Présidence de M. Alain TOURRET, président

Monsieur Vitry est introduit.

M. le président lui rappelle que les dispositions relatives aux commissions d’enquête parlementaire lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Vitry prête serment.

M. le Président : Monsieur le président, je vous remercie de vous être rendu à notre invitation. Notre commission a tenu à être éclairée sur l’action du CNOUS en matière de santé des étudiants ainsi que sur les relations de cette institution avec les mutuelles d’étudiants.

Je vous proposerai de nous présenter, dans un exposé liminaire, votre rôle en la matière et de répondre ensuite à nos questions.

M. Daniel VITRY : J’ai bien peur de vous décevoir parce que le rôle du CNOUS et des CROUS - j’entrerai tout à l’heure dans la distinction entre les deux - est extrêmement marginal en matière de sécurité sociale étudiante, de maladie, bref, de tout cet aspect de la vie étudiante.

En effet, une fois l’étudiant inscrit, la médecine préventive est uniquement prise en charge par les présidents d’université, quoi qu’il y ait quelques confusions de temps en temps, en ce sens que cette prise en charge par les présidents d’université uniquement n’implique pas que nous n’ayons pas dans les CROUS quelques infirmières, mais elles ne sont pas en charge de la maladie des étudiants. Nous avons également des assistantes sociales, mais les universités en ont aussi. Il y a là un partage qui n’est pas toujours optimal, mais qui n’a pas d’incidence.

En matière de médecine préventive, nous n’avons pas de rôle, si ce n’est un rôle d’information - affiches, campagnes d’information, etc.

En matière d’inscription des étudiants à la sécurité sociale, nous ne jouons pas de rôle, sauf une exception sur laquelle je reviendrai. Nous nous contentons de rappeler à l’étudiant titulaire du baccalauréat français traditionnel qui s’inscrit à l’université qu’il doit être inscrit à la sécurité sociale, au même titre que nous lui rappelons beaucoup de choses. Mais nous n’intervenons à aucun moment dans ce processus. Nous ne le vérifions même pas puisque ce qui définit l’étudiant, certes, c’est le régime de la sécurité sociale, aussi une fois celui-ci reconnu et inscrit, il a droit aux œuvres.

Nous intervenons uniquement dans les cas très particuliers des étrangers boursiers du gouvernement français et boursiers des gouvernements étrangers, lorsque ceux-ci étudient en France, car nous les incitons à s’inscrire et nous pouvons même intervenir un peu plus qu’une boîte aux lettres, mais un peu moins qu’un organisme de sécurité sociale ordinaire, dirai-je, en ce sens que nous leur disons ce qu’ils doivent faire, nous leur donnons la liste des mutuelles auprès desquelles ils peuvent s’inscrire. Une fois qu’ils ont fait leur choix, nous n’agissons plus que comme boîte aux lettres. Notre rôle reste extrêmement limité.

Vous me demanderez certainement si toutes les mutuelles sont traitées à égalité. La réponse est globalement positive, sauf sur un point particulier qui concerne quelques centaines d’étudiants étrangers.

En effet, les étudiants qui viennent pour des durées courtes - c’est le cas en particulier des stages linguistiques - ont posé un problème de gestion ; ils sont nombreux en termes de personnes physiques, nombreux en termes d’actes, mais peu nombreux en masse globale à traiter. Donc, à une date qui remonte à un certain temps - pardonnez-moi si je suis un peu imprécis, mais c’était bien avant mon prédécesseur et quiconque dans les services - un accord particulier de pure gestion avait été conclu avec la MNEF. Les mutuelles régionales et la SMEREP ont demandé à participer également à cet accord, ce qui leur sera donné l’année prochaine. C’est ainsi que nous avons une sorte de contrat de globalisation, parce qu’il n’était pas possible de traiter, un par un, ces étudiants présents pour une courte durée ; en effet, le temps de le faire, ils seraient déjà repartis. Je me suis aperçu, grâce à votre convocation, sinon j’aurais continué à l’ignorer, qu’il y avait eu là un favoritisme dû à des possibilités de gestion sur lequel la MNEF, seule, avait répondu en son temps, et auquel les autres mutuelles vont participer.

Il en coûtera à ces étudiants étrangers, boursiers du gouvernement français ou autre, 1 770 francs quelle que soit la mutuelle à laquelle ils s’adressent, même s’ils ont plus de 28 ans. J’ai là une fiche qui porte sur la couverture sociale et mutualiste des boursiers étrangers gérée par le CNOUS, qui vous donnera le détail de ces opérations.

Qui paye en définitive ? Nous refacturons au ministère des Affaires étrangères l’ensemble des dépenses de sécurité sociale, ainsi qu’un certain nombre d’autres dépenses. Ce sont donc les affaires étrangères qui supportent le coût budgétaire de ces opérations.

Notre rôle est minime. C’est la raison pour laquelle je commençais en disant que je risquais de vous décevoir. En fait, la sécurité sociale, nous échappe ou disons que nous sommes peu concernés.

M. le Président. La sécurité sociale et le rôle des mutuelles, ce n’est pas tout à fait pareil, car la mutualité, avec la loi de 1948, a un très vaste champ d’investigation puisqu’il s’agit du bien-être des étudiants. Il ne s’agit donc pas simplement de la couverture obligatoire de la sécurité sociale.

M. Daniel VITRY : Tout à fait.

M. le Président. J’aimerais connaître vos champs d’activité dans le cadre du logement social.

M. Daniel VITRY : Nous avons trois champs d’activité principaux : l’hébergement, la restauration, et la culture ; nous versons les bourses depuis deux ans.

Concernant l’hébergement et la restauration, nous ne sommes pas en concurrence avec les universités. Quant à la culture, les universités en font, nous en faisons et nous essayons, si possible, de le faire ensemble ou du moins en coordination.

Pour ce qui est du logement social, tout dépend, monsieur le président, de ce que vous appelez logement social. Pour nous, le logement est unique. La différence du logement est liée à une différence de loyer, mais il n’existe pas une partie de notre logement affiché social et une autre pas.

Nous présentons des possibilités de logement dans trois types de résidences. Nous avons les résidences dites traditionnelles dans lesquelles, compte tenu de l’ALS, l’étudiant paye in fine entre 350 et 450 francs ; ce sont les logements des cités universitaires, soit 9 m ?, un lavabo, des toilettes et des douches communes, à raison - ce n’est pas brillant -d’une douche et un toilette pour cinq chambres dans le meilleur des cas ou pour dix chambres, dans le pire. Ils représentent à peu près 100 000 lits.

Nous avons également de l’hébergement dans des cités dont le loyer est plus élevé de l’ordre de 450 à 600 francs nets d’ALS. Le service y est meilleur, ce sont des chambres de 15 m ?, selon les cas, avec sanitaire intégré ou pas, avec ou sans kitchenette - la définition de celle-ci étant un peu aléatoire.

La troisième catégorie de logement, dont le loyer est de l’ordre de 800 à 1 100 francs, sont des studios de 18 à 22 m ?, avec une vraie salle de bains et une kitchenette.

M. le Président : Quel est le dispositif sur le plan géographique ?

M. Daniel VITRY : Il est complètement dispersé à travers tout le territoire.

En termes de masse, nous avons 100 000 chambres traditionnelles de 9 m ?. Sur celles-ci, 80 000 doivent être restaurées ; dans certains, il s’agit de travaux d’entretien courant un peu lourds, dans d’autres, il faut aller jusqu’à la restructuration complète du bâtiment. Il faut vider la cité, la restructurer car ce sont souvent des constructions des années 60, qui ont beaucoup souffert, même si elles ont été entretenues de la façon la meilleure possible par les équipes, avec des crédits d’équipements qui ne permettait d’envisager que de petits travaux.

M. le Président : Sur le plan géographique, je pensais que le CNOUS avait une compétence quasi exclusive sur la Région parisienne ?

M. Daniel VITRY : L’organisation administrative est la suivante : le CNOUS est un établissement public administratif autonome et il est tête de réseau de vingt-huit établissements publics administratifs autonomes. Il y a un CROUS, centre régional des œuvres universitaires et scolaires, dans chacune des académies. Les Antilles-Guyane sont un cas spécial puisque le même CROUS couvre les trois académies actuelles, correspondant à l’ancienne académie des Antilles-Guyane.

Chaque CROUS est un établissement public dirigé par un directeur et le CNOUS chapeaute cet ensemble, dans une construction juridique particulière, puisque c’est un établissement public autonome qui coiffe des établissements publics autonomes. C’est étonnant mais cela fonctionne quand même parce que le CNOUS répartit les crédits et les emplois, ce qui constitue un levier non négligeable.

M. le Président : J’aimerais que vous nous parliez du problème du logement social, du rôle que vous tenez de ce point de vue et du rôle parallèle que se sont données les mutuelles étudiantes. C’est une question importante pour nous, parce qu’il n’y aurait pas eu une commission d’enquête simplement sur le régime général. Ce sont naturellement les problèmes de diversification qui nous intéressent. Or, ces diversifications viennent directement en concurrence avec vos activités. Avez-vous le sentiment d’une concurrence ? S’occuper de logement, vous paraît-il être le rôle normalement dévolu aux mutuelles ?

M. Daniel VITRY : En termes de concurrence, qui sont nos concurrents ? Nous en avons sur la restauration, mais les mutuelles ne sont pas sur cette affaire. Et le concurrent qui nous pose le plus de problèmes, ce n’est pas du tout le Mc Donald, contrairement à ce que vous auriez pu penser, mais la restauration à domicile, car l’étudiant retourne chez lui pour déjeuner et pour dîner.

S’agissant de l’hébergement, les mutuelles ne sont pas nos concurrents. Nous travaillons avec des offices HLM sous des formes diverses. Nous leur louons un certain nombre de logements, dans des conditions qui ont donné lieu à des conventions signées pour des durées extrêmement longues et posent de nombreuses difficultés parce qu’elles ont été signées à une époque où ces logements étaient situés dans des cités qui se sont beaucoup dégradées. Malheureusement, dans un certain nombre de grandes villes, à Reims notamment, nous constatons que 50 % des logements des étudiants qui relèvent du CROUS sont des logements en HLM dont au moins 4 000 chambres sont à rendre d’urgence à l’office d’HLM local, tout simplement parce qu’elles sont situées dans des zones géographiques où les étudiants ne veulent plus aller. Nous avons de grosses difficultés avec les HLM de Reims, parce que nous avons des logements vides. Quand les étudiants ne veulent pas y aller, social ou pas social, je ne peux pas les forcer à y aller. Ils ne veulent pas y aller, parce que ce sont des cités qui, dirai-je, ne sont plus adaptées à la vie estudiantine.

Où les mutuelles jouent-elles contre nous ? Je ne vais pas entrer dans l’affaire des filiales de la MNEF, que vous connaissez certainement mieux que moi. Je ne puis absolument pas vous garantir qu’aucune filiale de la MNEF n’a jamais conclu le moindre accord avec un CROUS ou le CNOUS, sauf si vous me demandez si la société untelle a affaire avec nous au sens le plus large, mais dans l’autre sens, je puis difficilement vous répondre. Je ne vous cacherai pas que je me suis posé la question. J’ai demandé qu’on regarde, s’agissant du CNOUS, tous nos prestataires de service. Je ne voulais pas qu’on soit piégé avec une affaire de filiale de la MNEF ou, en tout cas, dans des conditions qui ne seraient pas des conditions normales de marché. A ma connaissance, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas véritablement de concurrence avec les mutuelles.

M. le Président : Nous avons reçu beaucoup de responsables de mutuelles qui nous ont expliqué toute l’activité qu’ils avaient dans le logement. Certaines construisent et passent ensuite des contrats avec des prestataires, d’autres ont une action directe avec les HLM. Tous les systèmes existent.

M. Daniel VITRY : Pour nous, ils ne sont pas plus concurrents que n’importe quel organisme privé construisant sous le régime Périssol.

M. le Président : Vous qui avez en charge le logement social des étudiants, cela vous pose-t-il problème ? Estimez-vous que le logement social des étudiants devrait vous impartir uniquement, totalement ou pas ? La situation actuelle vous semble-t-elle satisfaisante ?

M. Daniel VITRY : Monsieur le président, le logement géré par le CNOUS et les CROUS nous pose d’immenses problèmes, mais ce ne sont pas ceux que vous évoquez. Mon problème est que sur 100 000 chambres traditionnelles auxquelles je faisais allusion, j’en ai 80 000 à restaurer. Vous comptez entre 60 000 et 80 000 francs par chambre en moyenne, soit presque 5 milliards, que je suis loin d’avoir. C’est cela le problème.

J’en ai un deuxième. Nous avons au total 148 000 lits et 48 000 sont dits modernes, récents. Les récents datent, tout de même, de 1985. Sur les plus anciens parmi les plus récents, il y a besoin de faire des travaux qui vont commencer à être lourds. Et il me manque entre 15 000 et 20 000 lits, dont les trois quarts sur la région Ile-de-France.

C’est cela mon problème, ce n’est pas une concurrence hasardeuse, délicate ou déloyale de telle ou telle mutuelle.

M. le Rapporteur : Nous avons vu des responsables de mutuelles qui nous ont expliqué qu’ils s’étaient diversifiés parce que les pouvoirs publics, devant la montée exponentielle du nombre d’étudiants, ne pouvaient pas être suivis par le CNOUS et les CROUS ; ils leur ont demandé de se diversifier pour remplir cette fonction, parce qu’il n’y avait pas les moyens et l’argent public pour le faire. Cela vous paraît-il correspondre à une réalité ?

M. Daniel VITRY : Je suis à la tête du CNOUS depuis trois mois. Très honnêtement, je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu une déclaration solennelle de l’un de mes prédécesseurs ou du ministre, allant voir les mutuelles en disant qu’avec le CNOUS, ils étaient bloqués et leur demandant de se mettre sur ce créneau. Qu’ils aient eu une réaction d’entrepreneur, en voyant là un marché à prendre, me paraît une explication plus rationnelle de l’histoire. Parler d’un accord, même tacite, ne correspond pas du tout à la vision que j’en ai.

M. le Président : Pour continuer ce que dit M. le Rapporteur. Vous nous expliquez que vous n’avez pas d’argent pour y arriver...

M. Daniel VITRY : Mais je vais vous dire aussi comment je vais m’en sortir.

M. le Président : Vous n’avez pas d’argent, mais à partir de ce moment-là, il est légitime que d’autres s’engouffrent dans ce créneau. Souhaitez-vous que le développement du logement des étudiants soit de plus en plus le fait des mutuelles ?

M. Daniel VITRY : Ah, non ! Mais pas plus des mutuelles que des autres organismes privés.

M. le Président : Nous sommes chargés d’enquêter sur les mutuelles étudiantes ! !

M. Daniel VITRY : Si j’avais les moyens d’entretenir mes bâtiments, puis de reprendre en charge les bâtiments utilisés par les uns ou les autres, dont les mutuelles par exemple, je le ferai volontiers. Je pourrais alors avoir une action plus rationnelle, portant sur un parc plus grand. Je vous parlais de 148 000 logements alors qu’il y a 2 millions d’étudiants. Je ne pèse pas lourd. Elles non plus, d’ailleurs, individuellement.

Si j’avais l’argent pour récupérer ces logements, et pour les entretenir, si j’étais sûr de pouvoir loger les étudiants dans des conditions normales, je rachèterais. Je solliciterais l’Etat, un emprunt, tout moyen financier pour le faire. A l’heure actuelle, je ne suis pas en position de le faire.

Comment espérons-nous se sortir de cette équation douloureuse ? 80 000 chambres à restaurer. C’est dans U3M que nous allons essayer de trouver la solution, mais il faut être conscient des enjeux financiers. Quel est le drame ? Il est très simple : l’entretien courant a été fait. Heureusement, il a été mieux fait que l’image qu’il en a.

Par exemple, si je vous parle de la cité universitaire de Nanterre, à moins que vous ne l’ayez visitée avant-hier, vous allez me dire que c’est un endroit de perdition. C’est l’idée qu’en ont les responsables. Quand on évoque la cité universitaire de Nanterre, c’est généralement l’effroi.

Mais quand vous allez visiter, que vous vous faites ouvrir les chambres, vous constatez que vous avez là un bâtiment vraiment très bien, qui a été entièrement restauré de façon très moderne. La façade et l’intérieur ont été refaits, ainsi que les sanitaires, dans les règles de l’art. Il n’y a pas un tag dans cette partie.

Deux autres bâtiments ont aussi été restaurés, moins bien du point de vue de la façade, mais véritablement très bien à l’intérieur. J’y logerais mes enfants si la question se posait. Quand vous entrez dans le hall, vous pensez que tout a été rénové l’année dernière ; en fait, cela date de cinq ans. Il n’y a pas un tag, les boîtes aux lettres sont intactes, il n’y a aucun des signes apparents de la dégradation.

Puis, vous avez des bâtiments qui n’ont pas été restaurés du tout depuis le début des années 1960. Ceux-là ont une trentaine d’années d’âge. Ils ont pendant ce temps, logé du monde, aucun gros entretien n’y a été fait mais l’entretien courant a été réalisé. Honnêtement, si chaque Français était logé aussi bien, on en serait ravi.

Alors, quel est le problème ? Il est que dès que vous sortez du bâtiment lui-même et que vous y circulez la nuit, vous risquez des rencontres fort désagréables, la Mercedès du dealer et il faut bien le dire, la circulation de personnes indésirables, qui viennent essayer de vous vendre des choses plus ou moins licites, mais c’est à la sortie du bâtiment. Malheureusement, de temps en temps, ces gens-là se glissent derrière un étudiant, bloquent l’issue de secours, ce qui leur permet de venir frapper aux portes. Mais ce n’est pas l’image démente de l’horreur que l’on veut bien dire. C’est une question d’ordre public, ce n’est pas une question de logement universitaire au sens strict.

L’amalgame est fait. C’est notre grande difficulté. On nous rend responsable de cet état de chose, alors que l’ordre public sur un campus universitaire ne relève pas du CROUS local.

Voilà l’exemple typique de la difficulté devant laquelle on se trouve. Si vous demandez à un responsable ce qu’il faut faire à Nanterre, il vous répondra qu’il faut raser la cité universitaire. C’est faux : il faut assurer la sécurité extérieure des étudiants ! Il existe des bâtiments dépendant des CROUS bien pires, qu’il faut raser avant. C’est cela notre problème. Il n’est pas le fait que les mutuelles vont capter toute une partie de la population estudiantine. La question est celle de nos crédits d’entretien - d’entretien lourd. J’ai visité une quarantaine de cités d’universitaires depuis ma nomination, dispersés sur tout le territoire, à raison de deux jours par semaine. Je n’ai pas visité de bâtiments dont je me dise que la seule solution est de raser, sauf à un seul endroit, Antony. Là, effectivement, une partie est bien entretenue et il y a des taudis dans l’autre.

M. le Président : Y a-t-il déjà eu des bâtiments rasés ?

M. Daniel VITRY : Non.

M. le Président : Il faut dire qu’il existe aujourd’hui une nouvelle structure architecturale.

M. Daniel VITRY : Je suis allé, la semaine dernière, à Dijon où existe un campus superbe, dans une petite vallée, une rue à traverser et vous êtes dans la partie enseignement, de l’autre 3500 logements répartis en plusieurs bâtiments, diversifiés, bien entretenus.

Une rocade à quatre voies doit être construite, qui va se glisser dans la petite vallée et séparer la partie universitaire de la partie logement. Un rond-point de sortie est prévu.

Le bord de la rocade se situera à six mètres du premier bâtiment et tout le génie des ingénieurs consiste à dire que l’on peut construire des murs anti-bruits. Il faut être fou ! D’abord, on met les étudiants derrière le mur, ce qui sera très agréable. Ensuite, les murs anti-bruits, on sait ce que c’est, c’est supportable pour des logements double-face, mais ce n’est pas le cas de nos logements qui sont simple façade. Seule solution, il faut raser deux bâtiments. De plus, ces bâtiments sont à restructurer profondément.

Je ne vais donc pas demander des crédits pour restaurer des bâtiments dont je sais pertinemment, avec la rocade et le pseudo mur anti-bruit, qu’aucun étudiant ne voudra plus y habiter.

Je l’ai dit aux ingénieurs et je les ai désarçonnés. Ils n’avaient jamais imaginé que l’on pouvait raser et reconstruire 300 mètres plus loin des bâtiments qui se mélangeront au reste et que ce serait plus simple, plus efficace de faire cela que d’essayer par un tas de moyens dont on sait qu’ils ne sont qu’à moitié satisfaisants de faire des murs anti-bruit.

On va reconstruire un restaurant universitaire. Donc, vous allez empoisonner la ville de Dijon pendant dix ans car, à chaque inauguration, vous allez voir les étudiants manifester contre le bruit.

Dernier argument : deux bâtiments, avec environ 150 logements à reconstruire, qu’est-ce que cela représente dans le poids d’une rocade à quatre voies ? Une goutte d’eau !

M. le Président : Vous m’avez dit qu’un certain nombre de chambres n’était pas utilisé. Quel est le taux d’occupation de l’ensemble de vos chambres ?

M. Daniel VITRY : Dans la plupart des cités, il est de 98 % et au-delà pendant la période universitaire et dégringole de juin à septembre. En août, il doit être de l’ordre de 20 %, puisque l’on ferme des bâtiments entiers. Il est très élevé dans la période universitaire, sauf dans des cas comme celui de Reims, il ne doit pas atteindre 50 %.

M. le Président : Le cas de Reims est-il unique ?

M. Daniel VITRY : Non, mais le cas est unique à Reims, en ce sens qu’il n’en existe pas d’autre où 50 % de l’équipement géré par le CROUS soit, en fait, de l’équipement HLM - de plus, de très mauvaise qualité. D’habitude, la proportion est plutôt de l’ordre de 25 %.

Nous allons probablement arriver à un arrangement, qui nous coûtera 4 millions de francs, pour sortir de cette difficulté. Un arrangement ! J’aurais, pour ma part, préféré aller devant le tribunal. Mais, sur ce genre de choses, je ne peux pas décider à la place du directeur de CROUS. Cette affaire est presque en voie d’achèvement, je ne vais pas venir jouer les trouble-fêtes.

M. le Président : Les responsables d’étudiants nous disaient que les besoins des étudiants avaient changé, que désormais ils souhaitaient avoir des petits immeubles dans les centres villes, qu’il y avait un rejet de la notion de grande cité. Avez-vous intégré ces éléments dans ce que vous faites ?

M. Daniel VITRY : Complètement. Je suis en discussion à l’heure actuelle avec le ministère du Logement parce qu’il y a peut-être une ouverture pour démarrer des PLA. Pour nous, une cité c’est, au plus, de 200 logements. Les 3 500 logements d’Antony, c’est de la folie !

M. le Président : Les étudiants y sont très sensibles. Ils demandent des petites unités. Répondez-vous à ce souhait quand vous construisez désormais ?

M. Daniel VITRY : Monsieur le président, je suis arrivé il y a trois mois. Je n’ai encore rien construit, mais, bien sûr, il n’y a plus en chantier ces immenses usines à 3 500 logements d’étudiants.

Quand ces cités ont été construites, elles ont été faites ouvertes. A Dijon, il y avait dix-neuf entrées. Comment voulez-vous, dans les circonstances actuelles, surveiller autant d’entrées ? C’est insensé ! Donc, on ne développera pas de programmes de plus de 200 logements.

Sur Paris, le logement estudiantin pose un problème particulier mais grave puisqu’il y est extrêmement limité. On en arrive même à des hypothèses d’équipement de l’ordre de trente-cinq à soixante-dix logements. Pour nous, le plus intéressant est de pouvoir racheter un hôtel - de 70 chambres maximum - ayant fait faillite, que l’on peut remettre en état pour nos besoins.

M. le Président : Combien de chambres offrez-vous sur Paris intra-muros ?

M. Daniel VITRY : On ne dépasse pas les 2 000 logements. C’est la catastrophe.

M. le Président : Pour un besoin que vous évaluez à combien ?

M. Daniel VITRY : Je raisonne sur l’Ile-de-France.

M. le Président : Il me semble qu’il faut avoir deux raisonnements : Paris et le reste.

M. Daniel VITRY : Dans mes fonctions antérieures, j’étais vice-chancelier des universités de Paris et mon rôle consistait à exercer la tutelle sur les universités parisiennes et sur les opérations communes Paris et le reste de l’Ile-de-France. Il en est une qui est fameuse, c’est Ravel ; c’est le système qui permet de prendre en compte les demandes des 120 000 candidats au baccalauréat en Ile-de-France qui veulent ensuite devenir étudiants, pour ceux d’entre eux qui auront réussi le baccalauréat. C’est un mouvement brownien, en ce sens que nous sommes obligés de faire venir sur Paris intra-muros des étudiants qui viennent de très loin, qui ne peuvent venir que dans Paris ; les parisiens, nous avons du mal à les envoyer hors les murs - et à maintenir les étudiants de la moyenne banlieue dans les universités franciliennes non parisiennes. Par rapport au logement, les étudiants sont donc amenés à parcourir de grandes distances.

Nous sommes obligés d’avoir une vision francilienne. On estime le déficit en chambres sur l’Ile-de-France à 15 000, ce qui est considérable.

Rêvons un instant, monsieur le président. Si dans U3M, j’ai la possibilité de construire 18 000 chambres nouvelles, j’en ferai 15 000 en Ile-de-France et 3 000 ailleurs. Le déficit est essentiellement francilien et vous avez aussi quelques petits déficits qui sont très mal vécus localement. Avec l’essaimage des universités, celles-ci se sont implantées dans des villes où vous vous retrouvez, en comptant les BTS et une petite école d’ingénieurs ou de commerce, avec 1 000 ou 1 500 étudiants. Nous avons beaucoup de mal à suivre parce que, pour le logement mais surtout pour la restauration, cela nous fait des unités extrêmement difficiles à gérer.

M. le Président : Les investissements doivent être extrêmement lourds.

M. Daniel VITRY : Ils sont extrêmement lourds. Quand vous avez 1 000 ou 1 500 étudiants dans une petite ville, naturellement, ils ne sont pas concentrés. Ils sont dispersés en centre ville et à la périphérie.

Exemple typique : celui de Lannion. Dans le fond de la vallée, dans la ville même, vous avez cinq BTS, deux écoles d’ingénieurs et, l’IUT lié à Plomeur-Boudou, est sur la colline. Il y a plus de trois kilomètres entre les deux et deux cents mètres de dénivelé avec une zone en rase campagne. Vous connaissez le climat local ; en hiver, il est difficile de dire aux étudiants de l’IUT d’aller dîner en bas ou à ceux d’en bas de monter. Concrètement, nous sommes obligés d’avoir un restaurant universitaire en bas et une cafétéria en haut. Tout le monde, les collectivités locales en tête, trouve que le restaurant doit être ouvert midi et soir, week-end compris. Mais aussi en haut, parce que les pauvres étudiants de l’IUT, on ne va pas les abandonner. Comment voulez-vous que l’on tienne ?

Les restaurants servent environ une vingtaine de jours ouvrables par mois. Je vois remonter les états de tous les restaurants de toute la France. Un nombre de restaurants non anecdotique sert entre vingt et cinquante-deux repas sur un mois le soir. Comment voulez-vous que je maintienne une structure de restauration ouverte le soir - cela représente tout de même au moins cinq personnes employées - si elle ne délivre même pas un repas par jour certains jours ? Les étudiants viennent souvent à deux ou trois ensemble, cela veut dire que, certains jours, il n’y a eu personne. C’est là où est notre vrai problème. Les mutuelles ne sont pas concurrentes.

M. le Président : Certaines mutuelles ont signé des partenariats avec Mc Do. Qu’en pensez-vous ?

M. Daniel VITRY : Je l’ignorais totalement.

M. le Président : Avez-vous, vous, signé des partenariats de ce type ?

M. Daniel VITRY : Pour un tas de raisons, cela ne me viendrait pas à l’idée. Je suis pourtant prêt à imaginer beaucoup de solutions originales. Mais, en fait, en termes de concurrence, c’est à côté de la question car les Mc Do et autres restaurants de ce type représentent, pour ce qui est du soir, environ 3,5 % de l’ensemble de la restauration, et le midi, n’atteignent pas les 5 %.

M. le Rapporteur : Lorsque vous faites des logements, le système de financement est-il un système analogue aux offices publics d’HLM, c’est-à-dire un loyer d’équilibre, avec possibilité d’avoir les PLA, ou est-ce plus proche de ce qui se fait habituellement dans le secteur privatif ?

M. Daniel VITRY : Malheureusement, c’est du coût par coût, du cas par cas et cela relève assez souvent du bricolage !

Je me pose la question suivante : quelles sont les modalités de financement auxquelles je peux avoir recours en fonction du loyer de sortie que je veux obtenir ? Compte tenu du fait que j’ai surtout comme problème la remise en état, et non la construction neuve, il est clair que si je veux faire du logement social à 350 à 450 francs nets, à charge pour l’étudiant, la subvention est à peu près mon seul moyen de le faire.

En fait, après quelques calculs, j’ai pu parvenir à la conclusion suivante : si l’on empruntait 15 % de la totalité du coût de remise en état, on tiendrait à peu près dans les prix, à condition que le crédit ne soit pas trop cher.

Mais le problème est de savoir à qui demander cette subvention. Les collectivités territoriales, vous le savez bien, n’ont aucune envie d’aller dépenser beaucoup d’argent pour restaurer de façon très lourde des bâtiments qui appartiennent à l’Etat. Je comprends assez bien le raisonnement.

Les PLA ont été, dans le passé, un peu détournés. Le PLA a été fait, dans un certain nombre de cas au profit des étudiants, en pensant à des étudiants, mais a été récupéré par les OPHLM et les étudiants ont été oubliés. Il nous faudrait une sorte de PLA labellisé, de façon que l’on puisse effectivement construire pour les étudiants.

Sur le logement à hauteur de 800 francs, loyer net pour les étudiants, il nous faudrait des subventions d’Etat. Mais nous devrions y arriver plus facilement, à supposer que l’on nous autorise à emprunter.

La façon de traiter la question a souvent été de dire que, compte tenu des aides que reçoivent les étudiants, les CROUS devraient pouvoir emprunter et qu’il n’était donc pas nécessaire de verser des subventions. Mais, ensuite, quand on veut faire une opération d’emprunt, la tutuelle refuse, car ce ne sont pas les mêmes services qui traitent les deux aspects de la question. A l’heure actuelle, les textes permettent les emprunts, mais aucun emprunt à la Caisse des dépôts n’a encore été autorisé. Il y a eu deux tentatives avant que j’arrive. Sous des prétextes divers, les opérations ont avorté. Mais, je ne sais pas restaurer ou construire quand je n’ai ni subvention, ni emprunt !

M. le Rapporteur : Ce doit être difficile. Estimez-vous que le CNOUS a une masse critique suffisante pour jouer un rôle de régulateur sur le logement étudiant ou pensez-vous que vous comptez très peu ?

M. Daniel VITRY : Nous avons la masse critique. Autrement dit, si l’on m’accorde les moyens financiers de récupérer ce que des mutuelles lâcheraient, je prendrai, cela me permettrait d’avoir une politique plus homogène, plus fine, plus triée, mais je n’en ai pas besoin pour survivre.

M. le Président : En matière de culture, les mutuelles ont eu une action culturelle, en particulier vis-à-vis des cinémas, en prenant en charge une partie du prix du ticket de cinéma. Quelle est votre politique en la matière ?

M. Daniel VITRY : Nous ne faisons pas cela, mais nous pourrions y arriver. Pour l’instant, quand nous disions que les CROUS ont une politique culturelle, c’est en fait qu’ils essaient d’animer les cités. Cela consiste, par exemple, lorsque les universités sont proches ou mêlées au campus, à essayer de faire des opérations conjointes avec elles, ou encore à s’entendre pour ne pas faire une opération pendant les périodes d’examens. Nous participons également à des opérations nationales, comme le poème, la photographie, etc.

M. le Président : N’avez-vous pas une action spécifique vis-à-vis des cinémas d’art et d’essai ?

M. Daniel VITRY : Nous avons des salles qui servent d’art et d’essai. Mais, vous savez, chaque CROUS est un établissement public autonome, jaloux de son autonomie. On répond à ma question si elle est posée gentiment, sinon on peut me répondre que le dossier va suivre...

Mais nous réfléchissons à certaines opérations, notamment à propos de la monétique. La monétique, c’est une façon de gérer les fonds et il est clair qu’à l’occasion de la monétique, et de la carte à puce qui peut être la traduction technique de la monétique, nous chercherons, si ce projet voit le jour de façon efficace, à utiliser la puce de la carte pour avoir aussi des accords avec les cinémas d’art et d’essai, les cinémas commerciaux, les musées et tous autres aspects culturels que l’on peut imaginer, parce qu’il y a là un moyen simple d’avoir une politique efficace.

M. le Président : Je vous remercie, monsieur le Directeur. Nous vous avons écouté avec beaucoup d’intérêt.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr