Présidence de M. Alain TOURRET, Président

MM. Johanet et Phélippeau sont introduits.

M. le président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, MM. Johanet et Phélippeau prêtent serment.

M. le Président : Au cours d’un exposé liminaire, vous pourrez nous présenter votre approche de ces problèmes et nous exposer votre sentiment sur le régime étudiant de sécurité sociale, ses atouts, ses faiblesses, sur la façon dont il peut être conforté, s’il faut le conforter, les axes de réforme que vous préconisez ainsi que les problèmes qui se posent, tant au niveau national qu’européen.

Je souhaiterais, en particulier, que vous abordiez la question de l’organisation de ce régime, de son coût ainsi que le rôle des différents partenaires, leur concurrence, etc.

M. Gilles JOHANET : Monsieur le président, vous m’avez invité à faire un exposé liminaire. Il sera très bref. Puisqu’il n’y a absolument rien de défendable dans le système actuel de gestion de la sécurité sociale étudiante, il n’y a pas lieu de perdre son temps.

Tout d’abord, c’est un système dont nous ne sommes pas maîtres. C’est sa caractéristique première. Je n’utiliserai pas naturellement le mot qualité. Vous connaissez l’arrêté de 1992. Vous connaissez la loi de 1995. Le montant des remises de gestion est fixé par l’Etat. Ce montant est non seulement uniforme mais il est surtout, point capital majeur qui pourrit la totalité du dispositif, déconnecté de la réalité des coûts de gestion et n’a pas à être justifié par les bénéficiaires de cette provende.

La deuxième caractéristique de ce système est sa totale opacité qui lui permet très logiquement de subsister. Considérer que l’assurance maladie ne peut en aucun cas refuser la création de sections locales universitaires ni, bien entendu, a fortiori remettre en cause le principe de cette délégation de gestion dépasse l’entendement. Cette situation surréaliste est pourtant confortée par des règles d’application qui font, par exemple, qu’une section locale universitaire peut être créée de droit dès lors qu’il y a mille étudiants dans une circonscription de caisse. A partir de ce seuil théorique de mille étudiants, on peut créer une, deux, voire dix sections locales universitaires, sachant, évidemment - et c’est la disposition ultime qui assure la complétude de ce dispositif ! - que cette section locale universitaire peut n’être que virtuelle, n’avoir aucune réalité, sauf évidemment financière pour recevoir l’argent de l’assurance maladie.

S’agissant du fonctionnement de ce régime, il est bien évident que la réglementation extraordinairement fouillée qui a permis, à travers ses multiples évolutions depuis des années, d’assurer un traitement financier convenable des sections universitaires, n’a pas été bien contraignante quant à leurs obligations pour la fourniture d’éléments aussi élémentaires que la comptabilité analytique.

J’ai vécu personnellement un épisode extrêmement intéressant, en 1993, quand, avec l’accord du ministre d’Etat, pour calculer les remises de gestion, nous avons obtenu des sections locales étudiantes la possibilité de faire un audit de leurs coûts. Malheureusement, cet accord avait sans doute été donné un peu rapidement, puisque, au vu des résultats de cet audit, qui n’étaient pas entièrement favorables aux mutuelles étudiantes, celles-ci ont alors considéré qu’il était beaucoup plus simple de reprendre leur parole, et de ne pas tenir compte de ce rapport. J’ai pu apprécier, à l’époque, la solidité et la constance de l’engagement de l’Etat, non pas du côté de l’intérêt général, mais de l’intérêt financier des sections locales étudiantes ! Ce souvenir date de 1993, mais il reste pour moi d’une fraîcheur absolue.

Je dirais enfin que ce système n’incite aucunement à l’optimisation de la gestion comme l’IGAS et la Cour des comptes l’ont constaté et comme l’indiquent divers éléments tout à fait probants. On observe, par exemple, que les sections locales mutualistes n’accordent aucun intérêt particulier aux techniques de télétransmission et à ce que l’on appelle dans notre jargon l’interface magnétique puisqu’elles n’ont, effectivement, pas d’intérêt à agir. De ce point de vue là, nous retrouvons une conséquence du fait de n’avoir aucune obligation de rendre des comptes, à qui que ce soit, de l’action menée durant un exercice ce qui n’encourage évidemment pas cette optimisation.

Nous ne sommes pas maîtres de la situation ; le système conduit à une passivité absolue des acteurs ; il n’existe aucune incitation à l’optimisation de la gestion. Une fois énoncés ces trois principes, il est évident que nous ne pouvons que nous rallier à ce que dit la Cour des comptes : le système doit être reconsidéré dans son principe.

Nous aurions la volonté d’optimiser la gestion du système étudiant d’assurance maladie, qui nous coûte à peu près 420 millions par an, si nous faisions gérer ses comptes par les caisses primaires d’assurance-maladie, car cela réduirait les coûts de gestion au minimum de la moitié. Nous serions alors dans un système où l’on voudrait réduire le déficit, optimiser la gestion de l’assurance maladie des étudiants et tâcher d’éviter que, médiatiquement ou politiquement, le service public soit rendu comptable de carences de gestion dont il n’est nullement maître ; il est évident que la Cour a raison de dire que le système devrait être reconsidéré dans son principe.

Si une telle innovation, une telle modernisation apparaissent hors de portée, il serait alors peut-être souhaitable de donner une réalité à cet attachement au principe, proclamé spasmodiquement par l’Etat, du respect de l’autonomie de l’assurance maladie et de permettre, par conséquent, à la CNAM de négocier réellement avec les mutuelles étudiantes. S’agissant de l’affiliation, il faudrait à tout le moins reconnaître le principe de la résiliation quand la section locale universitaire n’existe pas - ce serait un minimum. Il conviendrait, ensuite, en raisonnant à partir des coûts réels, de donner la possibilité à la CNAM de calculer les remises de gestion des sections locales étudiantes exactement comme sont calculées les remises de gestion des caisses primaires afin d’arriver à une équité et une égalité de situation, aujourd’hui hors de portée. Cela nécessiterait, naturellement, d’astreindre sans délai les mutuelles étudiantes à la tenue d’une comptabilité analytique et, tant que celle-ci n’est pas présentée, de pouvoir pratiquer des abattements sensibles sur la remise calculée à partir des coûts réels. Il serait bon, enfin, de prévoir vis-à-vis des mutuelles étudiantes, comme cela existe pour les associations que nous subventionnons, une possibilité de contrôle par l’assurance maladie, sur pièces et sur place, des comptes et de l’existence des sections locales étudiantes.

Monsieur le président, je vous avais dit que mon exposé introductif serait bref, j’en ai terminé.

M. le Président : La teneur de votre discours me conforte dans l’idée qu’il était indispensable pour notre commission de vous entendre.

En premier lieu, je voudrais savoir si la position que vous adoptez au nom de la CNAM, est connue depuis longtemps de votre ministère de tutelle. Est-ce là votre position depuis les derniers rapports de la Cour des comptes et de l’IGAS ou est-ce une position de principe que la CNAM défend depuis longtemps ?

M. Gilles JOHANET : Il ne s’agit pas d’une position a priori. C’est un constat a posteriori établi au vu de ce que nous vivons dans nos relations avec les mutuelles étudiantes.

Je faisais référence à l’audit de 1993. Cet audit traduisait déjà la volonté de prendre en compte les coûts réels et non pas celle d’aligner uniformément vers le haut le montant des remises de gestion comme cela s’est fait à partir de 1985 puis a été conforté en 1992.

Le rapport de l’IGAS ne nous satisfait pas. Dès lors qu’il postule qu’il n’est pas nécessaire de changer les textes, nous éprouvons un véritable malaise, parce que nous considérons pour notre part qu’il faut les modifier radicalement. Bien entendu, lorsque ce rapport indique que la remise de gestion devrait être fixée autour de 270 F si l’on intègre les dépenses de communication - 260 F sans le sponsoring des courses à voile, etc. - au lieu de 320 ou 340 F, c’est mieux que si c’était pire. Nous sommes des pragmatiques, nous préférons 260 F, mais ce n’est pas un changement de nature des relations entre les mutuelles et la CNAM, changement qui doit absolument s’instaurer. Si nous passons, comme nous le demandons, au coût réel, et si nous abandonnons l’uniformité du montant des remises de gestion, nous changeons de logique. Nous passons à une logique du service rendu, nous quittons la logique de rente.

M. le Président : Nous avons pourtant entendu beaucoup de témoins, mais vous êtes les premiers à tenir ce langage. Avez-vous fait part de cette position à votre ministre de tutelle ? Une réflexion allant dans ce sens est-elle conduite au sein d’autres organismes ? Quelle est, à votre avis, l’écoute du ministère à ce sujet ?

M. Gilles JOHANET : Nous venons de recevoir officiellement le rapport de l’IGAS, mais nous n’y avons pas encore répondu officiellement. Par contre, c’est tout à fait logique et ce n’est pas nouveau, il existe des relations de travail, constantes et quotidiennes, entre la CNAM et le ministère, qu’il s’agisse des services ou du cabinet. Le ministère ne peut donc ignorer que, depuis des années, la CNAM continue de trouver ce système radicalement insatisfaisant.

Permettez-moi, monsieur le président, de dire que si ma position est la seule allant en ce sens, c’est peut-être parce que c’est celle du financeur. J’ose croire, par hommage à la logique, que celle du bénéficiaire est différente !

M. le Président : Vous ne manquez pas d’humour à ce sujet.

M. Gilles JOHANET : Cela vaut mieux !

M. le Président : Si des délibérations ont été prises par la CNAM à ce sujet, je souhaiterais les obtenir. De même, je vous demanderais de nous faire parvenir l’audit de 1993, qui sera certainement très instructif pour les membres de la commission.

A quoi sont dues, d’après vous, les dérives dans la gestion des mutuelles étudiantes, s’agit-il de dérives consubstantielles au système ou peuvent-elles être évitées ?

M. Gilles JOHANET : Si l’on ne change pas de système, on ne peut les éviter. Elles sont bien consubstantielles au système. Dès lors que l’on construit un système totalement opaque et ne comportant aucune incitation à optimiser la gestion, il est logique que cette gestion ne soit pas bonne. Dès lors que, d’emblée, on verse une remise de gestion d’un montant supérieur pour de nombreuses mutuelles au coût de la gestion de la part obligatoire, on admet, implicitement mais de façon irréfutable, que des transferts d’une section à l’autre, pour parler de façon économique et non comptable puisque la comptabilité ne reflète pas la réalité, sont légitimes ; légitimes, pas seulement logiques !

La dérive est donc consubstantielle au système.

M. le Rapporteur : D’autres organismes mutualistes bénéficient de remises de gestion de la CNAM et gèrent des régimes obligatoires, le système est-il mieux maîtrisé par la CNAM, y-a-t-il la même opacité ou cette situation est-elle spécifique à la gestion du régime de sécurité sociale étudiant ?

M. Gilles JOHANET : Je ne vous dirai pas que le système des remises de gestion avec les autres mutuelles est entièrement satisfaisant et ne présente absolument aucun problème. Cependant, la spécificité du régime étudiant vient du fait que les remises de gestion ont été calculées à partir du nombre d’étudiants, alors que les étudiants sont des assurés qui n’ont pas un profil de consommation égal à celui des adultes que l’on va trouver à la MGEN ou à la MGPTT. Les jeunes sont des " consommants " plus faibles et ils consomment moins souvent, il va donc y avoir moins de décomptes, a fortiori, de cellules actes. Il y a aussi beaucoup moins d’ayants droit, car peu d’entre eux sont mariés ou chargés de famille. Donc, compter par assuré et non par bénéficiaire, et a fortiori par décompte, c’est-à-dire par nombre de remboursements dans l’année, crée une situation de rente.

Par assuré, les mutuelles étudiantes ne sont pas chères, elles sont même moins chères que les caisses primaires. Certes, dans les mutuelles étudiantes, il peut y avoir quelques assurés " coûteux ", mais il n’y a pas de personnes âgées, ce sont elles qui coûtent très cher en gestion.

Si l’on compare les coûts par décompte, ce qui égalise la situation, les caisses primaires vont de 21 à 25 F et les mutuelles sont à 38 F. L’écart est absolument considérable.

M. Jean-Pierre BAEUMLER : Les mutuelles, en général ?

M. Gilles JOHANET : Non, les mutuelles étudiantes.

M. Jean-Pierre BAEUMLER : Qu’en est-il de la MGEN, par exemple ?

M. Gilles JOHANET : Justement, il est très intéressant de constater que nous avons pour les mutuelles générales, comme pour les mutuelles étudiantes, un plan sur neuf ans de réduction des remises de gestion. Avec les mutuelles générales, nous avons obtenu de bons résultats. La MGEN, par exemple, a remonté d’une vingtaine de place et se retrouve maintenant classée largement dans la première moitié, peut-être même dans les vingt premières caisses.

M. Jean-Pierre BAEUMLER : Concrètement, pour la MGEN, le montant des remises de gestion est-il conforme exactement aux coûts de gestion de l’assuré ?

M. Jean-Paul PHÉLIPPEAU : Non, il n’est pas conforme aux coûts de gestion. M. Johanet disait que le système n’était pas satisfaisant non plus en ce qui concerne les sections locales mutualistes de fonctionnaires. Le contrat de plan pluriannuel étant venu à échéance, nous travaillons actuellement avec les mutuelles sur la période suivante. Un des sujets de négociation est de remettre sur la table les éléments de chiffrage, pour actualiser les coûts réels supportés par les mutuelles. La grande différence par rapport aux sections locales mutualistes étudiantes, c’est qu’avec les sections locales mutualistes de fonctionnaires, nous avons une approche mutuelle par mutuelle. Les remises de gestion ne sont donc pas alignées de façon uniforme, elles prennent bien en compte l’activité du service rendu par chacune des mutuelles sur la base des justificatifs que celles-ci fournissent.

C’est pour cette raison que nous pouvons dire que la qualité de gestion de la MGEN est largement meilleure que celle des autres mutuelles de fonctionnaires, car nous disposons des éléments qui permettent de l’établir même si, dans un dispositif de financement d’un service rendu, il reste encore des efforts à faire pour se rapprocher encore des coûts réels et fixer au mieux le montant des remises de gestion.

Quoi qu’il en soit, ce système reste plus satisfaisant que le système mutualiste étudiant pour lequel on a procédé, à partir des remises de gestion déjà servies à la MNEF, a une uniformisation par le haut pour fixer le montant de celles servies aux SMER, lorsque celles-ci sont venues en concurrence.

M. Joël GOYHENEIX : Rassurez-nous : dans ce classement, les mutuelles étudiantes sont les plus mauvaises ? Ou existe-t-il des systèmes encore plus mauvais ?

M. Gilles JOHANET : Peut-être faudrait-il regarder la batellerie ? La controverse idéologique est violente entre les mutuelles étudiantes et la caisse de la batellerie. Mais la caisse de la batellerie est d’une portée très réduite. Il ne reste plus beaucoup de " bateleurs ", comme dit le président !

M. André ANGOT : Vous parlez du système aberrant d’égalité de traitement entre les mutuelles, mais ne pensez-vous pas qu’en attribuant à chaque mutuelle une somme équivalente au coût réel du traitement de ses dossiers, on risque d’encourager la mauvaise gestion car les mutuelles qui réussiront à faire passer dans leurs comptes des coûts élevés de gestion de dossier bénéficieront d’une somme plus élevée que celles qui réalisent de gros efforts de gestion ?

Par ailleurs, lorsque vous parlez de certaines mutuelles de fonctionnaires qui ont des coûts de gestion très inférieurs, pouvez-vous nous affirmer que ces mutuelles ne bénéficient pas de personnels mis à leur disposition par leur administration centrale ?

M. Gilles JOHANET : Monsieur le député, la sécurité sociale étant, à de si nombreuses reprises, appelée à financer des actions publiques qui ne relèvent pas de la sécurité sociale, si d’aventure, via des mutuelles de fonctionnaires, elle bénéficiait d’une action publique financée par d’autres ministères, nous trouverions là un prêté pour un rendu un peu inattendu mais ô combien bénéfique, nous plongeant dans un état de béatitude que je ne saurais prolonger. Mais je ne peux pas me prononcer sur l’intensité de cette gracieuseté que nous ferait le ministère de l’éducation nationale.

Sur votre première question, il est tout à fait vrai que si nous étions amenés à financer sur la base des coûts réels dans une situation de payeur aveugle, situation que nous connaissons très bien pour la vivre dans de très nombreux domaines, l’inflation des dépenses serait absolument garantie. Mais cela, personne ne le demande, pas même les mutuelles étudiantes. Nous souhaiterions, en fait, un financement au coût réel, assorti d’objectifs à réaliser tels que l’équipement en interface magnétique - les caisses fonctionnent à 30 % en interface magnétique, cela coûte moins cher et permet des économies, les mutuelles étudiantes sont à zéro - ou la mise en place d’une comptabilité analytique soumise à un contrôle et séparant la gestion de la part du régime obligatoire de la gestion de la part complémentaire. Si tel était le cas, nous n’irions pas à l’inflation parce que nous sommes convaincus que nous sommes capables de maîtriser un tel dispositif.

M. le Rapporteur : Pour vous, le système actuel est aberrant. Selon vous, quelles modifications législatives, notamment du code de la mutualité, du fonctionnement des conseils d’administration et du partenariat avec les mutuelles étudiantes - si tant est que vous souhaitiez que celles-ci puissent perdurer - faudrait-il apporter pour améliorer la transparence du système et pour arriver à un coût plus juste ?

M. Gilles JOHANET : Si l’on analyse la situation de l’amont vers l’aval, sans exiger des choses tout à fait indigestes comme la possibilité pure et simple pour l’assurance maladie de juger de l’opportunité de la passation d’un contrat de délégation de gestion avec les mutuelles étudiantes, et si l’on admet que la création des mutuelles étudiantes est de droit, je pense qu’il serait bon de revoir les critères de création des sections locales universitaires sur deux points.

Il faudrait revoir le seuil de mille étudiants dans la circonscription de caisse, qui actuellement ne signifie plus rien. Aujourd’hui, avec le développement du nombre d’étudiants et le plan Universités 2000 de déconcentration des universités, toute ville de plus de 30 000 habitants compte mille étudiants. Je ne critique pas ce seuil en soi, je constate seulement qu’il aggrave la seconde disposition qu’il faudrait modifier, celle qui fait que la section locale étudiante peut être totalement virtuelle, ne pas avoir de conseil d’administration.

A ce moment-là, on commence à toucher au fond. J’ai cru comprendre, même si la logique de la création du régime étudiant ne m’apparaît pas spontanément, que sa légitimité venait du fait qu’il assurait aux étudiants une sécurité sociale de proximité, plus proche d’eux. Je m’interroge. Comment une section locale universitaire qui n’existe pas peut-elle être proche des étudiants ? Cette percée conceptuelle nous dépasse, et j’avoue ne pas la maîtriser. Donc, le premier point concerne la réalité de ces sections locales universitaires.

Deuxième point, il est indispensable d’établir une situation d’équité, c’est-à-dire de faire en sorte que le financement des mutuelles étudiantes s’opère sur les mêmes critères que le financement des CPAM. Il est tout de même paradoxal que les établissements de service public soient astreints à une obligation de transparence et de compte rendu auxquelles les concessionnaires de service public ne sont pas astreints. C’est un paradoxe extraordinairement provocant.

De ce point de vue, l’analyse des coûts réels ex ante, l’obligation d’un plan comptable séparant les sections obligatoire et complémentaire - donc, d’une comptabilité analytique - et la possibilité pour l’assurance maladie de résilier, en cas d’urgence, selon des critères que pourra définir le législateur ou plutôt le pouvoir réglementaire car cela me semble relever plutôt de l’article 37 de la Constitution, la délégation par remise de gestion dès lors que ces différentes conditions ne sont pas réunies nous semblent indispensables. Nous sommes d’accord pour que les critères soient définis ex ante contradictoirement et ne restent pas entièrement à notre main mais les réformes dont je viens de parler seraient de nature à assainir considérablement la situation.

Nous pourrions en ajouter d’autres. Par exemple, il ne serait pas totalement insolite que les mutuelles étudiantes soient obligées de publier leurs comptes, et de les publier d’une façon claire, accessible aux étudiants, au moins aux étudiants en comptabilité, ce serait une première étape.

Nous comprenons bien, pour tenir compte des réalités, la nécessité de prévoir une transition d’un an ou deux, et de retenir dans un premier temps le montant de remise de gestion proposé par l’IGAS à 260 F pour ne passer au coût réel qu’en deux ou trois étapes. Nous sommes d’accord pour ménager ces transitions car nous ne cherchons pas à casser les mutuelles étudiantes, mais à sortir d’une situation inacceptable.

M. le Président : La spécificité du régime étudiant vous paraît-elle devoir ou pouvoir être maintenue par rapport au projet de loi relatif à la CMU, actuellement en discussion ?

M. Gilles JOHANET : Franchement, je n’y ai pas trop réfléchi.

M. le Rapporteur : À plusieurs reprises au cours de votre exposé, vous avez fait allusion à des sections locales mutualistes qui n’existaient pas et n’avaient que l’apparence de l’existence. J’aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par là.

M. Gilles JOHANET : La mutuelle étudiante est une mutuelle qui, théoriquement, est gérée par des étudiants élus. La section locale universitaire est théoriquement gérée par un conseil d’administration. Mais rien ne garantit la création effective de ce conseil d’administration. Nous pouvons donc avoir une section locale universitaire composée exclusivement d’un ou deux gestionnaires délégués et payés par Paris.

M. le Rapporteur : Cela existe ?

M. Gilles JOHANET : Oui.

M. le Rapporteur : Où ?

M. Gilles JOHANET : Nous pouvons vous en établir la liste.

M. Jean-Paul PHÉLIPPEAU : Je crains que l’absence de conseil d’administration ne soit très généralisée. La mutuelle nationale existe, mais la section locale chargée de la gestion du régime obligatoire n’existe pas en tant que telle. Elle existe en tant qu’outil de gestion, elle n’existe pas juridiquement, avec un conseil d’administration. Il arrive même que la mutuelle délègue à une société de services le traitement de ses dossiers, notamment l’informatique. Donc, en réalité, nous avons sur place une structure de gestion minimale, qui fonctionne avec un minimum de frais et qui délègue les prestations de services. Il n’y a pas la section locale mutualiste gestionnaire du régime général étudiant.

M. Gilles JOHANET : Théoriquement, d’après l’article R. 381-29 du code de la sécurité sociale, le conseil d’administration comprend sept membres dont quatre étudiants, un représentant du ministère de l’éducation nationale, un représentant de la CPAM et un représentant des autres régimes " classiques ". Faute d’une comptabilité analytique, la CPAM a ainsi la possibilité d’avoir potentiellement un droit de regard sur la gestion des dépenses et des comptes. Le fait que ces conseils d’administration ne soient pas mis en place est très révélateur.

Cela étant, pour ne rien vous cacher, je ne suis pas demandeur de cette disposition. Je trouve que c’est une parfaite confusion des genres, d’ailleurs assez fréquente dans l’administration française où le financeur, plutôt que d’instaurer une relation client-financeur, ou client-fournisseur, avec, en l’espèce, les mutuelles étudiantes, va chercher une place dans un conseil d’administration chez le bénéficiaire, qui en fait ne lui assure pas grand-chose. Mais enfin, c’est mieux que si c’était pire. Nous avons le pire, c’est-à-dire que nous n’avons même pas cela. Mais ce n’est pas un idéal.

M. Jean-Pierre BAEUMLER : Le système présente cependant un intérêt parce que le montant de ces remises de gestion permet de dégager des excédents qui permettent de financer toute une série d’activités dont profitent les étudiants, dans le domaine de l’animation culturelle, avec la Carte Jeunes, dans celui du logement, etc. Il y a certes eu quelques dérives mais, globalement, quelle appréciation portez-vous sur ces activités ?

M. Gilles JOHANET : Une appréciation extraordinairement négative, pour deux raisons.

D’une part, je suis absolument convaincu que l’utilité sociale marginale de ces activités n’a rien d’optimale pour la sécurité sociale. Avant de financer ces activités, on ferait bien mieux de mettre ces ressources sur les appareils dentaires des enfants, par exemple, où des besoins ne sont pas couverts en ce moment.

D’autre part, je trouve totalement malsain, même si l’utilité sociale marginale de ces activités était optimale, que cela se fasse en catimini. C’est pourtant ce qui se passe.

M. le Rapporteur : Vous n’êtes donc pas demandeur de la présence de la CNAM dans les conseils d’administration des mutuelles étudiantes ou autres, gestionnaires d’un régime obligatoire ?

M. Gilles JOHANET : Je vous le confirme : je ne suis pas demandeur. Je suis pour des relations claires entre eux et nous, sans aucune confusion des institutions.

M. le Rapporteur : Il semblerait cependant, d’après ce qui nous a été dit, que le conseil d’administration de la MNEF n’ait pas joué son rôle. Il existait, se réunissait, mais son pouvoir de contrôle réel sur les activités de la structure administrative n’aurait pas été des plus performants.

M. Gilles JOHANET : Je ferai assez volontiers une assimilation à la situation de la CNAM. Il n’est venu à l’idée de personne, jusqu’ici, de proposer que l’Etat siège au conseil d’administration de la CNAM en tant qu’administrateur. En revanche, il n’est venu à l’idée de personne de considérer comme anormal que l’Etat ait auprès du conseil d’administration des commissaires du Gouvernement. Je considère, personnellement, comme tout à fait normal que non seulement il y ait des commissaires du Gouvernement mais qu’il y ait aussi un contrôleur d’Etat.

Chacun est dans son rôle : celui de l’Etat est de contrôler ; nous, nous sommes financeur. Nous pouvons, à ce titre, contrôler l’emploi des dépenses. Nous devons donc avoir accès à la comptabilité. En revanche, ce n’est pas notre rôle de contrôler la politique des mutuelles étudiantes. Cela relève de l’Etat.

Je serai donc très précis : je ne trouve ni utile ni même sain que l’assurance maladie soit administrateur des mutuelles étudiantes. Je trouverai inattendu que l’Etat ne soit pas présent auprès de ces conseils d’administration, que ce soit comme commissaire du Gouvernement ou d’une toute autre façon. Mais cela, c’est l’Etat, ce n’est plus nous.

M. André ANGOT : Vous considérez que les activités annexes des mutuelles ne relèvent pas de la politique de la santé puisqu’elles ne lui apportent rien. Pourtant, toutes les organisations étudiantes que nous avons entendues de même que les dirigeants des mutuelles nous ont tous bien convaincus que faire participer les étudiants à des associations sportives ou culturelles, les faire bénéficier de la Carte Jeunes pour avoir des réductions au cinéma ou dans des activités culturelles, leur proposer des logements qui répondent mieux à leurs besoins, avait un effet bénéfique sur leur santé, notamment en ce qui concerne les troubles psychologiques et psychiatriques qui sont de plus en plus nombreux dans le milieu étudiant. Il y a donc là une légère différence d’appréciation entre vous et les organisations étudiantes.

M. Gilles JOHANET : Je ne pense pas qu’il soit problématique que nous ayons une différence d’appréciation, du moment que nous en sommes intellectuellement maîtres. Que les responsables des mutuelles étudiantes voient en quelque sorte midi à leur porte me paraît normal. Cela n’a rien de choquant. Il est logique que les responsables des mutuelles étudiantes cherchent à obtenir le maximum de ressources pour améliorer la santé des étudiants.

Là où nous commençons à percevoir, dans leur propre logique, une petite faille, c’est quand la conception de l’amélioration de l’état de la santé des étudiants va jusqu’à payer des places de cinéma. Je me réfère à la définition de l’OMS qui vise l’état complet de bien-être ; je ne pense pas que l’action publique soit de poursuivre pour chacun l’atteinte de l’état de béatitude ! Même si des films peuvent y contribuer, il y a des limites à poser.

Mais je n’irai pas au-delà. Je n’ai pas dit que les activités annexes des mutuelles étudiantes n’apportaient rien dans le domaine de la santé. Je ne l’ai pas dit et je ne le pense pas. Mais je suis tenu, en tant que gérant du régime général, de faire une approche comparative. Qu’est-ce qui est le plus important : développer des activités sportives et culturelles pour les étudiants ou, par exemple, assurer aux quelque trente départements qui n’en ont pas des examens de santé aux plus pauvres, à ceux qui ont moins de 2 500 F par mois ? On n’est plus aux 3 500 F de la CMU ! Qu’est-ce qui est le plus prioritaire ?

J’ai besoin d’argent pour étendre cette action à ces trente départements qui n’ont pas ce minimum d’examens de santé périodiques qui est pourtant un moyen incomparable de dépistage de situations de précarité dans le domaine de la santé. Il nous faut une trentaine de millions, pas plus. Alors, excusez-moi, mais je ne vous suis pas, je ne finance pas le cinéma des étudiants.

M. le Président : Il existe certainement d’autres postes de budget où vous pourriez obtenir ces 30 millions. D’après ce qui nous a été indiqué, la santé des étudiants n’est pas bonne actuellement. Tout le monde nous a signalé l’état de santé extrêmement précaire des étudiants, assorti d’exemples qui posent problème. On nous a, par exemple, indiqué qu’il n’y avait plus de visite médicale obligatoire pour les étudiants de première année, qu’un certain nombre d’actes de prévention étaient extrêmement médiocres, qu’en ce qui concerne la santé mentale des étudiants, sur laquelle beaucoup ont insisté, les problèmes s’accentuent, année après année, liés à l’augmentation du nombre des étudiants qui atteint aujourd’hui 2,2 millions ; ces jeunes ont peur de ne pas trouver d’emploi, ce qui engendre un stress important. Lorsque j’étais à l’université, étudiant puis enseignant, il n’y avait pas de difficulté pour trouver un emploi. Les étudiants stressés étaient peu nombreux.

L’autre élément sur lequel nous avons eu à réfléchir est celui de la santé des jeunes mères étudiantes, et du désir de maternité qu’elles ne peuvent pas réaliser en raison des très grandes faiblesses du système de protection sociale qui leur est accordé. Nous avons posé des questions sur le logement étudiant et la possibilité pour ces jeunes femmes d’y accueillir leurs enfants. Nous n’avons pas reçu de réponses très satisfaisantes à ce sujet.

La santé des étudiants qui appartiennent à des couches très défavorisées de notre population et qui sont à rapprocher des personnes que vous citiez tout à l’heure semble globalement inquiétante. Êtes-vous d’accord avec ce diagnostic ? Que proposeriez-vous pour améliorer la situation ?

M. Gilles JOHANET : Monsieur le président, je ne partage pas tout à fait votre constat. Quand on regarde les enquêtes de l’INED ou de l’INSEE, on se rend compte que les étudiants n’appartiennent pas encore aux milieux très défavorisés de la population. Il y a une surreprésentation des catégories socioprofessionnelles privilégiées (CSP) encore manifeste. La population étudiante appartient en moyenne à des catégories socioprofessionnelles plus favorisées que la moyenne de la population française.

Vous dites que la santé n’est pas bonne. Je ne connais pas de CSP dont la santé est bonne. C’est extrêmement important car cela veut dire que l’appréciation qui doit être portée sur la santé des étudiants doit toujours être comparée à l’appréciation de la santé portée sur tous.

Vous dites qu’il existe un stress lié à la peur de ne pas trouver d’emploi. J’ai, pour ma part, lu des choses très pertinentes sur le fait que le stress de perdre son emploi pour l’actif est au moins aussi fort que le stress ne pas trouver d’emploi pour l’étudiant.

Je ne vous dis pas que la santé des étudiants est bonne, mais je vous dis que je n’ai pas de données à l’heure actuelle me permettant de considérer que cette santé est d’un niveau moins bon que celles des autres CSP, corrigée naturellement de l’âge sinon je défavorise complètement l’examen de la situation des étudiants. Je ne dispose pas d’éléments m’indiquant qu’elle s’est dégradée, relativement ou absolument, dans un passé récent.

Vous parlez des jeunes mères étudiantes. Nous trouverons certes des cas individuels douloureux. Mais, Monsieur le président, à regarder les statistiques de l’INED, comment peut-il y avoir un problème massif des jeunes mères étudiantes alors qu’il n’existe plus de jeunes mères dans ce pays ?

Je ne dis pas qu’il n’existe pas de problèmes de santé chez les étudiants. Mais quand on gère le régime général, on est tenu de comparer la situation de tous. Je parlais tout à l’heure des plus pauvres, des appareils dentaires des enfants, on pourrait aussi parler des appareils auditifs des personnes âgées.

Cela dit, je voudrais ajouter deux considérations. Premièrement, même si la santé des étudiants était la plus mauvaise de France, cela ne justifierait en rien l’absence de transparence dans l’emploi des deniers sociaux par les mutuelles étudiantes. Deuxièmement, il est terrible que l’on en arrive en 1999, dans ce pays, sans savoir quelle est la santé des étudiants. On peut aussi bien avoir un lamento continu qu’un borborygme militaire - " De mon temps, tout allait bien. Circulez, il n’y a rien à voir ! ". Au fond, il n’existe pas de constat scientifique, d’épidémiologie, nous permettant de connaître grossièrement l’état de santé de cette catégorie prise en elle-même et surtout, plus finement, de la comparer à celles des autres CSP.

Tout à l’heure, un membre de la commission se demandait si les activités sportives et culturelles ne participaient pas à l’amélioration de la santé. S’il y a 20 ou 30 millions de marges de manœuvre, mettons-les dans les observatoires régionaux de la santé et faisons un programme spécifique de connaissance et d’enquête sur la santé des étudiants. Il sera unique en France, c’est vrai, mais tant pis, cela améliorera en profondeur l’état de santé des étudiants, et ainsi, on commencera par le début, et pas par le cinéma !

M. Joël GOYHENEIX : Vous avez insisté sur la nécessité d’une comptabilité analytique, ce qui paraît effectivement tout à fait logique. En même temps les différents intervenants que nous avons reçus, y compris ceux de la Cour des comptes, ont décrit la difficulté qu’il avait à la mettre en place dans la mesure où la gestion d’un dossier étudiant est la même, qu’il s’agisse de son assurance de base ou de ses assurances complémentaires. Avez-vous des propositions à formuler pour la mise en place de cette comptabilité analytique ?

M. Gilles JOHANET : Je comprends cette objection. Je n’ai jamais prétendu que ce soit facile. Le problème est de savoir si c’est impossible. Or cela n’a absolument rien d’impossible.

Tout d’abord, en ce qui concerne les prestations normées, qui constituent l’essentiel de la dépense, c’est-à-dire les prestations de base obligatoires et les prestations complémentaires, je cherche où est la difficulté. La nomenclature comptable ne pose absolument aucune difficulté. Évidemment, il faut savoir maîtriser la nomenclature comptable ! Cela demande un savoir-faire, mais je suppose que c’est un pré requis.

Ensuite, il y a les basculements entre l’action sanitaire et sociale, de base et complémentaire. Certes, mais la portée de cette ventilation est réduite et l’on peut se mettre d’accord avec les mutuelles étudiantes sur une clé de répartition. Je ne vois vraiment pas ce qu’il peut y avoir de dirimant.

Mais j’admets volontiers que c’est moins simple que s’il n’y a aucune règle et que l’on peut gérer, au jour le jour, dans une seule caisse pour tout le monde.

M. le Rapporteur : Comment se fait-il qu’aucune mesure de rétorsion n’ait été prise à la suite du non-respect de l’obligation de mettre en place une comptabilité analytique prévue dans les conventions passées à deux reprises entre la CNAM et les mutuelles étudiantes.

Parmi les suggestions qui nous ont été faites, certains intervenants parlaient de la possibilité d’une séparation comptable des différentes activités, distinguant les activités du régime général, les activités complémentaires et de prévoyance, et les activités que je qualifierai de plus ludiques, opérations immobilières et autres. À votre avis, jusqu’où peut aller l’argent de la CNAM dans le domaine de la prévention ? Une action de prévention existe au niveau des CPAM, pourquoi n’existerait-elle pas au niveau des mutuelles étudiantes ? Dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons introduit un amendement qui permettait la prise en charge d’un certain nombre d’actions de prévention par la caisse nationale d’assurance maladie.

M. Gilles JOHANET : Je voudrais vraiment qu’il n’y ait aucun quiproquo. Je ne conteste pas la légitimité d’une action de prévention vis-à-vis des étudiants. Nous demandons seulement que soit clairement distinguée la prévention qui dépend du régime de base - car la loi et la Constitution imposent aux mutuelles étudiantes comme à la CNAM, le respect du principe d’égalité - et la prévention du régime complémentaire, facultative, qui irait aux seuls étudiants bénéficiant de ce régime complémentaire.

Nous éviterions ce qui s’est produit dans d’autres régimes contrôlés par la Cour des comptes il n’y a pas si longtemps, à savoir la reproduction d’étourderies où l’on voit l’argent du régime de base servir à financer des actions relevant du régime complémentaire. Je fais ici référence bien évidemment à la MSA, tout le monde l’a compris !

Avoir trois niveaux d’activités ne nous pose aucun problème. Nous demandons seulement que ces trois niveaux soient distingués. D’ailleurs, depuis son redressement, la MSA y parvient de façon tout à fait satisfaisante. Ce n’était pas spontané, mais la confusion n’était pas pour autant fatale.

Pour revenir à votre première question relative aux engagements prévus dans la convention de 1993, qui n’ont pas été respectés par ces mutuelles, c’est une " technologie " que la CNAM maîtrise très bien, qui consiste à imposer les obligations sans sanctions. C’est un peu le syndrome du carnet de santé.

Je dois dire que c’est un plaisir assez particulier que de signer benoîtement des textes qui imposent des obligations en évitant soigneusement de prévoir des sanctions ! Nous avons pour cela un goût très modéré. A partir du moment où la CNAM n’a pas le droit de résilier, ni celui de contrôler, et où le coût est uniforme, nous sommes dans une situation ridicule. Croyez-moi, nous ressentons vraiment très vivement le caractère ridicule de la situation et, voyez-vous, Monsieur le rapporteur, je voudrais vraiment éviter de revenir devant une commission parlementaire dans cinq ans où l’on me dira : " A la suite du rapport de l’IGAS de 1999, vous avez passé une convention prévoyant un montant de 260 F de remise de gestion. Il y a un nouveau scandale avec la Smouillep, et vous n’avez rien fait pendant l’exécution de la convention ". C’est pour cela que je prends date et que je suis absolument ravi que tout soit enregistré.

M. le Rapporteur : Je souhaiterais pouvoir à nouveau rencontrer M. le directeur délégué lorsque nous en serons à élaboration des propositions.

M. Gilles JOHANET : D’autant, Monsieur le rapporteur, que nous aurons à ce moment-là pris position officiellement sur le rapport de l’IGAS et que nous sommes tenus de vous communiquer cette prise de position.

M. le Président : A votre avis, quel système de contrôle par l’Etat devrait être mis en place pour être effectif et sérieux ?

M. Gilles JOHANET : Le système de contrôle de l’Etat est organisé et sérieux. N’y voyez aucunement un esprit corporatiste ou partisan, mais je ne puis que rendre hommage à la qualité des travaux de la Cour des comptes, qu’il s’agisse de la MNEF, de la MSA ou d’autres demain. Je ne peux mettre en doute la qualité et la complétude des travaux de l’IGAS. Leur limite vient de ce que les champs de compétence de la Cour et de l’IGAS, sont immenses et que, la périodicité des contrôles est donc faible. C’est pour cela qu’en termes de contrôle, nous souhaiterions très vivement que l’audit général de la CNAM puisse avoir des conséquences sur les mutuelles étudiantes.

M. le Président : En fait, je pensais en vous interrogeant à la commission de contrôle des mutuelles et au rôle de son président.

M. Gilles JOHANET : Je ne me prononcerai pas sur ce sujet, monsieur le président, si vous me le permettez.

M. le Président : Auriez-vous une observation à formuler sur le problème de la nomination éventuelle d’un administrateur provisoire concernant la MNEF.

M. Gilles JOHANET : Je ne peux pas dire avoir vraiment suivi la question.

M. Jean-Paul PHÉLIPPEAU : Personnellement, moi non plus. Mais la CNAM n’a pas été sollicitée dans cette période, ni sur ces événements ...

M. le Président : Madame la ministre nous a fait savoir qu’elle avait été très surprise qu’un administrateur n’ait pas été nommé.

M. Gilles JOHANET : Oui, mais il s’agissait d’un dossier, comme il est logique, géré par le ministère. Nous, nous avons comme chaque jour ouvert notre journal, et avons appris qu’il y avait une possibilité que nous ayons été escroqués. C’était au début de l’année, nous nous sommes immédiatement portés partie civile, mais notre capacité d’action dans ce domaine ne va pas beaucoup plus loin.

M. le Président : Monsieur le directeur, je tiens à vous remercier particulièrement pour l’entretien très franc que vous nous avez réservé. Nous prendrons connaissance avec le plus grand intérêt de la position officielle de la CNAM sur le rapport de l’IGAS et nous nous réservons la possibilité de vous rencontrer à nouveau au moment de la rédaction du rapport et des propositions que nous comptons faire.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr