dans la vie des mutuelles, puisque le principe de base d’une mutuelle, c’est que ses adhérents sont souverains. Ils s’expriment, chaque année, lors de l’assemblée générale et ce sont eux qui déterminent les grandes orientations de la mutuelle. La mutualité est basée sur un principe démocratique. Bien évidemment, tout cela se fait avec le support législatif qu’est le Code de la mutualité ; c’est la loi qui régit le fonctionnement des groupements mutualistes.

Je ne pense pas qu’il soit pertinent d’aller plus avant dans la description de la Mutualité française. Cela nous prendrait beaucoup de temps.

M. le Président : La transposition des directives européennes portant sur l’assurance vie et l’assurance non vie, au secteur mutualiste, n’est pas encore réalisée. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Je vous indique, comme je l’ai dit à votre prédécesseur, que nous entendrons M. Michel Rocard sur cette question. En quoi, selon vous, l’application de ces directives, si elle devait avoir lieu, modifierait-elle substantiellement l’économie générale des mutuelles étudiantes ?

M. Jean-Pierre DAVANT : Je ne sais pas en quels termes se fera demain la transposition. C’est le Parlement qui aura au bout du compte le dernier mot. M. Michel Rocard présentera au Premier ministre un rapport le mois prochain et, normalement, celui-ci devrait donner lieu à un projet de loi qui sera débattu à l’automne. Nous discutons avec M. Michel Rocard, que nous revoyons d’ailleurs lundi prochain. Je ne pense pas que ce problème concerne uniquement les mutuelles étudiantes. Si l’on transpose sans nuance des directives qui ont été fabriquées pour les sociétés commerciales d’assurance, on handicape et l’on dénature considérablement le mouvement mutualiste. Tout le monde en est conscient, aussi bien le Gouvernement que le Président de la République. D’autant que ce serait une situation tout à fait paradoxale, puisqu’en France, dans le domaine de la santé notamment, c’est la mutualité qui est largement majoritaire après la sécurité sociale.

Vous dire de quelle manière cette transposition affectera le mouvement mutualiste, je ne peux le faire aujourd’hui. Je ne pourrai vous le dire que lorsque le projet de loi aura été adopté.

M. Robert PANDRAUD : Vous nous parlez, Monsieur le président, du projet de transposition. Nous en discuterons certes à l’automne. Mais quelle sera notre marge pour en discuter ? Quelle sera, d’après vous, la portée des directives de Bruxelles ?

Vous savez bien, comme nous, que nous ne faisons, en la matière, que de la figuration. Entre la directive, les décisions postérieures de la Cour européenne de justice et les décisions des cours souveraines de France qui disent que nous sommes subordonnés à toute la réglementation européenne, nous essaierons, comme pour l’électricité, de passer au travers des gouttes, mais avec une marge d’indépendance très limitée.

Vous me répondrez que la Commission vient de changer et qu’elle peut ne pas être aussi ultra-libérale qu’elle l’était quand elle considérait que tous les produits étaient des actes commerciaux. Je le souhaite et je m’en réjouirais. Je pense que M. Romano Prodi aura une meilleure connaissance des problèmes que M. Santer et ses collaborateurs, mais je n’en suis pas sûr. Nous allons nous retrouver avec une loi de transposition et nous répéterons " Bruxelles, Bruxelles ! " en sautant sur nos tabourets, comme le disait un jour, sur les mêmes problèmes, le Général de Gaulle.

M. Jean-Pierre DAVANT : Monsieur le ministre, je ne peux abonder dans le sens de ce que vous venez d’avancer, car je pense que le Parlement français a une marge réelle puisque nous avons, de notre côté, fait un pas en avant en disant que nous acceptions que la transposition de ces directives se fasse dans le droit français de manière à ce qu’elle satisfasse aux obligations de la France vis-à-vis de Bruxelles, mais de sorte qu’en même temps, elle ne gomme pas des siècles d’histoire sociale en France et que l’on puisse établir une distinction entre les compagnies commerciales des assurances et les mutuelles.

C’est aussi le problème de la liberté d’entreprendre, de l’initiative privée même, puisque la mutualité ressort de l’initiative privée, et il faut accepter que cette liberté d’entreprendre s’organise différemment. Il faut accepter également que les Françaises et les Français puissent choisir entre deux modèles, dans la clarté et la transparence la plus absolue. Le Parlement a, à mon sens, une réelle marge d’initiative, d’autant que ce problème a été largement alimenté par un débat franco-français, puisque c’est la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) qui a déposé toute une série de plaintes à Bruxelles pour régler, selon elle, le problème de la concurrence avec la mutualité. Ce n’était pas très libéral, tout cela !

M. Robert PANDRAUD : Vous savez très bien que les grandes sociétés d’assurance s’apprêtent à lancer tout un ensemble de recours devant la Cour européenne de justice.

M. Jean-Pierre DAVANT : Je ne le crois pas.

M. Robert PANDRAUD : Si ce ne sont pas les sociétés françaises, ce seront les filiales allemandes qui les déposeront.

M. Jean-Pierre DAVANT : Je ne le pense pas, Monsieur le ministre.

M. le Rapporteur : Monsieur le président, je voudrais connaître votre sentiment sur l’objet même de la commission d’enquête, qui est partie de problèmes constatés très médiatiquement au sein d’une mutuelle étudiante, la MNEF, puis d’autres mutuelles régionales. Il semblerait qu’il y ait des aspects communs dans ce que l’on a pu appeler des dérives de comportement par rapport à l’objet de la mutualité française - je ne parle pas là de la fédération mais de la mutualité au sens général du terme, dérives qui peuvent être soumises à des interprétations diverses.

Par ailleurs, il semblerait, d’après les premières auditions que nous avons faites, que trois grands sujets se dégagent.

Le premier, tout d’abord, a trait aux remises de gestion accordées aux mutuelles qui gèrent des régimes de sécurité sociale, notamment le régime de sécurité sociale étudiant, au niveau de ses remises de gestion et à l’utilisation qui peut être faite ultérieurement des marges qui se dégagent de la gestion du régime obligatoire.

Ensuite, se pose le problème de l’efficacité des contrôles avec, d’un côté, la Cour des comptes qui peut contrôler le régime obligatoire et, de l’autre, la commission de contrôle des mutuelles, en sachant que, dans les comptes des mutuelles étudiantes, il n’existe pas de séparation, au moins comptable, entre le régime général et le régime complémentaire. Il est donc très difficile de s’y retrouver dans l’écheveau de leurs différentes activités.

Enfin, le troisième problème est celui de la " filialisation " et de ses dérives plus ou moins commerciales qui font dire à la Cour des comptes qu’il semblerait qu’il y ait eu un éloignement de l’objet premier de la mutualité et que ce soit là que commencent les difficultés. Cette filialisation n’a pas été l’apanage du seul système mutualiste étudiant. Les mutuelles, quelles qu’elles soient, ne sont pas soumises, par exemple, au Code des marchés publics ou à d’autres réglementations concernant les établissements publics, comme, par exemple, la séparation de l’ordonnateur et du comptable. Elles ne sont pas non plus soumises au droit des sociétés, notamment pour ce qui concerne la consolidation des comptes, etc. Qu’en pensez-vous ?

Pour finir, il me semble avoir lu dans la presse que vous étiez favorable à une réunification du système mutualiste étudiant. Pourriez-vous nous faire connaître votre sentiment à ce sujet ?

M. Jean-Pierre DAVANT : En ce qui concerne le contrôle des mutuelles, j’ai aussi lu la presse et j’ai également pris connaissance d’initiatives personnelles de parlementaires qui ne paraissaient pas conformes à la réalité du contrôle des mutuelles.

Les mutuelles sont contrôlées par la commission de contrôle des mutuelles qui dispose d’un bras d’intervention qui est l’IGAS. Les règles varient en fonction de la taille des mutuelles. Les plus importantes doivent produire chaque année un état de l’ensemble de leurs comptes financiers et l’adresser au bureau de la mutualité et au ministère. La seule mutuelle qui ne le faisait pas régulièrement, était d’ailleurs la mutuelle des élus. On sait ce qu’il en est advenu. Mais refermons cette parenthèse. Pour les autres mutuelles, cela se fait auprès des DRASS. Les mutuelles sont également obligées d’avoir un commissaire aux comptes qui certifie leurs comptes.

Ce tour d’horizon des contrôles ne serait pas complet si je ne vous disais pas que, dans le droit mutualiste, figure la nécessité de faire élire une commission de contrôle qui ne peut être composée d’administrateurs. Il y a donc séparation des pouvoirs. Cette commission de contrôle intervient lors de l’assemblée générale après le commissaire aux comptes, qui lui, remet son rapport lors de l’assemblée générale qui va certifier les comptes.

De plus, les mutuelles qui gèrent le régime obligatoire de sécurité sociale - mutuelles des artisans, des commerçants, des professions libérales, mutuelles de la fonction publique et mutuelles étudiantes - étant donné qu’elles gèrent des fonds publics, sont soumises aux mêmes règles que tout établissement gérant des fonds publics par délégation.

Il faut donc séparer les deux activités des mutuelles : celle qui relève de l’initiative mutualiste privée - les mutuelles étant des organismes privés, à ce titre, elles doivent donc fonctionner conformément au Code de la mutualité - et celle qui, en plus, consiste à gérer des fonds publics de la sécurité sociale et qui sont soumises au contrôle de la Cour des comptes.

Les mutuelles, pour qui peut faire la comparaison entre le secteur commercial, le droit commercial et le droit mutualiste, sont tout aussi vérifiées et soumises à autant de contraintes - qui sont tout à fait justes et dont je me félicite - que n’importe quel autre secteur.

J’ajoute, parce qu’il me paraît important de le dire devant des parlementaires, que c’est le Parlement qui, en 1993-1994, a supprimé, à l’initiative d’un certain nombre de groupes, l’obligation d’adhérer à un service fédéral de garantie. À l’époque, il y avait la volonté de mettre en place une caisse mutualiste de garantie obligatoire pour l’ensemble des mutuelles et, sous la pression de la FMF et de la FNIM, des groupes parlementaires proches de ces organisations ont fait supprimer cette obligation, dans le cadre d’un DMOS. La Mutualité française, pour ce qui la concerne, a gardé un service fédéral de garantie en son sein. Il est obligatoire pour toutes les mutuelles qui adhèrent à la Mutualité française mais, évidemment, notre pouvoir d’investigation vis-à-vis des mutuelles adhérentes à la Mutualité française s’en trouvent légèrement écorné du fait que la représentation parlementaire en a levé d’elle-même l’obligation. Voilà pour ce qui concerne le contrôle.

Le problème de la filialisation est un faux problème. Les mutuelles peuvent avec, soit des partenaires publics, soit des collectivités locales, soit des intervenants d’économie sociale, soit des intervenants du secteur commercial, créer des filiales. Mais cela doit se faire dans le cadre de la loi qui régit le mouvement mutualiste, c’est-à-dire dans le cadre du Code de la mutualité et dans le cadre du champ d’intervention du mouvement mutualiste.

De plus, celles qui créent des filiales peuvent évidemment se voir parfois contrôlées par le fisc dans la mesure où ces filiales prennent un caractère commercial. Mais c’est le fisc, à ce moment-là, qui remet en cause ces situations.

De mon point de vue, et d’après ce que j’ai pu en lire dans la presse, la discussion théorique ne doit pas porter sur le problème de la filialisation. Il existe une loi qui permet un certain nombre de choses et qui n’en permet pas d’autres. Il faut commencer par appliquer la loi et toute la loi. Ensuite, c’est une question d’opportunité politique. On peut, à l’intérieur de la mutuelle juger qu’il n’aurait pas fallu faire cela et qu’il aurait été mieux de faire ceci, mais si une majorité s’est dégagée pour cela et si cela s’inscrit dans le cadre de la loi, je ne vois pas en quoi cela peut être mis en cause.

En ce qui concerne le problème des remises de gestion, je ne sais pas ce que l’on reproche aujourd’hui aux mutuelles étudiantes. J’aurais donc du mal à vous faire des propositions en la matière.

En revanche, je peux dire qu’il ne me choquerait pas qu’à partir du moment où il s’agit de fonds publics, l’on renforce les contraintes et la transparence. Je pense qu’il faut absolument maintenir la gestion de la sécurité sociale étudiante dans le cadre des mutuelles étudiantes, parce que cela rend service aux étudiants et que c’est important.

Je ne sais pas si la CMU dont vous allez bientôt débattre au Parlement ne va pas remettre tout cela en cause et considérablement bouleverser la situation, y compris rendre caduc ce débat sur les mutuelles étudiantes. A ma connaissance, il y a peu d’étudiants qui gagnent plus de 3 500 francs par mois. S’ils s’inscrivent tous à la CMU, gérée dans les caisses primaires, nous n’aurons plus à débattre de l’avenir de la sécurité sociale étudiante et des mutuelles étudiantes, ce que je regrette. Je voulais attirer votre attention sur ce point puisque vous m’interrogez sur ces questions.

Il y a également à prendre en considération, dans la délégation de gestion, la situation qui a été faite aux mutuelles de la fonction publique où la transparence est la plus totale et la plus complète. Les mutuelles de la fonction publique gèrent, de par la loi de 1947, par délégation de la CNAM, la sécurité sociale des fonctionnaires. Elles négocient avec cette dernière des remises de gestion calculées sur la moyenne des cinquante caisses les plus performantes et l’on attribue ces remises de gestion aux mutuelles de la fonction publique pour gérer par délégation la sécurité sociale des fonctionnaires. Il y a un droit d’investigation permanent de la CNAM, de l’IGAS et de la Cour des comptes. Cela me paraît être le modèle à retenir.

En ce qui concerne la réunification du mouvement mutualiste étudiant, j’ai pour ma part, une conception de la mutualité, que je ne suis d’ailleurs pas le seul à avoir puisque nous la partageons majoritairement au sein de la Mutualité française, selon laquelle le mouvement mutualiste est adulte, majeur et indépendant de tout courant religieux, philosophique ou politique ; ce qui conduit la Mutualité française à prendre position sur toute une série de questions quelle que soit la majorité politique en place.

En clair, la Mutualité française n’est pas la courroie de transmission d’une organisation syndicale ni d’aucun parti politique. Je regrette la situation actuelle où 400 000 jeunes mutualistes pour plus de 2 millions d’étudiants sont répartis dans différentes mutuelles étudiantes. Cela révèle la politisation excessive qui a, de tout temps, régné au sein des mutuelles étudiantes, et conduit inexorablement la mutualité étudiante à la déconfiture. Les partis politiques ont une grosse responsabilité en la matière. C’est la raison pour laquelle, en tant que président de la Mutualité française, soucieux de l’avenir du mouvement, et parce que ces jeunes d’aujourd’hui, qui ne sont pas mutualistes, seront les cadres de demain dans les entreprises et les administrations, il m’importe de participer et d’aider, si c’est possible, au renouveau de la mutualité dans le milieu étudiant. La MNEF est toujours adhérente à la Mutualité française ainsi que d’autres mutuelles étudiantes comme la SMEBA et j’ai effectivement indiqué, dans une interview au mois de septembre dernier, que je prendrais l’initiative de rassembler autour d’une table les représentants des mutuelles étudiantes pour discuter avec eux sur la possibilité, au moins dans un premier temps, de faire coopérer ces mutuelles entre elles, au seul profit et intérêt des étudiants, et de voir s’il y a la possibilité ensuite d’aller vers une réunification.

Je n’ai pas grand espoir d’arriver à cet objectif, mais j’essaierai parce que je crois que c’est l’intérêt de la mutualité et celui des étudiants.

M. Robert PANDRAUD : Monsieur le président, avez-vous une estimation, même relative, du nombre de fonctionnaires mis à disposition des mutuelles de la fonction publique ?

M. Jean-Pierre DAVANT : Non. Je n’ai pas l’estimation. Mais puisque vous posez cette question, je pense que vous devez avoir une idée sur le bien-fondé d’une telle situation.

M. Robert PANDRAUD : Cela plaide plutôt en faveur de l’unité parce que plus vous avez de mutuelles, plus vous finissez par mettre de fonctionnaires à disposition. Vous voyez bien à quelle administration, je fais allusion.

M. Jean-Pierre DAVANT : Mais généralement, Monsieur le ministre, dans la fonction publique il existe une mutuelle par grand ministère. Il n’y a donc là une pluralité...

M. Robert PANDRAUD : Pas toujours.

M. Jean-Pierre DAVANT : Je sais qu’il existe dans ce secteur aussi la volonté de politiser, donc de créer des mutuelles libérales ou d’autres inspirations mais, je vous l’ai dit, la Mutualité française représente 82 % du mouvement mutualiste en France et toutes les grandes mutuelles de la fonction publique y sont adhérentes.

Il est vrai que les mutuelles de la fonction publique disposent, bien souvent, d’agents mis à disposition mais, dans bien des cas, elles remboursent également l’administration. C’est le cas de la mutuelle générale de l’éducation nationale, qui rembourse les salaires de ces agents au ministère de l’éducation nationale. Il est vrai également que, dans certains cas, il n’y a pas de remboursement. Cela me paraît tout à fait légitime aussi, car je vous rappelle qu’il existe des dispositions qui datent de la Libération qui font que l’Etat employeur a délégué aux mutuelles la gestion des services sociaux des administrations, que les mutuelles jouent un rôle éminemment social dans leurs administrations. Je ne vois pas pourquoi l’Etat employeur ne serait pas mis à contribution, comme le sont les entreprises du secteur privé dans le cadre des comités d’entreprise, qui n’existent pas dans la fonction publique. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant dans cette situation.

M. Robert PANDRAUD : Je n’ai pas dit que j’y voyais quelque chose de choquant.

M. Jean-Pierre DAVANT : Non, mais je sais que se développent, Monsieur le ministre, des théories en ce sens, d’ailleurs alimentées par les anciens responsables de la MNEF. L’Etat employeur met à disposition des mutuelles, un certain nombre d’agents pour accomplir des missions sociales au profit des salariés de son secteur. Là encore, il faut que ce soit tout à fait transparent. Que des policiers participent à la gestion de la mutuelle générale de la police, à l’encadrement social - la mutuelle de la police fait beaucoup de choses pour les orphelins, pour l’ensemble des personnels de la police -, cela me paraît tout à fait logique, que ce soit dans la police comme dans toutes les autres administrations d’ailleurs.

M. le Rapporteur : Il semblerait que parmi les étudiants qui peuvent bénéficier du régime de couverture complémentaire proposé par les mutuelles étudiantes, un certain nombre ne le fassent pas, pas forcément pour des raisons financières mais simplement parce que les mutuelles parentales étendent les droits dans le temps et offrent souvent des prestations qui, du point de vue de l’étudiant du moins, sont plus intéressantes que celles fournies par les mutuelles étudiantes. Cette situation de quasi-concurrence entre les mutuelles parentales et la mutualité étudiante, vous semble-t-elle devoir être encouragée ou régulée ?

M. Jean-Pierre DAVANT : Tout d’abord, je répondrais qu’un principe est à la base de l’adhésion mutualiste, celui de la liberté de choix. Je choisis librement d’être à une société commerciale d’assurance, à une mutuelle ou à une institution de prévoyance, ou je choisis de n’être nulle part et de me contenter des maigres remboursements de médecine ambulatoire de la sécurité sociale. Ce principe de liberté, je pense qu’il faut le maintenir.

Nous avons essayé entre nous de réguler cela, puisque si un Français sur deux est mutualiste, la moitié ne l’est pas. C’est tout de même plus intéressant d’aller chercher des adhérents chez M. Bébéar, le patron d’Axa que de les prendre à la mutuelle du voisin, qui est aussi adhérente à la fédération.

Je suis pour la mutualisation des étudiants. Je suis donc pour l’existence d’une grande mutuelle rassemblant les étudiants parce que, pour peu que cette mutuelle fonctionne comme elle devrait fonctionner, je pense que l’on y fait aussi l’apprentissage de la responsabilité de la vie.

Depuis un certain temps - je vous l’ai indiqué tout à l’heure en vous disant que seulement 400 000 étudiants étaient mutualistes - les étudiants se sont détournés de leur mutuelle, de toutes leurs mutuelles. Pour quelles raisons ? Ils voient bien que les mutuelles étudiantes prolongent soit des clivages politiques, soit des clivages syndicaux, et ce mélange est nuisible.

Je pense qu’un citoyen peut être engagé politiquement - c’est mon cas. Il faut qu’il soit syndiqué ; il n’y en a pas suffisamment en France, cela posera aussi à terme un problème pour la vie de la nation. Et il faut qu’un citoyen adhère à une mutuelle. Les choses sont parfaitement compartimentées.

Que voient les étudiants ? Premièrement, ils voient les mutuelles étudiantes partir à la pêche à l’inscription à chaque rentrée universitaire, avec des arguments qui n’ont rien de mutualiste, qui parfois n’ont rien à voir avec l’idéologie non plus mais sont purement commerciaux et parfois même accompagnés d’arguments physiques.

Deuxièmement, lorsque l’on parle avec des étudiants, on se rend compte que les mutuelles étudiantes sont très chères pour des couvertures qui ne les satisfont pas. Pourquoi ? Je ne suis pas totalement sûr de la réponse, mais il est vrai que la diversification fait que, quand on fait beaucoup de choses, on ne fait plus son vrai métier et ce vrai métier devient cher. C’est sans doute la raison qui incite certains à rester dans les mutuelles parentales. Si les mutuelles étudiantes étaient plus attractives, je pense qu’ils choisiraient plutôt d’être dans des mutuelles étudiantes. Si les mutuelles étudiantes avaient des propositions attractives dans le domaine de la prévention, de l’éducation sanitaire, et même dans le domaine de la culture, car je pense que cela fait aussi partie des éléments qui participent de la santé des individus, si elles étaient plus centrées sur les véritables problèmes quotidiens des étudiants, les étudiants reviendraient dans les mutuelles.

Je déplore cette situation. Je suis intervenu très peu dans ce débat. On m’a fait beaucoup intervenir, c’est certain, mais je suis personnellement intervenu très peu. Je suis intervenu publiquement une fois à travers l’interview que vous mentionnez et, une autre fois, en province, il y avait des journalistes de l’AFP et je l’ignorais. Je suis donc intervenu sur le sujet deux fois, mais ma seule inquiétude aujourd’hui, et elle est profonde, c’est de voir la mutualité étudiante disparaître.

Pour être très précis dans ma réponse à votre question concernant les mutuelles parentales, le jour où une grande mutuelle étudiante retrouvera toute sa place au sein de la fédération de la Mutualité française, prendra sa place au conseil d’administration, dans les commissions, dans la vie de la mutualité, les mutuelles parentales seront tout à fait raisonnables et favoriseront cette mutuelle. C’est évident.

M. Robert PANDRAUD : Les mutuelles peut-être, mais pas obligatoirement les parents qui pensent qu’avoir des enfants affiliés à la mutuelle dont ils font partie, c’est mieux que de les voir livrer à la surenchère des mutuelles étudiantes. Je vous garantis bien que j’ai toujours fait en sorte que mes enfants adhèrent à ma mutuelle, et pas aux autres.

M. Jean-Pierre DAVANT : Bien souvent, ce sont les parents qui paient les cotisations. Je me souviens que lorsque mon fils était à la MNEF, je payais ses cotisations. Je lui avais d’ailleurs conseillé d’adhérer à la MNEF. Je crois que, pour les jeunes, faire ce geste d’adhérer à sa mutuelle, c’est aussi un geste d’indépendance, de responsabilité et d’apprentissage de la vie.

M. Robert PANDRAUD : Certes, mais je considérais que les mutuelles de la fonction publique étaient plus sérieuses. Ce n’est pas vous qui me direz le contraire.

M. Jean-Pierre DAVANT : Je ne vous démentirai pas.

M. le Président : Nous n’irons pas au-delà. Monsieur le président, je tiens à vous remercier pour tous les éclaircissements et réponses que vous avez bien voulu apporter à nos questions.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr