Présidence de M. Alain TOURRET, Président
M. Le Doeuff est introduit.
M. le président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Le Doeuff prête serment.
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés, les dysfonctionnements relevés à la MNEF, dont la presse s’est largement faite l’écho et dont la justice s’est saisie, sont à l’origine de la création, le 4 mars dernier, d’une commission d’enquête parlementaire.
L’Assemblée nationale a cependant émis la volonté d’étendre ses investigations à l’ensemble du régime étudiant de sécurité sociale.
Dans un premier temps, nous avons regretté que cette extension du champ d’investigation jette a priori une suspicion injustifiée sur nos structures, alors qu’aucun des contrôles dont elles ont fait l’objet au cours des derniers mois n’a entraîné la saisine de la justice, pénale ou civile. Je rappelle que la mutualité étudiante régionale (MER) est une union de mutuelles régies par le Code de la mutualité, qui rassemble trois mutuelles régionales : la SMEREP dont le siège social est à Paris, la SMESO dont le siège social est à Toulouse et la MGEL dont le siège social est à Nancy.
Les errements d’une équipe dirigeante, fût-elle celle de la plus importante des mutuelles étudiantes, ne sauraient suffire à justifier la remise en cause du régime étudiant de sécurité sociale.
En commission ou dans l’hémicycle, plusieurs membres de votre Commission ont d’ailleurs relevé les risques d’un tel amalgame. Un article paru dans Le Monde du 24 avril dernier titrait d’ailleurs sur les dérives de gestion des mutuelles étudiantes et faisait référence aux conclusions du rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF dont nous regrettons vivement de n’avoir pas été destinataires à ce jour.
Nous avons donc partagé la crainte de certains parlementaires de voir ces affaires devenir le prétexte à une uniformisation du régime étudiant, mais nous sommes heureux que le débat parlementaire ait pu fournir au ministre de l’Emploi et de la solidarité l’occasion d’affirmer sa volonté de maintenir le pluralisme de la mutualité étudiante.
Dans un second temps, cependant, nous avons saisi tout l’intérêt qu’il pouvait y avoir à ce que la représentation nationale fasse le point sur le bien fondé et les conditions de gestion du régime étudiant de sécurité sociale. Ce dernier est d’origine parlementaire puisque ce sont trois propositions des trois plus grands groupes parlementaires de l’époque (MRP, SFIO et Parti communiste français) qui, en 1948, en ont jeté les bases.
Cinquante ans après sa création, le régime étudiant est à la croisée des chemins : sur ce point, nous rejoignons les conclusions du rapport de la Cour des comptes, sur lesquelles je ne reviendrai pas dans ce propos liminaire. Vous avez pu, je l’espère, prendre connaissance des réponses de nos mutuelles !
Pour tout dire, j’ai eu initialement l’intention de répondre aux premières conclusions du rapport de la Cour des comptes, mais après avoir suivi attentivement, dans l’hémicycle, le débat sur la couverture maladie universelle, j’ai pris toute la mesure de l’ampleur du sujet.
Il m’a alors semblé que, compte tenu des objectifs et des moyens assignés à la couverture maladie universelle, celle-ci allait bouleverser profondément le régime étudiant dans la mesure où la CMU va concerner tout particulièrement les bénéficiaires du régime étudiant.
Il m’est donc apparu - indépendamment des questions qui se posent sur la situation actuelle et sur les errements et les dérives constatées par la Cour des comptes - que nous sommes plus que jamais à la croisée des chemins et que toute l’architecture que nous pourrons bâtir à l’issue des travaux de votre Commission devra prendre en compte l’incidence de la couverture maladie universelle, qui va profondément modifier l’ensemble de l’assurance maladie.
La seconde évolution est liée à la mise en place du système Sésame vital qui va changer profondément la définition de notre rôle, notamment en ce qui concerne l’affiliation et l’immatriculation des assurés sociaux. Il nous semble important d’anticiper sur ce point et je me félicite que la représentation nationale ait décidé de se saisir de ce dossier pour voir comment le régime étudiant peut répondre à ces évolutions.
Je crois qu’il convient effectivement, aujourd’hui, de se poser d’abord la question de la pertinence de l’existence d’un régime spécifique pour les étudiants et ensuite de s’interroger, à l’aune des évolutions que je viens de citer, sur les modifications législatives, peut-être importantes, qui s’imposeraient.
Je crois important, cinquante ans après, de rappeler que le législateur a voulu confier la gestion du régime à ses bénéficiaires, dans le droit fil des ordonnances de 1945 qui confiaient aux salariés une part importante de la gestion du régime de protection sociale.
Il m’apparaît important aujourd’hui de conserver ce rôle pour deux raisons.
Premièrement, nous nous adressons à une population de deux millions d’étudiants qui a besoin d’être représentée. Elle l’est par ses organisations étudiantes, présentes dans l’ensemble des structures de concertation dans l’enseignement supérieur et, plus largement, dans d’autres structures, mais il est certain que le fait que les étudiants aient en charge la gestion de leur régime de protection sociale est un élément important de la légitimation de l’ensemble des élus étudiants, qu’ils soient associatifs, syndicalistes, ou mutualistes.
C’est là un élément que je juge essentiel pour la mutualité, surtout au moment où nous allons devoir transposer les directives européennes. Ce problème concerne plus largement l’ensemble de la mutualité mais nous verrions avec tristesse remettre en cause la légitimité originelle des gestionnaires du régime étudiant comme, éventuellement, par extension, celle des organisations syndicales au sein des régimes paritaires car cela reviendrait à ouvrir une brèche !
Deuxièmement, nous sommes aujourd’hui confrontés à une précarité étudiante qui se développe - je pense, puisque vous les avez auditionnés, que Mme Demichel et M. Lévy ont dû vous parler des problèmes sanitaires et sociaux des étudiants - dont nous-mêmes avons pris conscience relativement tardivement du fait de son apparition soudaine : on assiste, actuellement, à des situations que moi-même, qui ai quitté il y a assez peu de temps l’université, n’ai pas connues. La couverture maladie universelle va répondre en très grande partie à cette question, ce dont nous nous réjouissons mais il est évident que - et je crois que cela fait également partie de l’architecture de la CMU - tout le volet prévention constituera dans les années à venir pour l’ensemble des organismes gestionnaires d’un régime obligatoire et d’un régime complémentaire, une tâche énorme à accomplir.
Or, cette prévention sera d’autant mieux assurée qu’elle sera préconisée par les représentants des étudiants eux-mêmes. C’est là un point très important qui vient encore justifier la corrélation que je vous propose d’établir entre les travaux de cette Commission et ceux qui sont engagés sur la CMU.
Quoi qu’il en soit, on constate aujourd’hui un certain nombre de carences, notamment en ce qui concerne la lourdeur du système, relevée par la Cour des comptes, sur lesquelles nous pouvons faire des propositions. Je soulignerais tout d’abord, sur cette question, la volonté des acteurs qui ne fait pas défaut, qu’il s’agisse des caisses primaires, de la Caisse nationale, des établissements d’enseignement supérieur ou de nous-mêmes, face à une situation difficile.
Les services des établissements d’enseignement supérieur se trouvent progressivement dépassés par l’ampleur de la réglementation sur les régimes sociaux et sur le régime étudiant en particulier. Il s’agit d’une question technique, mais lorsqu’on avait imaginé cette gestion du régime, en 1948, il y a avait 50 000 étudiants contre 2 millions aujourd’hui, ce qui confère une autre ampleur au problème, alors que la période de la rentrée universitaire n’étant pas extensible, elle s’étend toujours sur trois mois.
Il nous semble donc important de confier aux gestionnaires du régime étudiant, c’est-à-dire aux mutuelles étudiantes, une part importante des fonctions qui sont aujourd’hui attribuées aux établissements d’enseignement supérieur. Cette gestion est très lourde pour eux et la mise en place de la CMU n’allégera pas la tâche.
Je pense que nous serions à même d’apporter une contribution efficace en liaison avec les caisses primaires, avec lesquelles nous ne nous situons nullement dans une logique d’affrontement mais bien plus dans une logique de partenariat.
A cet égard, nous avons d’ailleurs constaté, notamment ces deux dernières années, une évolution notable de nos relations avec les Caisses primaires, tant au niveau des conseils d’administration qu’à celui des services, qui ont bien compris tout l’intérêt qu’il y avait à travailler en collaboration puisque nous avons des légitimités et des approches différentes.
Ils ont également pris conscience qu’il n’était pas si simple de gérer le régime étudiant. Je crois que, pendant longtemps, parce qu’ils avaient une pratique du métier et que, notamment Sésame vital faisait peser un certain nombre de craintes sur les personnels, les services des caisses primaires d’assurance maladie ont eu la tentation de récupérer la gestion du régime étudiant, pensant que serait autant d’activités qui permettraient de justifier le maintien d’un certain nombre d’emplois. Je crois, parce que Sésame vital est certainement plus complexe à gérer qu’on ne l’avait pensé au départ qu’il y a, aujourd’hui, du travail pour tout le monde.
Nos rapports ont donc considérablement évolué et nos travaillons beaucoup en partenariat, même si, çà et là, quelques difficultés persistent.
Pour remédier à cette lourdeur, des modifications législatives peuvent donc être apportées pour redonner plus de place aux mutuelles étudiantes.
Le rapport de la Cour des comptes ayant relevé la difficulté de mettre en cohérence les cotisations versées aux établissements et reversées par la suite aux URSSAF et la réalité des personnes gérées, nous avions envisagé, mais c’était avant le débat sur la CMU, de proposer la gestion par les mutuelles étudiantes de leur cotisation sociale par paiement fractionné, de façon à permettre aux étudiants de ne pas avoir des frais trop importants au moment de la rentrée universitaire.
Cette proposition nous semble aujourd’hui devoir être atténuée dans la mesure où nous mettions alors en corrélation l’ensemble des frais de rentrée universitaire dont la cotisation à une garantie complémentaire constitue, nous le savons, une part importante. Or, avec la CMU, nos effectifs de mutualistes vont baisser de manière très importante puisqu’il n’y a pas de raison que des étudiants qui bénéficient d’une couverture gratuite s’acquittent dorénavant chez nous d’une couverture complémentaire et que ceux qui ne bénéficieront pas de la CMU seront dans une situation financière relativement correcte. Ce problème se trouvera donc largement atténué mais cette piste peut être conservée.
J’en viens maintenant à la question du financement et de la rémunération des mutuelles étudiantes. N’ayant pas eu communication de l’intégralité du rapport de l’IGAS et de l’IGF - j’ignore si, comme la presse, vous en avez été destinataires - je n’ai pas connaissance de l’ensemble du processus qui a conduit à justifier la somme de 260 F annoncée par Le Monde, comme étant le coût unitaire d’un étudiant géré.
A la lecture des travaux de la Cour des comptes et d’un certain nombre d’études que nous avons réalisées au niveau interne, je crois comprendre que le grand reproche fait aux mutuelles étudiantes est un manque de clarté, un manque de transparence et - d’après ce que j’ai lu dans la presse - l’absence de comptabilité analytique.
Sur ce point, je m’inscris en faux : si nous n’avons pas la comptabilité analytique, préconisée par la CNAM pour les caisses primaires, ce n’est pas par mauvaise volonté mais c’est tout simplement parce qu’elle est impossible à mettre en place, les caisses primaires aujourd’hui ne gèrent pas un régime complémentaire mais seulement un régime obligatoire. D’ailleurs, la Cour des comptes a pu le constater. D’après les éléments qui me sont parvenus suite aux contrôles de l’IGAS et aux entretiens que ses représentants ont eus avec nos mutuelles membres, eux-mêmes ne seraient pas parvenus à mettre en place une telle comptabilité.
Dans ces conditions, si nous pouvons approcher la réalité des coûts de manière plus précise que cela n’a été le cas jusqu’à présent, il serait néanmoins irréaliste de prétendre que nous serions capables de distinguer très précisément dans nos comptes ce qui relève de la gestion du régime obligatoire et ce qui relève de la gestion du régime complémentaire !
Je vous citerai un exemple très précis : lorsque nous avons une agence dans une ville universitaire et que nous gérons et le régime obligatoire et le régime complémentaire, il nous faut des locaux, mais si nous avions à gérer le seul régime obligatoire, il en irait exactement de même : ils ne seraient ni plus grands, ni plus petits ; le montant de la facture électrique serait identique, et il est donc extrêmement difficile de donner des clés de répartition.
Nous avons quelques données - nous savons aujourd’hui que les frais de personnel concernent 85 % des frais de nos structures - et par ce biais nous pouvons approcher au plus juste le coût du régime étudiant.
Vous me permettrez d’ouvrir une parenthèse : on se pose la question de savoir si le régime étudiant est payé au juste coût ce qui est, certes, un élément important, mais je tiens tout de même à préciser que toutes les études qui ont été menées - et la CNAM l’a reconnu dans une commission de gestion, en 1996 - prouvent que nous coûtons moins cher qu’une caisse primaire, toutes choses étant égales par ailleurs.
Effectivement, il y a eu des approches différentes et des chiffres différents ont été avancés au cours des dix dernières années, mais il n’empêche que c’est un constat. Fréquemment, on nous dit que c’est normal puisque nous gérons une population en meilleur état de santé, plus jeune et qui consomme donc moins.
Lors d’une étude très récente, dont les résultats m’ont, d’ailleurs, moi-même surpris, nous avons constaté qu’il y a quatre ans, seulement six étudiants sur dix bénéficiaient au moins d’un remboursement annuel - ce qui signifie que quatre étudiants sur dix figuraient dans le fichier mais ne demandaient aucun remboursement - contre plus de neuf étudiants sur dix aujourd’hui, ce qui prouve que la consommation médicale étudiante, parallèlement à la consommation médicale nationale, a progressé de manière significative.
Nous sommes confrontés à cette progression de la consommation médicale des étudiants, notamment dans le domaine psychologique ou psychiatrique qui constitue un phénomène très important assez mal connu et mal perçu et sur lequel je pense qu’il nous faudra travailler ensemble.
Aujourd’hui, il convient de le considérer comme une des conséquences de la démocratisation de l’enseignement supérieur - que je ne regrette en rien, pour ma part - tant il est vrai que des populations nouvelles arrivent à l’université, qui n’ont pas les repères pédagogiques, qui n’ont pas les repères culturels qu’ont pu avoir les générations précédentes. Il s’ensuit un mal-être des étudiants qui s’accompagne d’une automédication que nous ne maîtrisons pas et de problèmes psychologiques très importants.
Ce mal-être étudiant que l’on ne sait pas encore trop comment traiter, est très dur à vivre individuellement. Il entraîne des prises en charge onéreuses et représente des sommes importantes, y compris avec des solutions telles que l’ALD, et ne doit pas être omis dans le panier de soins de la CMU.
Pour en revenir à la définition du coût de gestion, j’insiste sur le fait que nous coûtons globalement moins cher que les caisses primaires.
La Cour des comptes a établi les coûts, sur l’année 1996-1997 et a constaté que nous rendions un service tout à fait comparable à celui des caisses primaires - dont acte - mais que les remises de gestion avaient augmenté de manière considérable ces dernières années, ce qui est vrai.
Mais si les pourcentages d’augmentation ont été forts sur les trois ans précédant 1996, c’est tout simplement parce qu’il y a eu à régler le problème de la discrimination entre la MNEF et les mutuelles régionales. A ce propos, je me réjouis une fois encore que la représentation nationale dans son ensemble ait mis un terme à cette discrimination, même si nous regrettons que cela ait pris autant de temps et nécessité l’intervention du Parlement pour y parvenir.
Il faut en effet rappeler qu’entre 1985 et 1995, les mutuelles régionales, toutes choses égales par ailleurs si l’on compare les effectifs, ont perçu par rapport à la MNEF 150 millions de francs de moins, ce qui n’était pas négligeable et que, s’il y a eu rattrapage à partir de 1995, une première tranche de 13 millions de francs a été votée entre 1992 et 1993 avec alignement du montant des remises de gestion sur le montant accordé à la MNEF, c’est à la suite d’une décision politique, les mutuelles régionales n’ayant pour leur part demandé que l’égalité de traitement.
Il faut également souligner que cette année 96-97 est particulière puisque c’est celle où est intervenu le vote sur les ayants droit majeurs autonomes, qui a fait considérablement augmenter nos effectifs, alors que les coûts induits ne figuraient pas encore dans l’intégralité de nos comptes.
Cela a entraîné un certain nombre de décalages puisque nous touchons les remises de gestion dans un délai de plusieurs mois mais qu’elles sont imputées sur l’exercice, ce qui augmente d’autant les revenus sans que les charges ne viennent totalement s’inscrire, en augmentation des coûts de gestion. Il aurait été sans doute préférable de lisser sur deux ou trois exercices cet examen, notamment sur les exercices récents, puisque je tiens à ajouter que, depuis deux ans, nous avons été conduits à faire des investissements lourds, notamment informatiques, pour répondre la mise en place de Sésame vital et du répertoire national de l’assurance maladie, qui sont autant d’évolutions à mettre en œuvre, qui coûtent très cher et pèsent aujourd’hui sur nos revenus.
Si vous le voulez bien, Monsieur le président, je m’arrêterai là car je crains d’avoir été un peu long, mais je suis tout prêt à répondre à vos questions.
M. le Président : J’ai bien entendu qu’en tant que délégué national de la MER, vous représentiez trois groupes : la MGEL, la SMESO et la SMEREP.
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Tout à fait ! J’ajouterai une petite précision : la SMEREP est également membre de l’autre union de mutuelles régionales, l’USEM.
M. le Président : En tant que délégué général, pouvez-vous nous dire quels ont été, pour les trois dernières années, les directeurs généraux de ces trois mutuelles ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Depuis 1996, la MGEL n’a pas de directeur général. A la tête de la SMEREP, M. Christian Doubrère exerce cette fonction, tandis que M. Christian Fardou est, depuis plusieurs années, directeur général de la SMESO.
M. le Président : La MGEL n’a pas de directeur général depuis 1996 ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Non, et ce n’est un secret pour personne : Jean-Luc Warsmann était directeur général de la MGEL ; il a été élu député et, depuis cette date, il n’a pas été remplacé à ce poste. Les élus étudiants ont pris " le relais " et je sais qu’ils sont actuellement en train de recruter un directeur administratif et financier qui ferait fonction de directeur général.
M. le Président : J’aimerais dans un premier temps vous poser quelques questions un peu générales pour aborder progressivement, dans un second temps, des points plus particuliers.
Actuellement, il y a peu d’étudiants couverts par des mutuelles étudiantes. A quoi tient, selon vous, une telle situation ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Effectivement, nous constatons la poursuite de la dégradation du ratio entre le nombre de mutualistes et celui des assurés sociaux. Nous le regrettons et nous l’expliquons par plusieurs facteurs.
Premièrement, il faut se rendre compte qu’en 1948 avec 50 000 étudiants, il n’y avait pas de marché étudiant alors qu’aujourd’hui, avec 2 millions de jeunes, ce marché de l’assurance maladie des étudiants existe pour tous les acteurs économiques intervenant dans ce secteur. Ces derniers, il y a encore dix ans, ne s’intéressaient pas à cette population, ils ont décidé de lui proposer aujourd’hui un certain nombre de produits et nous avons donc à faire face à une concurrence nouvelle.
Les mutuelles et assureurs des mutuelles parentales se servent notamment de l’argument commercial suivant : " nous continuons à couvrir vos enfants ". Ils s’y sont engagés d’abord jusqu’à vingt ans, pour arriver à vingt-six ans aujourd’hui. Or, dans la mesure où certains jeunes sont couverts par la mutuelle de leurs parents, ils ont peu de raisons de faire appel aux mutuelles étudiantes.
Deuxièmement - et nous faisons notre mea culpa -, je crois que nous avons oublié - je dis nous parce que j’estime que c’est également valable pour la MNEF - le discours sur la solidarité, sur l’importance et la signification de l’acte de se mutualiser. Nous avons passé cet aspect sous silence, précisément parce que nous étions dans un système de concurrence à laquelle il nous fallait répondre et que les choix stratégiques étaient sans doute aussi un peu différents.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons plus tenu ce discours-là et les étudiants ont donc eu tendance à estimer qu’à leur âge leur santé ne justifiait pas de prendre des garanties complémentaires et, en évaluant les risques, qu’ils étaient suffisamment couverts par le régime obligatoire.
Troisièmement, nous avons connu un problème, que la Cour des comptes a relevé, de garanties chères ou élevées mais qui s’explique. Nous sommes entrés dans une espèce de cercle vicieux en ayant de moins en moins d’étudiants mutualisés chez nous, alors que tout l’intérêt de la mutualisation est d’avoir le maximum d’adhérents pour mutualiser plus facilement le risque. Dans la mesure où un certain nombre d’étudiants s’estimant les moins exposés à la maladie font le choix de ne pas prendre de garanties complémentaires, il est permis de penser, a contrario, que ceux qui font le choix de se mutualiser savent parfaitement ce qu’ils vont consommer.
Donc, pour respecter nos ratios, nous avons dû fixer le prix de nos garanties assez haut, alors que, dans le même temps, des grands groupes de mutuelles ou d’assurances pouvaient " faire du dumping " sur des produits d’assurance. De plus, contrairement à nous qui n’avons nos adhérents que pendant deux ou trois ans, ces groupes conservent - et c’est d’ailleurs leur ambition - ces étudiants, une fois qu’ils sont salariés et peuvent tabler sur le fait qu’ils auront un taux de cotisation un peu plus élevé.
Quatrièmement, ce phénomène s’explique par des raisons financières, ce qui est, à mon sens, plus grave. En effet, si les étudiants ne prennent pas de couverture chez nous pour des raisons de concurrence, mais qu’ils sont couverts par ailleurs, c’est un moindre mal. En revanche, s’ils n’ont pas de couverture par ailleurs, la situation est beaucoup plus inquiétante et elle se produit, soit pour des raisons économiques auxquelles la CMU répondra, soit parce que certains étudiants ont une sorte de sentiment de surpuissance sanitaire.
Il y a également un paramètre qui intervient de façon importante dans les calculs auxquels les gens se livrent. Entre 1984 et aujourd’hui, le montant de la cotisation de sécurité sociale obligatoire a été multiplié par 3,5, ce qui n’est pas sans effets psychologiques. En effet, lorsque vous payez une cotisation 300 F, la chose passe " comme une lettre à la poste " et se fond quasiment dans les frais d’inscription. Ce n’est plus le cas lorsque la barre des mille francs est franchie. Les étudiants se sont dit : " je paie déjà 1 000 F pour ma garantie obligatoire, si je verse 1 400 F pour ma garantie complémentaire cela va faire un total de plus de 2 400 F, or, qu’est-ce que je consomme, dans l’année, pour ce montant ?... "
Jusqu’à une date récente, nous faisions partie de la commission qui décidait avec les organisations étudiantes et les tutelles, du montant de la cotisation. Nous avions alors tiré la sonnette d’alarme en signalant que nous atteignions des taux très importants et que, s’il était vrai que l’augmentation n’était pas considérable - elle est de 3 % ou 4 % tous les ans - on franchissait néanmoins des seuils psychologiques importants.
J’ajouterai qu’il y a aujourd’hui un projet d’arrêté, soumis à la signature de la ministre, qui exclut les mutuelles étudiantes du processus préparatoire concernant la cotisation étudiante, ainsi que du processus préparatoire à tout projet réglementaire étudiant, ce que nous regrettons amèrement, surtout au moment où votre Commission d’enquête est saisie de cette question.
M. le Président : Concernant les activités des mutuelles, le Code de la mutualité de 1948 est extrêmement large et permet de multiples diversifications. Sur ce sujet, je voudrais connaître votre avis et savoir ce que les mutuelles de votre fédération ont entrepris comme diversifications et si, au vu de celles qui ont eu lieu, il a été décidé un retour en arrière et un recentrage sur vos activités de base.
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Sur la diversification, je distinguerai deux points.
Premièrement, il est vrai, comme vous le disiez, que le Code de la mutualité assigne aux mutuelles un objet très large. Il faut comprendre, en effet, que la mutualité n’est pas une fin en soi mais qu’elle est un mode d’organisation, c’est-à-dire que ce sont des gens qui décident de mettre en commun des moyens pour répondre à un certain nombre d’attentes de leurs adhérents. Le principal problème, à la naissance de la mutualité, était effectivement celui de la santé et, historiquement, nous sommes donc liés à ce contexte. Pour autant, le fait de dire que toute diversification serait une extension et une dérive de l’objet initial de la mutualité constitue, me semble-t-il, un contresens.
Deuxièmement, je soulignerai que cette diversification est relativement ancienne et qu’elle s’est mise en place lorsqu’il a été décidé de procéder à la démocratisation et donc à la massification de l’enseignement supérieur. Dès lors, un certain nombre de problèmes se sont fait jour et notamment celui du logement. Il est très important de se rappeler qu’il y avait à l’époque une énorme pénurie de logements étudiants : les CROUS qui n’avaient pas encore fait leur mue - ils ne l’ont faite que ces dernières années - ont répondu aux besoins plus tardivement que les mutuelles, plus promptes à réagir parce qu’organisées en petites structures à composition étudiante et ne dépendant pas du secteur public.
Quand un conseil d’administration dit qu’il y a un problème parce que les étudiants ne parviennent plus à se loger, qu’est-ce que vous faites ? J’ai suivi mes études à Toulouse et je me souviens parfaitement qu’à l’époque, au moment de la rentrée universitaire, la ville était sillonnée par ce qu’on appelait " les vendeurs de listes " qui proposaient des logements : on mettait des semaines et des semaines avant de trouver un logement et certaines personnes profitaient de cette situation.
Nous avons donc décidé de répondre à cette demande et d’informer un certain nombre d’acteurs et de promoteurs immobiliers qu’ils pouvaient être présents dans ce secteur, sous réserve qu’ils acceptent que nous donnions un label aux constructions. De ce fait, nous valorisions des produits dans le milieu universitaire au moment de la rentrée, sur lesquels nous engagions notre image.
C’est ainsi qu’à Toulouse, nous avons décidé - la solution n’a pas été forcément généralisée - de promouvoir des résidences étudiantes telles qu’elles existent aujourd’hui, de dimensions moyennes, composées de petites studettes et comprenant - c’est un point auquel nous nous sommes attachés - des salles informatiques, des salles de réunions et des salles de sport.
Des voix divergentes se sont exprimées, certaines pour dire qu’il fallait simplement s’occuper de la gestion desdites résidences et d’autres pour dire qu’il fallait mettre un peu d’argent dans la construction.
Par la suite, le marché nous a dépassé largement, mais aujourd’hui, nous ne souffrons plus de pénurie de logements étudiants.
Nous avions connu la même situation, bien avant, dans le domaine de l’assurance, que ce soit l’assurance auto-moto ou l’assurance habitation.
Lorsque nous avons proposé des assurances spécifiques pour les résidences universitaires au tarif de 100 F par an, ce produit n’existait pas encore sur le marché.
Aujourd’hui, on nous reproche, au motif que cela n’était pas notre métier, d’avoir fait de l’assurance, mais il ne faudrait pas perdre de vue que lorsque nous avons proposé des produits en matière d’assurance automobile beaucoup moins chers, personne ne voulait assurer les jeunes conducteurs. Nous étions des pionniers, et ce n’est que par la suite que le marché nous a rejoints même si, effectivement, on peut nous reprocher cette diversification.
Après les remarques de la Cour des comptes et parfois même bien avant, nous étions déjà revenus en arrière. Je me souviens notamment d’une période où les mutuelles étudiantes s’étaient lancées dans le secteur du voyage avec un certain nombre de partenaires. Nous nous sommes rendus compte que cela n’était pas notre métier, que nous avions une certaine connaissance du milieu étudiant mais que nous ne pouvions pas tout faire et nous avons donc décidé d’arrêter.
Il en a été de même concernant l’informatique, à partir des demandes qui s’exprimaient pour répondre à un certain nombre d’attentes telles que Sésame vital ou autres, nous avions développé des services informatiques importants et certaines mutuelles l’ont fait en filialisant. Nous nous sommes aperçus - pas tout de suite évidemment car il y a toujours un certain temps de latence - que ce n’était pas notre vocation, que c’était quelque chose de trop lourd à gérer et que nous devions arrêter cette activité et nous adresser à des prestataires extérieurs.
A la différence de la MNEF, nous sommes des petites structures. Une structure telle que la SMEREP à Paris a un effectif, si je ne me trompe pas, qui est de l’ordre de 100 à 150 salariés. Elle est donc facile à gérer, contrairement à la MNEF qui, avec ses 800 salariés, se trouve confrontée à des problèmes d’une autre ampleur, notamment au moment des prises de décisions et des choix stratégiques.
Certains regrettent effectivement ce morcellement des mutuelles régionales, qui a fait dire que nous ne mettions pas en commun un certain nombre de moyens. C’est exact mais, en même temps, la légèreté de nos structures permet de réagir plus rapidement et ce d’autant que nous n’avions pas les moyens de nous engager lourdement sur de nombreux dossiers.
M. le Rapporteur : Les mutuelles regroupées au sein de la MER relèvent-elles du contrôle de la commission de contrôle des mutuelles ou des préfets de région à travers les services ?
A votre connaissance, y a-t-il eu des contrôles approfondis effectués récemment sur les trois mutuelles que vous représentez et si oui, quelles en sont les conclusions ?
Enfin et plus généralement, que pensez-vous du mode de contrôle des mutuelles et en particulier des pouvoirs de la commission de contrôle ou des préfets de région, relatifs au contrôle des activités annexes filialisées ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Votre première question recouvre deux aspects.
Vous savez que pour que la commission de contrôle des mutuelles et des organismes de prévoyance intervienne, il faut que la mutuelle ait réalisé, soit plus de 150 millions de francs de prestations au cours d’une année, soit qu’elle dispose d’une caisse autonome.
Des trois mutuelles de la MER, seule la SMESO, qui a une caisse autonome, relève de la commission de contrôle, encore que cela reste à vérifier puisque j’ai lu, il n’y a pas très longtemps, que la liste des organismes date de 1992. Nos organismes ont grossi depuis et je pense que certains d’entre eux, qui pourraient donc relever de la commission de contrôle, n’en dépendent pas du fait du retard intervenu dans la mise à jour de cette liste.
La SMESO, pour la première fois, je crois, est soumise en ce moment-même à un contrôle dont les conclusions ne sont évidemment pas encore communiquées. Hormis des informations qui nous ont été réclamées, il n’y avait pas eu, jusqu’à ce jour, de contrôle sur place et sur pièces concernant nos institutions.
Pour ce qui est du contrôle des DRASS, je dirai que nous en avons eu peu et qu’ils portaient sur quelques aspects liés à certains points relatifs au respect du Code de la sécurité sociale mais, arrivé relativement récemment dans la structure, je n’en connais pas toute l’histoire. Ces contrôles sont surtout intervenus dans le cadre des travaux préparatoires de la Cour des comptes.
Les contrôles dont nous faisons annuellement l’objet portent essentiellement sur la gestion de l’assurance maladie. Il s’agit là, en revanche, de contrôles très rigoureux des caisses primaires avec lesquelles nous travaillons.
Sur les questions de diversification, je n’ai pas connaissance de conclusions très précises.
M. le Rapporteur : Je crois savoir que vous êtes aussi salarié de la SMESO ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Vous êtes bien informé puisque je suis salarié à mi-temps de la MER et de la SMESO.
M. le Rapporteur : La concurrence à laquelle se sont livrées les mutuelles régionales et la MNEF semble avoir abouti, d’après ce qu’on peut lire dans le rapport de la Cour des comptes, dans celui de l’IGAS et dans un certain nombre d’enquêtes administratives qui ont eu lieu, à une augmentation extrêmement importante, au cours des dernières années, des frais de communication et de promotion. Une part très significative des revenus des mutuelles étudiantes provient de l’acte d’affiliation qui, sans être forcément, et on l’a vu tout à l’heure, très en rapport avec un acte d’adhésion, permet néanmoins à une mutuelle d’avoir un certain nombre de ressources. Or, il semblerait, aux dires de l’IGAS, que ces frais de communication, par rapport à ce qu’on pourrait appeler " la marge mutualiste ", qui représente le rapport entre ce que vous percevez en termes de cotisation mutualiste pour la protection complémentaire et ce qui est réellement dépensé, soient extrêmement importants puisque, d’après nos renseignements, ils s’élèveraient, par rapport à cette marge mutualiste à 68 % pour la MNEF, à 36 % pour la SMEREP, à 70 % pour la MGEL, et à 45 % pour la SMESO.
Sans être nécessairement comparables, ces chiffres montrent malgré tout que les frais de communication par rapport à la marge mutualiste sont très importants, ce qui pourrait signifier qu’ils ont pu être en partie financés par les remises de gestion : c’est du moins la thèse que l’on pourrait développer ....
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Sur cette thèse, je ferai deux observations.
Premièrement, concernant les frais de communication, je soulignerai que le journal Le Monde - c’est la source à laquelle que je me réfère, puisque je n’ai pas été destinataire du rapport de l’IGAS - note que les frais de communication sont effectivement, à la MNEF, de 51,2 millions de francs pour 850 000 assurés sociaux - je mets à part les mutualistes, mais comme c’est relativement marginal et de toute façon comparable, les ordres de grandeur ne varieront pas - soit en moyenne 70 F par assuré, tandis qu’ils s’élèvent pour l’ensemble des mutuelles régionales à 28,8 millions de francs pour 750 000 assurés, ce qui fait passer la moyenne aux alentours de 40 F. C’est une différence qui est assez notable pour la souligner !
Deuxièmement, s’agissant de la marge mutualiste - je tire mes informations cette fois du rapport de la Cour des comptes - celle de la MNEF est évaluée à environ 3 millions de francs, celle de la SMES0 à 13,7 millions de francs, celle de la SMEREP à 5 millions de francs, et celle de la MGEL à 6 ou 7 millions de francs - ce qui porte à 25 millions de francs le total pour nos seules trois mutuelles à comparer avec les 3 millions de francs de la MNEF. Je ne veux pas répondre pour la MNEF, mais il apparaît énorme d’attribuer à la SMESO - et c’est un différend que nous avons avec la Cour des comptes - 45 % de frais de communication sur le régime obligatoire avec une marge mutualiste de 13,7 millions de francs : nous ne comprenons toujours pas comment ce chiffre a été trouvé.
En outre, on trouve beaucoup de choses sous le vocable de frais de communication. Je me référerai une fois de plus à l’article du journal Le Monde qui, citant le rapport de l’IGAS, fait état de la " multiplicité des sommes modiques de communication de la MGEL ". Il nous semble y avoir une antinomie entre " somme modique " et " multiplicité " mais, au-delà, il faut voir que nous sommes totalement immergés dans le monde étudiant et notamment, dans le milieu associatif, et que nous aidons énormément toutes les initiatives étudiantes.
Dans ces conditions, effectivement, pour répondre d’ailleurs à certain nombre de remarques des tutelles, nous avons inscrit des sommes en subvention, à la suite de quoi on nous fait remarquer que c’était inapproprié puisque notre logo figurait sur les documents proposés lors des manifestations et qu’il fallait les réintégrer en dépenses de communication, ce qui a immédiatement fait gonfler les montants affectés à cette ligne.
Il n’en demeure pas moins vrai que les frais de communication sont importants, mais que nous sommes dans un système concurrentiel, à la différence d’autres structures délégataires d’un régime obligatoire, qui n’y figurent pas, ou très marginalement.
Il faut également considérer que ces dépenses de communication représentent in fine des services rendus à l’étudiant. En effet, sous ce compte nous avons mis - et je reconnais qu’on peut nous le reprocher - comme en atteste encore une fois l’article du Monde, les partenariats passés avec un certain nombre d’entreprises telles que Mac Donald, partenariats partagés puisqu’il y avait aussi des accords MNEF-mutuelles régionales avec cette firme...
Il faut savoir que nous payons, et souvent cher, l’accord avec Mac Donald pour offrir des réductions très importantes aux étudiants. On peut le regretter puisqu’on nous a fait savoir que, pour la santé, la formule n’était pas idéale, ce que j’admets, partiellement toutefois, car cela correspond à une demande des étudiants. C’est également vrai dans un tas d’autres domaines. C’est le cas, par exemple, lorsque nous prenons en charge un certain nombre d’opérations de communication pour obtenir des réductions sur des places de cinéma. Si des réductions sont consenties par les groupes UGC ou autres - je les cite de mémoire - c’est parce qu’en échange, nous acceptons de prendre en charge un certain nombre de frais de communication. Donc, nous ne faisons pas de la communication pour faire de la communication, mais bien pour rendre un certain nombre de services à l’étudiant. En outre, je tiens à signaler que toutes nos campagnes de prévention, que nous aurions sans doute dû mieux identifier comme telles, apparaissent en frais de communication au motif qu’elles nécessitent l’édition d’un certain nombre de brochures et de plaquettes, ce qui n’est pas tout à fait juste !
Je crois donc qu’il faut tenir compte de tous ces aspects.
M. le Rapporteur : Est-ce que ce type de partenariats se poursuit ou se développe ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Non, je pense qu’il est plutôt en régression. Nous avons pris conscience, de nous-mêmes, de cette dérive commerciale, non seulement parce que certains s’y sont opposés pour des raisons de principe, mais également parce que nous avons constaté qu’elle était commercialement contre-productive dans la mesure où elle brouillait totalement notre image. Il était donc temps de faire marche arrière ! Cette prise de conscience coïncide effectivement avec le moment où la Cour des Comptes et vous-mêmes vous êtes saisi de cette question, mais nous avions un peu anticipé. Cela étant, la Carte Jeune qui propose de plus en plus de réductions est quand même bien une initiative de l’Etat : on se dit, par conséquent, que notre démarche partenariale n’est pas, non plus, totalement illégitime.
M. le Rapporteur : Dans le rapport conjoint de l’IGAS et de l’IGF que vous n’avez manifestement pas reçu, mais qui a été distribué aux commissaires de cette commission d’enquête, il est fait état d’actions dites " de communication ", un peu coûteuses de la SMESO, telles qu’en 1996-1997, la réalisation de matériel promotionnel à Hong Kong et à l’île Maurice qui semblerait avoir nécessité l’envoi sur place de plusieurs responsables chargés de superviser l’opération.
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Je ne suis ni président, ni directeur général de la SMESO et si vous envisagez de les auditionner, je pense que vous pourriez leur poser la question mais je vais, néanmoins, vous répondre.
Je connais ce problème puisque je suis salarié de cette maison.
Concernant l’île Maurice, il faut savoir que la SMESO est habilitée à gérer le régime étudiant de l’île de la Réunion - ce qui n’est pas tout à fait effectif, en raison des problèmes internes de la caisse de sécurité sociale de l’île de la Réunion, que connaissent les gens qui s’intéressent un peu aux DOM, qui paralysent complètement depuis deux ou trois ans son fonctionnement. Pour ce faire, nous nous rendons une ou deux fois par an sur place.
Or, il se trouve que nous avons profité de l’un de ces déplacements, sachant comme tout le monde que les coûts de fabrication de certains produits sont moins élevés à l’île Maurice qui se trouve à quarante-cinq minutes de vol de l’île de la Réunion, pour y envoyer un salarié étudier ce qui pouvait s’y faire. Vous pourriez nous faire la remarque que nous ne défendons pas l’industrie française, mais je crois que tout le monde aujourd’hui est confronté à cet état de fait.
Du fait de l’éloignement, nous nous sommes d’ailleurs aperçus que c’était un projet difficile à gérer puisque nos commandes n’étaient pas prises en compte assez rapidement. C’est donc une solution qui n’a pas été retenue. Il faut donc bien comprendre que les frais de déplacement ont été assez limités ...
Pour ce qui a trait à Hong Kong, nous avions, pendant quatre ou cinq ans, à l’occasion de la campagne de rentrée - offert à tous les étudiants adhérents des agendas.
La première année, comme nous trouvions le produit assez intéressant, nous avions fait appel à un certain nombre de structures de ventes de ce produit en France où personne ne les fabrique. Parallèlement, nous avons eu connaissance d’un salon, à Hong Kong, qui présentait une gamme de ces objets pour un prix unitaire tel qu’il devenait plus avantageux de les commander sur place que de passer par des intermédiaires français et le volume de fabrication était important puisque la SMESO comptait à l’époque entre 45 000 et 50 000 adhérents. Le seul ennui était qu’il fallait nous montrer très vigilants pour obtenir la même qualité de fabrication que celle de nos industries et que - tel a été le cas notamment la première année - le manque de confiance nous obligeait à envoyer des salariés vérifier la qualité de la livraison avant son envoi sous containers.
Je tiens quand même à dire qu’il n’y a eu que cinq voyages effectués au cours de ces années, ce qui équivaut à la somme de 32 000 F, ce qui, étalé sur plusieurs années, nous semble très modique.
M. le Rapporteur : Nous avons vu, lorsque nous avons étudié les rapports sur la MNEF que cette dernière entretenait des relations très proches avec un syndicat étudiant, l’UNEF-ID, qu’elle subventionnait d’ailleurs, ainsi qu’avec d’autres organisations syndicales étudiantes avec lesquelles elle conduisait une politique de communication.
Au niveau des mutuelles régionales, est-ce que le même type de système, par rapport aux organisations étudiantes existe, et comment fonctionne-t-il ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Il n’est pas identique et cela pour plusieurs raisons.
Il faut, je crois, rappeler d’abord que nous sommes, nous, issus essentiellement des corporations d’étudiants en médecine, en pharmacie, en droit et en dentaire, qui sont très morcelées. Quiconque connaît un peu le syndicalisme étudiant vous confirmera que c’est un mouvement qui ne s’est jamais fédéré de façon importante au niveau national ce qui explique notre morcellement et la régionalisation de nos mutuelles.
Par conséquent, nous sommes beaucoup plus près du terrain et nous aidons - nous le reconnaissons très volontiers - les associations à la base : c’est un système dont je dirai qu’il est très subsidiaire ce qui n’empêche pas la MER d’entretenir aussi un certain nombre de relations avec des structures nationales, notamment avec la FAGE, mais aussi avec des associations monodisciplinaires, type Association nationale des étudiants en médecine de France, en pharmacie, droit ou autres, pour des sommes il est vrai qui ne sont pas comparables à celles de la MNEF, encore qu’il conviendrait peut-être de faire la consolidation de ce que toutes les mutuelles ont apporté ce qui n’est pas simple, d’autant que simultanément la MNEF apporte une aide locale.
Cela étant, nous n’aidons pas à hauteur de 1 million de francs, chiffre qui, je crois, a été relevé pour l’UNEF-ID, les structures avec lesquelles nous travaillons.
M. le Président : Je terminerai sur le problème du contrôle en vous posant deux sortes de questions.
Il y a actuellement cinq contrôles. Seriez-vous favorable à ce que, en dehors de l’IGAS, un contrôle général puisse s’exercer et quel contrôle vous semble le plus approprié ?
Par ailleurs, faut-il que les conseils d’administration s’ouvrent, en particulier sur la CNAM et, éventuellement, sur un certain nombre d’organismes du monde universitaire ou étudiant ? Par exemple : seriez-vous disposé à ouvrir les conseils d’administration à des personnes extérieures comme des représentants de la CNAM, cela pourrait-il empêcher d’éventuels dysfonctionnements ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : D’abord, malheureusement ce n’est pas parce qu’il y a des tutelles dans les organismes que celles-ci empêchent forcément les dérives : on l’a vu avec certaines grandes banques mais, néanmoins, je ne me défausserai pas sur cette question.
Pour ce qui est du nombre d’organes de contrôle, ainsi que je l’ai dit dans mon propos liminaire, je pense que la CMU va changer beaucoup de choses et que la place et de la CNAM et des Caisses primaires dans le contrôle va être significativement élargie puisque notre activité de mutualistes purs va être considérablement réduite et que nous n’allons plus nous déplacer dans la " gestion obligatoire ". En effet, même si la CMU relève des deux secteurs, je pense que nous allons vers un contrôle plus approfondi de la CNAM et des caisses primaires, ce qui va pas aller sans nous poser de problèmes dans la mesure où nos financements provenaient des garanties mutualistes, et notamment de la marge mutualiste qui va disparaître.
Il est évident que les sommes que nous allons recevoir au titre de la gestion des étudiants CMU vont relever du régime obligatoire et se trouver soumises au contrôle de la tutelle. Il est clair que la CMU va - et personnellement je considère que c’est un bien - effectivement nous obliger à nous recentrer.
Je reste convaincu que les sommes que l’on a pu constater en dépenses de communication vont être largement réorientées en dépenses de prévention, ce dont, personnellement, je ne peux que me réjouir fortement.
Sur la question de savoir qui est le plus à même d’exercer les contrôles... personnellement, j’ai rencontré les responsables et de la Cour des comptes, de l’IGAS et de l’Inspection des finances et, si je peux me permettre de le dire, j’ai beaucoup aimé travailler avec Luc Machard à la Cour des comptes, mais ce n’est pas la mission de la Cour des comptes que de contrôler toutes les mutuelles.
Aujourd’hui, j’ignore si le contrôle des DRASS est le plus approprié, la mutualité est un milieu particulier et les DRASS ont l’habitude de contrôler des organismes totalement publics. Or, il me semble que lorsque le public et le privé se trouvent mêlés, il faut des gens familiers de cette structure mixte un peu particulière : c’est une évidence ! Peut-être que la Commission de contrôle étendue à nos organismes pourrait constituer une solution.
Cela étant, ainsi que je vous l’ai dit , je pense que les dérives provenant de l’élargissement des activités seront moins nombreuses car, très honnêtement, je pense qu’avec la CMU, notre champ va considérablement évoluer.
M. le Président : Pardonnez-moi de vous interrompre mais que pensez-vous de l’application du Code des marchés publics à la mutualité ?
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Cela me paraît difficile, parce que les structures mutualistes sont des structures privées, ce qui rend la chose compliquée. En outre, je ferai remarquer que ce n’est pas parce que nous ne sommes pas soumis au Code des marchés publics que, sur les grands marchés, nous ne procédons pas à des appels d’offres. Lorsque la Cour des comptes est venue, elle s’en est inquiétée. Qu’on améliore les choses en fixant des règles un petit peu plus claires, cela s’impose : nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, réfléchissent à une réforme du Code de la mutualité. Les changements devraient, à mon sens, plutôt s’inscrire dans le cadre d’une telle réforme, qui concernerait tout le monde et non pas les seules mutuelles étudiantes !
M. le Président : Effectivement, une telle modification s’appliquerait à l’ensemble des mutuelles.
M. Pierre-Yves LE DOEUFF : Pour les gros marchés, nous procédons à des appels d’offres - nous l’avons fait notamment pour la communication et l’informatique - car il est clair que nous ne sommes pas là, non plus, pour dépenser outre mesure.
Pour ce qui a trait à l’ouverture des conseils d’administration, je vous avoue que je suis un petit peu gêné parce que nous tenons à conserver quand même notre indépendance, à moins d’obtenir une large réciprocité qui n’est pas forcément acquise.
Les textes d’ailleurs prévoient, à l’article L. 381, que nous devrions être consultés par les caisses primaires et la CNAM avant toute prise de position qui nous concerne ce qui, actuellement, n’est pas le cas. La CNAM n’applique pas les textes sur ce point.
Nous voulons bien nous ouvrir mais, de l’autre côté, il faudrait aussi une plus grande ouverture, je rappelle quand même qu’avec 2 millions d’étudiants nous pesons un certain poids.
Sur la présence de personnalités, de recteurs ou leurs représentants, c’est une chose qui est déjà prévue dans les textes sur les sections locales universitaires, à ceci près que nous avons la plus grande peine à les faire fonctionner. Ces sections sont constituées mais les textes ne disent strictement rien sur leur pouvoir et leurs compétences. J’ai lu dernièrement la jurisprudence et la doctrine sur ce point, notamment une thèse qui remonte à 1958 mais qui est intéressante, et qui dit globalement que l’on ne peut pas confier à une section locale le rôle de gestionnaire de la mutuelle : dans ces conditions, quel rôle lui confier ?
Pour ce qui nous concerne, nous avons imaginé, à la SMESO, une formule que nous sommes en train de mettre en place afin de voir, avec les acteurs présents, c’est-à-dire le représentant de la caisse primaire et celui du recteur, ce qu’il est possible de faire, notamment sur les questions de prévention, entre les actions menées par les caisses primaires et les nôtres, et, ainsi, mieux travailler.
De là à ouvrir largement le conseil d’administration des mutuelles, il y a un pas qui me paraît d’autant plus difficile à franchir que, dans ce cas, et vous en êtes d’accord, c’est aussi le Code de la mutualité qu’il faudrait transformer pour l’ensemble de la mutualité ce qui serait, à mon sens, assez difficile, encore que nous serions prêts à y travailler : pourquoi pas ?... Pour ce qui concerne nos conseils d’administration, nous ne nous situons pas dans un champ clos.
M. le Président : Monsieur le délégué général, je vous remercie pour cet entretien qui nous a beaucoup apporté. Soyez certain que la commission d’enquête saura tirer profit de vos observations.
Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr
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