Présidence de M. Louis MERMAZ, Président

MM. Serge ALBERNY et Rémy CARRIER sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, MM. Alberny et Carrier prêtent serment.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation de la commission. Je vous poserai immédiatement une première question : pensez-vous que votre profession évolue et si cela est le cas dans quel sens ?

M. Serge ALBERNY : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la profession ne peut pas évoluer si le contexte général n’évolue pas lui-même. En réalité, on ne se donne pas les moyens pour que l’évolution du métier qui a lieu soit partagée par les personnels pénitentiaires.

Ces derniers, qui doivent garder les détenus, doivent aussi participer à leur réinsertion et devraient pouvoir connaître la situation du détenu une fois qu’il a recouvré la liberté. Notre travail est intéressant, nous sommes chargés d’établir des relations humaines avec les personnes incarcérées, mais nous ne sommes pas tenus informés des suites une fois ces personnes libérées. Dès lors, nous avons l’impression de travailler non pas avec des hommes mais sur un produit.

L’évolution de la profession ne pourra pas se faire avec les personnels tant que ceux-ci seront aussi mal considérés et que leurs missions seront aussi mal perçues par l’opinion publique. Malheureusement, les dirigeants sont incapables d’expliquer notre profession à l’opinion publique. L’image qui en est donnée est péjorative. Les surveillants sont aujourd’hui des gens frustrés alors qu’ils ont une grande capacité à s’intégrer dans le système pénitentiaire et à participer à son évolution.

S’il y a une évolution, nous ne la ressentons pas, car les personnels n’y ont pas une part active. Les personnels de surveillance, notamment, sont volontairement cantonnés dans une simple mission de garde, de porte-clés ou de presse-bouton. Un surveillant ne peut pas entretenir de relations individuelles lorsqu’il est seul dans une coursive de 140 détenus.

M. le Rapporteur : La commission a souhaité entendre les personnes qui sont en contact direct avec les détenus. Le nombre de surveillants par rapport au nombre de détenus est déséquilibré. Quelle serait la norme dans un établissement de taille moyenne pour remplir votre mission telle que vous l’avez définie : mission de garde et de préparation à la réinsertion ?

M. Serge ALBERNY : Il convient de distinguer les personnes condamnées des prévenus.

Les prévenus, présumés innocents, sont plus mal traités que les personnes condamnées ! Ceci est involontaire, bien entendu, et résulte d’un manque de moyens. Le surveillant ne peut observer, écouter, expliquer la contrainte du règlement s’il est sans cesse en train de descendre et de monter les escaliers pour répondre aux demandes des intervenants - magistrats, avocats, etc.

Notre travail est méconnu, mal perçu du public, et l’accumulation des tâches au gré des réformes aggrave notre situation. Auprès des prévenus, le contenu du travail est vraiment pauvre. Nous ne sommes que des "concierges" et les rapports humains sont purement hypothétiques. Notre rôle se limite à une fonction de sécurité et notamment de prévention des incidents collectifs.

Observer le détenu en maison d’arrêt est très difficile, notamment la nuit. Le surveillant ne possède pas les clés des cellules. Or on affirme souvent que le surveillant est complice, par son comportement passif, des actes violents commis à l’intérieur des cellules surpeuplées.

M. le Rapporteur : Que fait un surveillant - qui n’a pas de clés - lorsqu’il entend un appel au secours ?

M. Serge ALBERNY : Il est censé appeler le gradé de nuit. Mais dans 90 % des établissements, il n’y a pas un gradé de nuit mais un gradé de permanence à domicile. Nous devons donc l’appeler chez lui pour qu’il vienne ouvrir la cellule.

Il est encore plus incroyable qu’il n’y ait pas de surveillante de nuit dans les 73 quartiers de femmes. Elles sont d’astreinte à domicile. S’il y a un problème en cellule, la détenue appelle par un interphone le surveillant homme, qui téléphone à son gradé de permanence, qui, à son tour, téléphone à la surveillante pour qu’elle se rende dans son établissement !

Nous ne cessons de protester contre ce type de pratiques, mais malheureusement les mouvements de personnels se banalisent et sont dévalorisés. Nous n’avons de cesse de demander des moyens et des effectifs supplémentaires ainsi qu’une organisation plus conforme aux missions qui nous sont confiées. Mais nous ne sommes pas entendus.

M. Rémy CARRIER : Serge Alberny vient d’évoquer le problème des appels de nuit. A ce sujet, il convient de savoir que dans la plupart des cas les gradés ne sont pas immédiatement disponibles et que le fonctionnement de l’établissement en service de nuit est ralenti. Ceci veut dire que l’ensemble des effectifs n’est pas disponible : les étages ne sont pas couverts par des surveillants mais les constats se font à l’occasion de rondes inopinées. Bien souvent l’amplitude entre deux rondes est de deux heures. Le détenu qui souhaite en finir avec ses jours ou agresser l’un de ses codétenus attendra que la ronde soit passée pour passer à l’acte. Il n’est donc pas toujours possible de percevoir un appel au secours - une détention en service de nuit restant toujours bruyante.

M. Serge ALBERNY : En ce qui concerne les centres pour peines, il faut s’inquiéter du risque de surpeuplement. Pour l’instant, les détenus sont seuls en cellule, ce qui est bien - cela serait également souhaitable en maison d’arrêt - mais il faut y veiller. J’ai calculé qu’il faudrait 9 milliards de francs pour que tous les prévenus puissent bénéficier d’une cellule individuelle !

La multiplication des placements en centres pour peines, provoque une réduction des activités. Dans ces centres, le surveillant maîtrise le temps et l’espace par l’intermédiaire des activités, du travail pénal et des loisirs. Si les activités sont réduites, les détenus deviennent oisifs et ont tendance à organiser des actions concertées. Cependant, je ne peux pas dire que tout va mal dans ces établissements.

Le projet d’exécution des peines devrait être développé et le détenu rendu plus autonome en étant placé, en fin de peine, dans des établissements plus ouverts vers l’extérieur. La prise en charge des détenus n’encourage pas certains d’entre eux à préparer mieux leur réinsertion.

On constate que le détenu est très mal préparé à la liberté. On ne peut pas demander à la prison de réussir là où la société a échoué. Mais elle peut apprendre au détenu le respect des règles - qu’il n’a pas respecté dehors - et lui faire comprendre qu’elle est un lieu privilégié pour préparer sa réinsertion. Le problème majeur est qu’il n’existe pas de suivi post-pénal. On le constate par le nombre de récidives. Il est d’ailleurs scandaleux que l’administration pénitentiaire ne soit pas dotée d’outils d’évaluation et de statistiques de la récidive. Sans chiffres, il est difficile d’évaluer l’action de l’administration pénitentiaire.

Nous souhaitons que les personnels soient associés au travail effectué en milieu ouvert. Mme le ministre veut développer les centres de préparation à la sortie ; nous y sommes très favorables. Le juge n’est actuellement pas incité à prendre de mesures alternatives car le milieu ouvert n’est pas sécurisé et il craint les réactions de l’opinion publique. Or, il peut y avoir un juste milieu et un lieu pouvant le concrétiser : ce sont les centres pour peines aménagées, qui remplaceraient peu à peu les centres de semi-liberté. Je rappelle d’ailleurs que les critères de placement en centres de semi-liberté, comme ceux de la libération conditionnelle, sont faussés en raison du chômage.

Les centres pour peines aménagées permettraient aux personnels pénitentiaires de jouer un rôle de tuteur pour guider le détenu vers l’extérieur. Nous proposons, en effet, que nos missions aillent au-delà du milieu fermé car nous connaissons parfaitement les détenus et parce que cela permettrait de porter remède à la frustration des personnels pénitentiaires.

Les travailleurs sociaux ne peuvent, ni ne souhaitent, être les seuls à faire respecter le contrat en dehors de la prison. Ils ne souhaitent pas non plus s’occuper du bracelet électronique. Ils sont d’accord pour exercer un accompagnement social mais ne souhaitent pas aller au-delà. La réinsertion et la sécurité vont de pair. On refuse au personnel pénitentiaire une participation à ces missions. Il en résulte des frustrations.

M. Robert PANDRAUD : Je partage tout à fait votre point de vue sur l’intérêt de posséder des statistiques sur les récidives, mais avez-vous une idée de la méthode de comptabilisation ? Un récidiviste est celui qui est arrêté une seconde fois ; comment prendre en compte ceux qui ne sont pas arrêtés ? Ils échappent aux statistiques. Est-il nécessaire de posséder un outil statistique dont on sait que les chiffres sont totalement faussés ?

M. Serge ALBERNY : Je ne rentrerai pas dans un débat politique. Je parle en termes d’outil de travail, c’est-à-dire de l’évaluation des personnes que l’on a sous notre garde. Ces personnes se sont-elles réinsérées ou ont-elles récidivé ? La récidive est pour nous un échec et dévalorise, en conséquence, nos missions. L’administration pénitentiaire doit faire ce constat d’échec. Le personnel pénitentiaire a-t-il simplement pour mission de garder le détenu ou doit-il également l’accompagner et l’aider à s’amender s’il le souhaite ?

M. Rémy CARRIER : Il est vrai qu’il est presque impossible d’évaluer le taux de récidive. En revanche, il serait intéressant de mettre en _uvre une méthode de suivi des détenus pour savoir si une personne confiée à l’administration pénitentiaire et qui est ressortie, a été rendue corrigée à la société ou si elle est plus dangereuse encore.

Malheureusement, on constate, au regard de ce qui peut se passer au sein de certains établissements, que des personnes qui ont été condamnées pour des délits de moyenne gravité ont récidivé en commettant des délits plus graves. Dans ce cas, c’est un échec absolu pour la société. Voilà l’utilité des chiffres que l’on réclame.

M. Robert PANDRAUD : Existe-t-il un fichier national des détenus ?

M. Serge ALBERNY : Il existe le casier judiciaire. Il faudrait interroger l’administration pénitentiaire sur ce point.

M. le Rapporteur : Quelles informations vous donne-t-on sur les personnes qui vous sont confiées ?

M. Serge ALBERNY : Aujourd’hui, un surveillant n’a pas le droit de savoir pour quel délit ou quel crime un détenu est incarcéré. Même si le détenu est particulièrement signalé, ou doit être protégé, on ne sait pas quelles en sont les raisons. En fait, on le sait, par les bruits de couloir. Le projet GIDE de gestion informatique des détenus qui se met en place actuellement va pouvoir nous aider dans notre tâche si l’on nous donne la possibilité de consulter le greffe.

M. Emile BLESSIG : Les faits qui mènent une personne en détention sont des secrets de polichinelle ; je pense notamment à la sélection des détenus en fonction de la nature de l’infraction et la répartition des quartiers entre les délinquants sexuels et les autres.

Il me paraît, par contre, inconcevable que l’on soit quelquefois obligé d’éloigner à plusieurs centaines de kilomètres un détenu parce que l’on est incapable d’assurer sa sécurité dans certaines maisons d’arrêt.

Par ailleurs, vous avez parlé d’échec ; mais quand une personne est incarcérée, ce n’est pas un échec, mais cela résulte d’une succession d’échecs puisqu’elle est passée par l’ensemble des institutions de socialisation. Le défi, quand on parle de préparation à la réinsertion, est le suivant : la prison peut-elle réussir là où toutes les autres institutions ont échoué et comment ?

Le détenu se caractérise par une perte de repères. Quelles seraient les priorités à une réinsertion - car la prison, si elle ne peut réinsérer, peut préparer le retour à une autre vie ?

M. Serge ALBERNY : Nous nous étonnons que la réforme de 1974 n’aie pas eu de conséquences positives sur la façon de traiter les détenus. Que l’on soit aujourd’hui condamné à une très longue peine ou à une courte peine, le régime est le même. Je dirai même que ce régime est meilleur dans les maisons centrales que dans les centres de détention régionaux ! La politique de l’administration pénitentiaire est simple : il ne faut pas faire de vagues. C’est la raison pour laquelle elle cède devant un détenu fort, dangereux et exigeant, pouvant de surcroît organiser des mouvements collectifs.

A partir du moment où elle cède, il n’y a plus de classification logique des établissements pénitentiaires ni de régimes progressifs. C’est le cas aujourd’hui, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. Le détenu qui n’a pas envie de se réinsérer est le caïd dans l’établissement. La seule solution utilisable, malheureusement, est de jouer sur le bâton et la carotte.

Si un détenu accepte la règle en maison centrale, il bénéficiera d’une meilleure orientation et on l’affectera en centre de détention. S’il se tient bien en centre de détention, on préparera un projet de sortie à partir du moment où il est actif dans cette préparation. C’est la seule démarche qui pourrait donner une utilité à la prison.

Mais aujourd’hui les personnels ressentent la prison comme un endroit de type hôtelier où les dirigeants sont plus préoccupés par le nombre d’étoiles que l’on attribuera à l’hôtellerie que par l’aspect psychologique.

Les directeurs ont tous le même discours : ils souhaitent que la prison change et veulent la moderniser. Cependant la situation ne change pas : l’action des personnels est dévalorisée et ils sont de moins en moins nombreux. Les détenus, quant à eux, sont de plus en plus nombreux et les rapports individuels deviennent impossibles. On arrive ainsi à un constat d’échec.

Je voudrais également souligner un paradoxe : dans les établissements neufs - et je pense au programme des 13 000 - le prix d’entretien au mètre carré est le double de celui d’un établissement traditionnel. On s’inquiète du sort des détenus incarcérés dans des établissements vétustes, mais si, dès le départ, des budgets suffisants avaient été prévus pour entretenir ces locaux, ce problème ne se poserait pas. Les anciens établissements sont oubliés au profit des nouveaux. Il n’est donc pas étonnant que des aberrations soient dénoncées.

Pour que la prison soit utile, il faut que le personnel ait un rôle mieux perçu par l’opinion publique et des objectifs clairs. Il ne doit pas être confronté à des changements radicaux à chaque fois que les gouvernements changent. Les détenus et les personnels pénitentiaires sont les otages de la politique.

M. Rémy CARRIER : Actuellement, nous disposons d’environ 34 000 cellules monoplaces en maisons d’arrêt. Un tiers ne sont plus aux normes, en termes de surface, je ne parle pas de l’ancienneté ou de l’hygiène.

Les personnels sont dans l’impossibilité de prendre en charge les détenus - qui sont en surnombre - car ils sont en sous-effectifs. Il n’est donc pas possible d’effectuer un travail de réflexion avec le détenu.

M. Bruno LEROUX : Comment se positionne votre organisation dans le débat actuel relatif au contrôle extérieur des établissements pénitentiaires ? Que pensez-vous de la création d’une commission supérieure de déontologie de la sécurité ?

Quel jugement portez-vous sur la façon dont notre société se sert de la prison ? En dehors de l’aspect préventif, avez-vous le sentiment de voir aujourd’hui en prison des personnes qui ne devraient pas y être mais qui auraient dû bénéficier d’une peine alternative ?

M. Serge ALBERNY : Nous sommes tout à fait favorables à un contrôle pour démontrer que le personnel pénitentiaire fait bien son travail. Bien entendu, la profession comprend également des marginaux, comme partout. Simplement les médias ne parlent que de ce qui va mal. Un contrôle pourrait donc mettre en valeur ce que l’on fait de positif.

Un amendement a été voté qui permet aux élus de se rendre dans un établissement à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Ils peuvent en outre participer aux commissions de surveillance.

Nous avons eu un comportement très réactif face à la commission Canivet car nous ne comprenons pas du tout dans quel esprit le contrôle qu’elle propose va être exercé.

Il existe une commission supérieure de la déontologie de la sécurité. Mme le ministre s’est trompée car elle ne souhaite pas que l’administration pénitentiaire y soit intégrée, au motif que le personnel pénitentiaire n’est pas chargé du maintien de l’ordre à l’extérieur. Or, nous sommes la troisième force de sécurité publique du pays.

M. Bruno LEROUX : Elle a changé d’avis et accepté.

M. Serge ALBERNY : La commission Canivet a été mise en place pendant la campagne des élections professionnelles, ce qui est toujours un mauvais moment. Nos élus étaient plus préoccupés par la campagne électorale que par les travaux de la commission.

Nous considérions qu’il s’agissait d’un contrôle maison à partir du moment où Mme le ministre de la justice demandait au président de la cour de cassation d’en établir les règles. Par ailleurs, les participants, au lieu de travailler activement à l’élaboration d’un réel contrôle, fondé sur une vraie déontologie, se sont contentés de faire le procès du personnel pénitentiaire.

Il serait temps de moderniser le code de déontologie et d’en tirer les conséquences dans le projet qui est en cours d’élaboration. Nous savons qu’il est interdit de boire de l’alcool et d’arriver à notre poste de travail en état d’ébriété ! Nous savons qu’il est interdit de frapper un détenu ! Or il semble que ce contrôle extérieur mettrait en valeur un code de déontologie que nous refusons !

Nous souhaitons reprendre ces travaux pour travailler sérieusement avec le personnel au lieu de le contraindre à partager des points de vue qui salissent la profession.

Il est vrai qu’un certain nombre de détenus ne sont pas à leur place en prison. Mais si le juge - qui a un énorme pouvoir - ne veut pas prononcer de peines alternatives, personne ne peut l’y forcer. Nous sommes favorables aux peines alternatives à l’incarcération s’il y a sécurisation du milieu ouvert ; dans le cas contraire, l’opinion publique réagira. Et les élus adapteront leurs comportements aux réactions de l’opinion.

M. Hervé MORIN : Premièrement, existe-t-il une crise du recrutement dans l’administration pénitentiaire ?

Deuxièmement, les départs de cette administration sont-ils nombreux ?

Enfin, la situation est-elle très inégalitaire au sein des prisons en fonction du statut social des individus ?

M. Serge ALBERNY : Oui, il y a une crise du recrutement car ceux-ci sont insuffisants. En outre, il y a encore un an des personnels étaient recrutés en moyenne avec un niveau baccalauréat + 2. Aujourd’hui, la publicité qui est faite de notre métier a fait baisser le niveau ! Ce n’est pas ainsi que l’on valorisera cette profession. Par ailleurs, de nombreux élèves surveillants démissionnent. Ceci démontre que le métier est peu attrayant.

Nous souhaitons que la prison soit républicaine. Nous avons participé à un groupe de travail sur le bracelet électronique. Il nous a été fait un compte rendu des études menées dans les pays scandinaves. Nous nous sommes alors aperçus que l’aspect économique de cette question n’était pas négligeable.

Plus les fonctions seront privatisées dans les prisons et moins il y aura d’égalité dans le traitement de la population pénale. M. Bonnemaison avait publié un fascicule au moment de la discussion de la création des prisons privées, intitulé " Les barreaux d’argent ". En fait, on assiste à une dérive, l’Etat souhaitant transférer au privé ce qu’il n’a pas réussi à faire.

Nous sommes favorables à un Etat républicain, une prison républicaine et à un traitement égalitaire des détenus, alors que leurs moyens sont très variables. Il faut d’ailleurs à cette fin développer le travail pénal. Le détenu ne doit pas être simplement assisté, on doit lui offrir un travail.

M. Robert PANDRAUD : Vous avez parlé de la responsabilité du juge d’application des peines. Cette fonction doit-elle rester judiciaire ou pourrait-elle être confiée aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ? En quoi l’application des peines est-elle une mission de justice ?

M. Serge ALBERNY : Il s’agit là d’un débat politique. Nous ne représentons que le syndicat national pénitentiaire Force ouvrière des personnels de surveillance.

Les juges d’application des peines devraient faire davantage de visites dans les établissements pénitentiaires. Ils devraient se montrer plus intéressés par la prison s’ils veulent vraiment être respectés et considérés.

En ce qui concerne le bracelet électronique, la question se pose de savoir qui va remettre le bracelet au détenu ? Qui, pénalement, sera responsable ? Bien entendu, tout le monde pense au surveillant, car il a la " tête de l’emploi " ! Là justement le juge d’application des peines devrait intervenir.

L’administration pénitentiaire est chargée de faire appliquer la peine ; elle n’est pas chargée de l’interpréter.

Pour conclure, je dirai que nous souhaitons avoir, dans l’administration pénitentiaire, des dirigeants qui gouvernent et qui prennent leurs responsabilités.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr