M. Michel ROY : La table ronde organisée ce matin couvrira le temps qui relie l’arrestation à la libération. Suite aux exposés des différents participants, nous vous inviterons à poser toutes les questions que vous souhaitez, car nous espérons que vous obtiendrez l’information nécessaire à vos travaux.

Nous sommes la seule administration centrale ; nous comptons cinq administrations régionales, dirigées par des sous-commissaires régionaux.

J’ai en charge le développement organisationnel, c’est dire les politiques de recherche, de poursuites contre les détenus, de suivi des droits de la personne au plan international et intergouvernemental.

Avec nous, William LENTON, commissaire adjoint des services fédéraux, gendarmerie royale du Canada, décrira le rôle de la gendarmerie royale du Canada et le système de justice pénale.

Daniel A. BELLEMARE, sous-procureur général adjoint au ministère de la Justice du Canada exposera les multifonctions du ministère de la Justice.

Notre service compte cinq administrations régionales dirigées par des commissaires régionaux. Richard Watkins, sous-commissaire de la région du Québec, vous parlera du versant opérationnel du ministère, de l’admission du détenu et de son incarcération.

Richard CLAIR, directeur général des programmes correctionnels et de la réinsertion sociale des délinquants, présentera les programmes correctionnels et la réinsertion sociale des délinquants.

Georges POIRIER, directeur des enquêtes du bureau de l’Enquêteur correctionnel du Canada, expliquera le rôle de l’enquêteur.

Mme Renée COLLETTE est première vice-présidente de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Elle vous parlera du processus de libération conditionnelle du délinquant.

M. le Rapporteur : Merci de votre accueil.

L’Assemblée nationale française a décidé la création d’une commission d’enquête sur la situation du système pénitentiaire dans notre pays, dont vous trouvez ici les meilleurs éléments !

La commission a entamé ses travaux au mois de février et doit rendre son rapport au début du mois de juillet.

Nous avons visité un grand nombre d’établissements pénitentiaires français et il nous a semblé intéressant de venir vous voir, car la réputation du système canadien est grande. Vos recherches et techniques permettront peut-être d’améliorer le nôtre.

Encore une fois, merci de votre accueil et de consacrer de votre temps à répondre aux questions que nous vous poserons.

La délégation est composée de Mme Christine BOUTIN, députée des Yvelines, UDF ; de M. Jean-Yves CAULLET, député de l’Yonne, socialiste ; de M. Alain COUSIN, député de la Manche, RPR ; de M. André VALLINI, député de l’Isère, socialiste ; de M. Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes, RPR, de moi-même, député de la Loire-Atlantique et rapporteur de la commission d’enquête.

M. William LENTON : Bienvenue au Canada et dans la ville d’Ottawa.

La gendarmerie royale du Canada compte un effectif d’environ 20 000 agents, dont certains ont le statut de policier ; d’autres sont des personnels civils et de soutien. Son budget avoisine les deux milliards de dollars.

Le service de police fédérale comprend pour une part des services contractuels de police. Cette branche compose plus de la moitié de notre organisation, rend des services de première ligne. Outre le Grand Nord du Canada, nous offrons également ce service de ville dans 200 municipalités à travers le pays, dont cinquante-six importantes.

La partie fédérale dont je suis directement responsable concerne environ 25 % de l’effectif de notre organisation, affectés aux questions fiscales : les enquêtes de stupéfiants, les enquêtes de douane, l’immigration, les crimes économiques et informatiques.

En tant que police nationale, relève également de notre responsabilité la coordination de la lutte contre le crime organisé. Notre service est le mieux placé pour dédier des ressources à des enquêtes à long terme entreprises avec nos partenaires du Québec, l’Office de police d’Ontario et les polices de ville comme Toronto, Montréal, Vancouver notamment, selon les besoins de l’enquête.

Le code criminel, de portée fédérale, est administré au niveau provincial. Au plan correctionnel, lorsqu’une personne est condamnée à deux ans et plus, elle relève d’un traitement fédéral ; autrement, elle relève du service provincial.

Nous menons l’enquête selon les instructions des juridictions. Le rôle de l’enquêteur prend fin lors des dépôts des plaintes. L’individu est arrêté par la police, est présenté devant un tribunal et relève alors de sa responsabilité. Il est en détention temporaire jusqu’au moment où il est formellement condamné et passe alors sous la responsabilité des services correctionnels fédéraux pour les condamnations de deux ans et plus. Si la condamnation est inférieure à deux ans, la personne est prise en charge par la province.

Lorsque la personne relève du service correctionnel fédéral, l’enquêteur rédigera un rapport, lequel précisera l’ampleur et la nature du crime, le niveau de complicité et soulignera les éléments de crime organisé, cela dans le but d’aider les services correctionnels à évaluer les personnes auxquelles ils auront affaire - par exemple, si elles font partie d’un gang criminel. De telles données permettront de déterminer leur placement. Pour un grand nombre de détenus, le rapport constitue notre dernière intervention. Nous pouvons encore intervenir si une personne est éligible à la libération conditionnelle. S’il y a "un bris de condition", le service de libération conditionnelle émettra un mandat dont nous nous chargerons en commençant par l’inscrire au système national auquel tous les services de police ont accès pour identifier des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrestation. Les services fédéraux seront en charge de l’administration et veilleront à la bonne exécution du mandat. La police de première juridiction, celle où la personne se trouve, procédera à l’arrestation. Si la personne en libération conditionnelle enfreint les conditions, nous pouvons demander aux services de libération conditionnelle s’ils veulent que la personne soit ou non arrêtée.

Nous pouvons également avoir un lien avec le service lors de la libération définitive de l’individu. Autrefois, nous établissions des rapports ; ce n’est plus le cas aujourd’hui, excepté si on nous le demande, notamment lorsque nous savons que des personnes dans le milieu poursuivent leurs activités criminelles à partir de la prison. En ce cas, nous nous concertons avec le service pour savoir comment gérer le détenu.

Un point litigieux porte sur les personnes dont on sait qu’elles représentent un danger pour le public ; c’est le cas des pédophiles. Subsiste une hésitation entre privilégier la vie privée de l’individu libéré et la responsabilité vis-à-vis du public, la question étant de savoir s’il faut aviser nos concitoyens de la présence d’une personne à risque dans la résidence voisine de chez eux.

M. le Rapporteur : Vous les avisez ?

M. William LENTON : Cela nous arrive. La décision est longuement débattue. La police de juridiction locale peut prendre la décision d’aviser lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un maniaque. Elle souhaite protéger le plus possible les droits du détenu qui sera relâché, mais toujours dans l’intérêt du public.

M. Jean-Luc CAULLET : Qui avisez-vous ?

M. William LENTON : Nous procédons par annonce dans les journaux.

Mme Christine BOUTIN : Comment réagit la population ?

M. William LENTON : C’est le problème, car la situation n’est guère aisée à gérer. Si l’on ne dit rien et que se produit ensuite un incident, la police et les services correctionnels sont critiqués pour avoir relâché une personne sans au préalable en avoir informé le public ; d’un autre côté, ceux qui défendent les droits de la personne, estiment que l’on porte atteinte aux droits des personnes relâchées.

M. Jean-Luc WARSMANN : Très concrètement, paraît un communiqué de la police locale indiquant que M. x demeure désormais à tel endroit et qu’il présente tel degré de dangerosité ou qu’il a été condamné pour pédophilie. Comment cela se passe-t-il ?

M. William LENTON : Cela dépend de la nature du crime. L’adresse précise ne sera pas livrée ; sera uniquement indiquée la ville où demeure la personne en cause.

M. Jean-Luc WARSMANN : Avec la photographie de la personne ?

M. William LENTON : C’est déjà arrivé.

M. Michel ROY : Il faut préciser qu’une telle procédure est très controversée.

M. Georges POIRIER : Il arrive qu’un individu mal accepté dans une communauté déménage dans une autre où il n’est pas connu et où les forces policières seront moins informées.

M. le Rapporteur : L’individu est-il obligé de rendre compte à la police ?

M. William LENTON : Cela dépend : si la peine est totalement effectuée, il est libre dans la communauté.

M. le Rapporteur : En libération conditionnelle, peut-il se retrouver épinglé sur le mur avec sa photo ?

Mme Renée COLLETTE : Non. Lorsque quelques services de police ont procédé à l’affichage de photos sur des poteaux, ce fut un tollé de protestations.

Les médias annoncent la venue de telle personne dans telle région ; certains groupes de la population protestent pendant que d’autres ont décidé la mise en place de groupes de soutien pour accompagner la personne et l’aider à se réinsérer dans la communauté. Nous privilégions ce type d’action plutôt que l’affichage. Je pense que mes collègues seront d’accord avec moi.

M. Michel ROY : Cela fait l’objet de controverses. L’évolution qui se dessine est plutôt répressive. Mais il n’en est pas ainsi dans toutes les provinces, certainement pas dans toutes les communautés et ce n’est le fait ni des corps policiers ni des médias ou des élus locaux.

M. le Rapporteur : Aux Etats-Unis, dans certains Etats, la difficulté est grande, car on commence à trouver sur Internet la diffusion de ce type d’informations, d’autant que la formule d’accompagnement que vous préconisez n’existe pas.

Mme Renée COLLETTE : Elle n’existe pas non plus partout au Canada. Si vous aviez l’opportunité de visiter ce pays d’un océan à l’autre, comme nous le disons, vous constateriez différentes tendances selon que l’on se place politiquement à droite, à gauche ou au centre. Le courant américain nous atteint parfois. Des éléments font l’objet de controverses. En tout cas, de telles méthodes poussent les personnes à la clandestinité, ce qui aboutit souvent à la suspension de la libération conditionnelle, car on ne sait plus où elles sont, ce qui est d’autant plus dangereux, que l’on ignore ce qu’elles font ; en outre, on les place en situation de récidive encore plus grande.

M. Richard WATKINS : Lorsque les personnes sont en libération conditionnelle ou en semi-liberté, l’encadrement dicté par la commission est très serré. Elles doivent rendre compte à nos agents.

M. le Rapporteur : Le rôle de la gendarmerie royale s’applique-t-il au contrôle des libérations conditionnelles ou à tous les détenus ?

M. William LENTON : Les libérations conditionnelles relèvent de sa responsabilité selon le rapport d’incarcération, à moins que la personne ne soit en défaut. Des conditions sont fixées par le service de libération conditionnelle, par exemple, pour un pédophile de rester à une certaine distance des écoles. Les conditions se fondent sur la nature du délit. Le rapport établit si le traitement a été suivi par l’individu et si des progrès ont été réalisés.

Nous jouons un rôle également avec les services d’Interpol. Il nous arrive en outre d’être obligés de rétablir l’ordre dans l’institution, par exemple en cas d’interruption de service pour problèmes syndicaux, afin d’assurer la sécurité.

M. le Rapporteur : Les gardiens n’ont pas le droit de grève ?

M. Jean-Luc WARSMANN : Ils ont sans doute le droit de faire grève en dehors des heures de travail.

M. Richard WATKINS : Les gardiens ont le droit de grève, mais étant considéré comme un service essentiel, ils ne peuvent, en effet, faire grève qu’en dehors des heures de travail. Mais cela n’en reste pas moins efficace !

M. Jean-Luc WARSMANN : Cela bloque les tribunaux.

M. William LENTON : La gendarmerie a procédé à une enquête sur la corruption qui a impliqué des employés et certains détenus.

M. le Rapporteur : Les gendarmes intervenant dans les prisons en cas d’émeutes ou de difficultés reçoivent-ils une formation particulière ?

M. William LENTON : Il est rare qu’ils aient à intervenir, mais lorsque cela se produit, ils reçoivent une petite formation spéciale et sont fortement aidés par les gestionnaires sur place.

M. Daniel A. BELLEMARE : Bienvenue au Canada, en espérant que votre séjour sera agréable !

En l’absence du sous-procureur du Canada, M. Rosenberg, j’ai le plaisir de le remplacer. Je suis sous-procureur général adjoint au ministère de la Justice, responsable notamment du service fédéral des poursuites.

Au Canada, le terme de "procureur" ne revêt pas la même signification qu’en France, car les procureurs sont multiples : procureur de la défense, procureur de l’accusation... Le Service fédéral des poursuites est membre de l’association internationale des poursuivants depuis sa création en 1995.

Il existe trois cents procureurs permanents de la couronne fédérale à travers le pays et des avocats du secteur privé, que l’on appelle " mandataires ". Ils ont mandat en matière de poursuites fédérales. Ce ne sont pas des emplois permanents du Gouvernement. Environ six cents procureurs fédéraux à travers le Canada sont rassemblés pour mener les poursuites.

A la tête du ministère de la Justice, qui est bicéphale, on trouve le Procureur du Canada et la ministre de la Justice.

L’adoption du code criminel relève du ministre de la Justice, mais, en pratique, son application relève des provinces. La responsabilité de mettre en _uvre le code criminel a été déléguée aux provinces ; c’est pourquoi la poursuite des infractions relève des provinces. Les meurtres et crimes de droit commun sont de la compétence des provinces, notamment les infractions en matière de drogue.

Dans les territoires du nord-ouest, au Nunavut et au Yukon, le Procureur général du Canada est responsable de toutes les poursuites pénales. Dans le reste du Canada, il est responsable de la poursuite des infractions fédérales autres que celles prévues au code criminel.

Dans les provinces, les poursuites de droit commun sont menées par le Procureur général des provinces de même que les poursuites infructueuses. Il poursuit également en cas de non-respect des lois fédérales comme par exemple les lois en matière de stupéfiants, les évasions fiscales, les lois en matière d’immigration et de blanchiment.

En raison de leur mandat national, les procureurs travaillent avec les membres de la gendarmerie.

Je reviens plus précisément à l’organisation du ministère de la Justice.

Le Procureur général du Canada est aussi ministre de la Justice. Le ministère est chargé de fournir des avis et des conseils juridiques à tous les ministères, agents du ministère et du gouvernement. Les organismes fédéraux reçoivent leurs avis juridiques du ministère de la Justice.

Le ministère de la Justice est responsable de la définition de la politique criminelle, des modifications législatives au code criminel. Il est responsable de la loi sur l’exécution des peines et de l’extradition.

La matière criminelle relève du solliciteur général du Canada ; un partage de la responsabilité législative se produit à ce niveau-là. Le ministère de la Justice est également responsable du centre canadien de prévention du crime, responsabilité conjointe avec le solliciteur général du Canada.

Le Canada compte deux grands systèmes juridiques : un système de droit civil, au Québec notamment, et la common law.

Le système de droit criminel n’est pas un système inquisitorial comme en France. Le juge du procès veille à ce que les parties respectent les règles de procédure. Le rôle du procureur de la couronne se situe entre le rôle du procureur de la couronne en Angleterre et le rôle du directory américain. Aux Etats-Unis, dans la plupart des Etats, le chef de police mène l’enquête ; c’est lui qui indique aux policiers où aller chercher les personnes ; en Angleterre, le procureur de la couronne ne jouera quasiment aucun rôle dans l’enquête policière. Au Canada, le rôle du procureur est un sujet fortement débattu. Son rôle a plus rapidement évolué au cours des dix dernières années qu’au cours des cent précédentes. Son implication dans l’enquête varie selon les provinces. Dans certaines, son rôle sera quasiment nul comme dans le système britannique ; dans d’autres, il interviendra après les accusations. Le procureur doit-il intervenir avant l’accusation, puisque la preuve existe que seuls les cas justifiés aboutiront devant les tribunaux, ou après l’accusation ? Tel est le sujet actuellement en débat. Nous préconisons qu’il intervienne avant l’accusation.

M. le Rapporteur : Il ne s’agit pas d’une pré-condamnation ?

M. Daniel A. BELLEMARE : La preuve est révisée en fonction de critères : y a-t-il probabilité raisonnable de condamnation ? Il convient d’évaluer la preuve. La preuve justifie-t-elle les accusations ?

Au niveau fédéral, on portera des accusations ou celles-ci seront poursuivies uniquement si la preuve révèle un espoir raisonnable d’obtenir une déclaration de culpabilité et s’il est dans l’intérêt de poursuivre.

Le rôle du service fédéral des poursuites au niveau fédéral varie selon que l’on se trouve sur les territoires nordiques ou dans le reste du pays. Avec l’évolution de l’entrée juridique au niveau international, nous jouons un rôle accru au niveau international. Fut un temps, seuls les policiers avaient pouvoir de coopérer au niveau international. Depuis la création d’Interpol en 1946, les choses ont changé. Depuis 1995, le procureur a besoin de communiquer de façon rapide, ne serait-ce que pour des raisons d’efficacité ou pour communiquer des demandes d’assistance ou d’entraide auprès de pays étrangers. Les procureurs de la couronne se sont réunis au sein d’une association créée en 1995, l’association internationale des poursuivants, qui compte aujourd’hui des représentants dans plus de 85 pays et plus de mille membres. Depuis cinq ans, des standards de normes professionnelles pour les procureurs ont été adoptés, que les États-Unis s’apprêtent à reconnaître officiellement.

Quelques éléments au sujet des peines. Tout d’abord, la peine de mort a été abolie en 1976. Différentes peines sont prévues par le code criminel et dans les lois qui créent des infractions spéciales.

En matière d’exécution des peines, la répartition des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces est fondée sur la règle des deux ans, c’est-à-dire que les peines de deux ans ou plus sont purgées dans des pénitenciers fédéraux alors que les peines de moins de deux ans sont exécutées dans des prisons provinciales.

Il existe également des mesures alternatives. Nous parlons de justice réparatrice ; c’est l’une des priorités du gouvernement canadien. Il en a été fait mention dans le discours du trône.

Au niveau criminel, des mesures de judiciarisation existent. La police a un rôle important à jouer avant que les accusations ne soient déposées et les services correctionnels après. En matière de prévention-réparation - domaine qui intéresse particulièrement les services fédéraux -, dans certains cas, prévaut la notion de travaux communautaires ; à ce titre, un projet pilote a été mis en place il y a dix-huit mois à Toronto : le tribunal de traitement des narcomanes. Une procédure est tout d’abord engagée pour savoir si les individus sont admissibles à le suivre. On trouve, entre autres, les personnes ayant commis une infraction lourde. Si le traitement est réussi au terme d’environ douze à quinze mois, la peine sera une peine sans détention.

L’encadrement est fourni par le tribunal, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les organismes sociaux de Toronto : psychologues, médecins...

Mme Christine BOUTIN : Y a-t-il des traitements de substitution ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Effectivement. Les personnes doivent se soumettre à des traitements. Par exemple, elles doivent fournir des échantillons d’urine deux ou trois fois par semaine et se présentent également deux à trois fois par semaine devant le tribunal pour évaluer les progrès réalisés sur une période de douze à quinze mois.

Mme Christine BOUTIN : Et elles sont en liberté ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Oui, sous conditions strictes.

M. Jean-Luc WARSMANN : Combien de personnes sont-elles concernées ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Depuis le début, six cents personnes ont présenté une demande ; nous en avons accepté deux cents et une vingtaine de personnes sont arrivées au terme du processus.

M. Jean-Luc WARSMANN : C’est encore aujourd’hui une action pilote ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Oui.

Mme Christine BOUTIN : Depuis combien de temps est-elle engagée ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Environ seize mois. Nous pensons maintenant pouvoir l’étendre à d’autres municipalités au Canada.

M. Jean-Luc WARSMANN : Quel en est le coût ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Si l’investissement est élevé à court terme, à long terme, il nous fera réaliser des économies. Nous dépensons environ 5 000 dollars par personne pour le traitement alors que l’on parle de dizaine de milliers de dollars pour l’incarcération.

M. Michel ROY : 52 000 dollars canadiens.

M. Daniel A. BELLEMARE : Il existe environ 500 modèles différents de ce type de tribunaux aux Etats-Unis. Il en existe également en Australie. Au Canada, il n’en existe qu’un seul. Au niveau international, il est considéré comme un modèle.

A deux occasions, j’ai assisté à la cérémonie de graduation de ceux qui réussissent avec succès ce traitement très difficile. Du reste, certains préfèrent passer quelques mois en prison plutôt que de suivre le traitement pendant douze mois. Il s’agit en général de jeunes adultes, entre vingt et trente-cinq ans, bien que certains soient plus âgés. Cette méthode fournit essentiellement un encadrement à ces jeunes souvent sans abri, issus de familles brisées, qui n’ont jamais connu une quelconque autorité dans leur vie. Un juge préside au processus médical, encadré juridiquement. Dans ce contexte, le juge est un peu un travailleur social. S’il constate d’après le test que le jeune a consommé de la drogue, il lui demande s’il souhaite réellement poursuivre le programme. Actuellement, tous les bénéficiaires du programme sont en liberté, parce que l’obligation de la caution a été levée.

Mme Renée COLLETTE : Il s’agit en effet de la seule expérience au niveau fédéral, mais ce n’est pas la seule expérience d’une forme de non-judiciarisation rapide, si je puis m’exprimer ainsi. Au Canada, la règle est davantage la liberté sous caution que la détention provisoire. Au Québec, à moins d’un danger quelconque, il arrive très souvent que les procédures soient aménagées pour permettre cette forme de traitement dans des résidences de toxicomanes avant que les personnes ne reviennent devant la cour pour le plaidoyer de culpabilité ou la sentence. Cela existe depuis longtemps.

M. Daniel A. BELLEMARE : Il faut comprendre qu’il s’agit du seul système structuré. Au moment où je pratiquais à Montréal, un juge, en avance sur son temps, retardait l’application de la sentence, pour permettre à l’accusé de se réhabiliter. Cela existe depuis longtemps, mais aujourd’hui nous parlons d’un système encadré.

M. Jean-Luc WARSMANN : " Liberté sous cautionnement " signifie bien que la personne doit remettre une somme d’argent.

Mme Renée COLLETTE : La plupart du temps sur promesse.

M. Jean-Luc WARSMANN : La personne peut-elle se voir imposer des conditions, telles que ne plus se rendre dans tel quartier ou dans telle ville ? Elle reste en liberté avec la promesse de répondre à certaines conditions.

Mme Renée COLLETTE : La promesse de comparaître par exemple.

M. Jean-Luc WARSMANN : De quelle façon cela se matérialise-t-il ? Un document est-il signé ou cela se passe-t-il sous forme orale ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Il existe des conditions statutaires de bonne conduite et l’obligation de se présenter. Si une infraction est commise, elle peut entraîner la révocation du cautionnement.

Les conditions du cautionnement sont variables : il peut s’agir d’une simple promesse de comparaître, mais ce peut être sur engagement d’une tierce personne, le dépôt d’une somme d’argent, la remise du passeport, des restrictions d’aller et venir : ne pas sortir de la province, du district, du pays...

M. Jean-Luc WARSMANN : S’agit-il de la décision d’un magistrat qui accorde la liberté sous cautionnement à telle ou telle condition ou d’un engagement partagé par la personne concernée qui signera un engagement à respecter ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Ce sont les deux tout à la fois. La personne comparaît devant les tribunaux. Elle présente une demande de remise en liberté ; des preuves de part et d’autre sont présentées. Soit la couronne peut s’opposer à la remise en liberté de l’individu, auquel cas il demeurera détenu jusqu’à son procès, soit l’on peut s’entendre sur des conditions de mise en liberté. Selon le cas de chacun, les conditions varient. Si le juge impose des conditions, la personne doit s’engager par écrit à les respecter. Il existe des infractions à la violation de l’engagement.

Mme Renée COLLETTE : La remise en liberté avant le procès est en général la règle.

M. Jean-Luc WARSMANN : L’idée repose sur un engagement écrit de la personne.

M. Jean-Yves CAULLET : Quelle est la latitude, la souplesse dont dispose le magistrat, que ce soit d’ailleurs pour une libération conditionnelle ou avant le jugement ?

Mme Renée COLLETTE : La libération conditionnelle intervient après la condamnation ; la remise en liberté sous cautionnement intervient durant les procédures.

M. Jean-Yves CAULLET : Dans le premier cas, quelle est la souplesse, l’imagination laissées au magistrat ?

Mme Renée COLLETTE : Elle est quasi totale.

M. Jean-Yves CAULLET : Il peut donc inventer quelque chose d’adapté à chaque cas.

M. Jean-Luc WARSMANN : Existe-t-il au Canada une mise en cause de la responsabilité d’un magistrat qui aura décidé une libération sous cautionnement qui occasionne un drame ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Il y a indépendance complète des juges.

M. Jean-Luc WARSMANN : Quels sont les cas de mise en jeu de la responsabilité personnelle des magistrats ?

M. Daniel A. BELLEMARE : S’il y avait une responsabilité quelconque, ce serait pour conduite grossière, laquelle se traduirait par une plainte au conseil de la magistrature.

M. Jean-Luc WARSMANN : Mais on ne poursuit pas un magistrat dans le cadre de son travail.

M. Daniel A. BELLEMARE : L’immunité est prévue.

M. Jean-Luc WARSMANN : Un magistrat qui aurait laissé passer un délai ne fait l’objet d’aucune suite : pas de responsabilité disciplinaire... Je pose la question car c’est un sujet débattu en France.

Mme Renée COLLETTE : Il en va de même pour les commissaires de la commission des libérations conditionnelles.

Mme Christine BOUTIN : Nombreuses sont les personnes qui doivent demander la liberté sous cautionnement.

M. Daniel A. BELLEMARE : Elles la demandent systématiquement. Des conditions raisonnables seront proposées par le juge, mais l’accusé et son avocat présenteront eux aussi des conditions au tribunal. Au Canada, les gens se présentent devant le tribunal arguant qu’un employeur les embauchera et que celui-ci peut en témoigner.

Bien sûr, plus l’infraction est sérieuse, plus les conditions seront sévères : être présent entre telle heure et telle heure au domicile, ne pas se rendre dans des lieux où sont vendues des boissons, ne pas communiquer avec les victimes ni avec les coaccusés en l’absence de l’avocat.

M. Jean-Luc WARSMANN : L’un d’entre vous a évoqué un contrôle serré présidant au respect des conditions. Qui vérifie le respect les conditions ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Ces conditions seront transmises à la police.

M. Jean-Luc WARSMANN : La gendarmerie royale locale sera donc informée que telle personne habitant sur son ressort est soumise à telle et telle condition.

M. Daniel A. BELLEMARE : Cela dépend. L’une des conditions sera de se présenter au poste de police le plus proche une fois par semaine par exemple.

M. Alain COUSIN : On se situe dans une démarche contractuelle contrôlée entre le prévenu et l’administration judiciaire. En l’espèce, l’administration judiciaire peut imposer que le prévenu qui formule la demande, se fasse soigner et tout cela avant jugement.

M. Daniel A. BELLEMARE : Les conditions de mise en liberté sous caution s’appliquent à tout accusé. C’est la règle.

M. Jean-Yves CAULLET : Combien de personnes sont-elles aujourd’hui sous ce régime ?

Mme Renée COLLETTE : Des milliers.

M. Jean-Luc WARSMANN : Connaissez-vous le pourcentage par rapport aux détentions provisoires ?

M. Daniel A. BELLEMARE : 75 à 80 % des personnes sont en libération provisoire.

M. le Rapporteur : Actuellement, la détention provisoire représente 10 à 15 %.

Mme Renée COLLETTE : Maximum !

M. Jean-Luc WARSMANN : Sur cent personnes accusées, seulement 10 à 15 sont en détention provisoire ?

Mme Renée COLLETTE : Parmi les personnes en prison, celles en détention provisoire ou "en prévention", ainsi que nous le disons au Canada, sont dans les juridictions provinciales. On les retrouve donc dans les prisons provinciales.

M. le Rapporteur : Il s’agit uniquement de prévenus ?

Mme Renée COLLETTE : En effet.

M. Jean-Luc WARSMANN : En France, on dose le phénomène en disant que sur cent personnes incarcérées, un pourcentage de tant de personnes est en détention provisoire. Disposez-vous du chiffre pour le Canada ? Rapporté au nombre total, combien y en a-t-il ?

Je reviens à une de mes questions : qui procède au contrôle ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Personne. Le système est centré sur la police.

M. Jean-Luc WARSMANN : C’est donc très aléatoire.

M. Daniel A. BELLEMARE : En effet. L’un de mes anciens patrons, dînant un soir au restaurant avec son épouse, vit arriver une personne qu’il connaissait et qui avait pour obligation de ne pas se trouver en cet endroit. Les policiers connaissent les personnes en cause. Mais il n’existe pas d’équipes dont la responsabilité consiste à vérifier les bris de conditions.

M. Jean-Luc WARSMANN : Il n’y a pas de travailleurs sociaux, d’éducateurs ?

M. Georges POIRIER : Pas au cours de la période de préjugement.

M. Richard CLAIR : En 1997, 40 000 personnes étaient concernées, soit 10 à 15 % de la population mise en accusation.

M. Jean-Luc WARSMANN : Quelle est le délai moyen entre la date du délit et la date de jugement ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Selon la charte des droits et libertés, chaque individu doit être jugé dans un délai raisonnable.

M. Jean-Luc WARSMANN : Cela figure dans la convention européenne des droits de l’homme. La France se fait régulièrement condamner à ce titre. En France, entre la date d’un crime et la date de jugement, le délai s’établit en moyenne à quarante-neuf mois. Telle est en partie l’explication du nombre élevé de personnes en détention provisoire.

M. Daniel A. BELLEMARE : Au Canada, le délai est plus court. Il varie d’une province à l’autre. Lorsque je travaillais à Montréal, entre la comparution régionale et celle du procès devant jury, un délai d’un mois pouvait s’écouler.

M. Jean-Luc WARSMANN : Quel est le type d’infractions renvoyées devant jury ?

M. Daniel A. BELLEMARE : Il s’agit d’infractions passibles de peines d’emprisonnement supérieures à cinq ans, avec possibilités d’aménagement.

Mme Renée COLLETTE : Quatre-vingt pour cent des causes seraient des plaidoyers de culpabilité.

M. Daniel A. BELLEMARE : Il existe des provinces où les règlements sont plus nombreux. Le Québec, par exemple, est l’une des provinces comptant le plus de règlements. Si l’on compare le Québec à la Colombie-Britannique, c’est le jour et la nuit : les litiges sont beaucoup plus nombreux en Colombie-Britannique qu’au Québec.

M. Richard CLAIR : La question de la présomption d’innocence, sujet sur lequel vous débattez en France, se pose dans des termes très différents au Canada, où il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de l’accusé.

M. William LENTON : La présomption d’innocence est indépendante des procédures. La Couronne a invoqué des raisons liées à la sécurité publique. On est obligé d’incarcérer la personne, car on ne dispose d’aucun moyen autre que la prison de garantir que la personne se présente devant le tribunal.

M. le Rapporteur : Notre système est identique. Il revient à l’accusation de démontrer la culpabilité. Or bien souvent, dans les faits, on demande à celui qui est soupçonné de démontrer qu’il est innocent.

M. Jean-Yves CAULLET : En principe, on ne place en détention préventive que les personnes pour lesquelles c’est une nécessité, soit de sécurité pour eux-mêmes, soit pour la société. En pratique, on a tendance à mettre en préventive toutes les personnes dont on suppose qu’elles pourraient être condamnées à de la prison ferme. Le juge avalise, car il se dit que la personne étant restée en prison six mois, il ne peut la condamner à trois mois, sauf à l’indemniser pour les trois mois qu’elle n’aurait pas dû faire.

M. le Rapporteur : C’est un système pernicieux !

M. Daniel A. BELLEMARE : Au Canada, les tribunaux ont considéré la détention préventive, avant procès, équivalent à près du double du temps imposé ensuite.

Mme Renée COLLETTE : Les bris de mise en liberté sous caution sont très peu nombreux. Le risque n’est donc pas si grand que les gens se l’imaginent.

M. Jean-Luc WARSMANN : Le gros défaut en France réside également dans le retard des juridictions. En matière criminelle, les délais sont extrêmement longs, jusqu’à sept ou huit ans pour certains cas.

M. Daniel A. BELLEMARE : L’interprétation des dispositions du droit au procès dans un délai raisonnable fut telle que des balises quasiment mathématiques furent fixées conduisant à l’abandon de plusieurs milliers de cas en Ontario parce que l’on était en dehors des balises fixées.

M. le Rapporteur : Les personnes ne sont donc pas passées devant le tribunal ?

M. Daniel A. BELLEMARE : L’on se pose dans chaque cas d’espèce la question de savoir si le délai est raisonnable dans les circonstances. Ce peut être l’accusé qui demande des actes de procédure.

M. le Rapporteur : La notion de délai raisonnable est inscrite dans le droit international. Lorsque l’on en débat avec les représentants des différents pays, on s’aperçoit qu’elle varie selon l’organisation de la justice dans ces pays et qu’il n’est pas possible de lui donner une définition unique. Dans le cadre de la loi sur la présomption d’innocence, nous avons essayé de lui donner des limites, ce qui est extrêmement délicat.

M. Daniel A. BELLEMARE : Si cela vous intéresse, je pourrais vous fournir la décision de la Cour suprême du Canada où cet élément est analysé. Pour résumer, plus l’infraction est grave, plus la flexibilité des délais est grande. La conduite de l’accusé est également un facteur pris en compte. Parfois, des avocats feront en sorte de générer des délais pour ensuite alléguer leur propre turpitude en reprochant le défaut de délai raisonnable.

M. Michel ROY : Après la police et la justice, nous pourrions maintenant passer aux services correctionnels.

M. Richard WATKINS : En qualité de gestionnaire, j’aborderai la question de la justice et des opérations sous l’angle de la région du Québec, qui est analogue aux autres régions.

Le Québec compte douze établissements pénitentiaires, dix pour hommes, un pour hommes et femmes et un pour femmes, répartis en quatre niveaux de sécurité : maximum élevé, maximum, médium et minimum. Nous comptons également deux territoires : le district Est-Ouest et le district Montréal métropolitain.

Vous visiterez demain le centre fédéral de formation à Laval et le centre régional de réception.

Nous comptons 3 500 employés.

Au 16 mai, au Québec, le nombre de délinquants s’établissait à 5 840, 2 500 détenus incarcérés et 3 326 dans la communauté.

Le travail en communauté se répartit à travers la province et différents bureaux de secteurs couvrent les principales villes du Québec. Les agents de libération sont chargés de la surveillance. 1 114 employés travaillent au niveau de la communauté, 1 100 au sein des établissements.

La plupart des détenus retourneront un jour ou l’autre dans la société. Le défi à relever est de les préparer à redevenir des citoyens respectueux des lois. La situation est compliquée à gérer, car il convient à la fois d’assurer la sécurité à l’intérieur de l’établissement et la sécurité du public, sachant que les détenus retourneront un jour dans la communauté et qu’en termes financiers un détenu coûte cher à la collectivité : plus de 55 000 dollars par an, montant qui augmente proportionnellement à la sécurité nécessaire. Par exemple, le coût est beaucoup plus élevé dans un établissement à sécurité maximum.

Parmi les défis que nous avons à relever, le principal est la libération conditionnelle, avec en corollaire des programmes pour l’emploi. De cela nous vous parlerons concrètement demain.

Pendant le temps de l’incarcération, les détenus sont encadrés afin qu’ils puissent obtenir de la commission des libérations une semi-liberté ou une liberté conditionnelle.

Lorsqu’il entre en détention, le détenu est évalué et passe une batterie de tests. Le processus d’évaluation initiale est assuré au Québec par le personnel du Centre régional de réception. Les personnes y demeurent en moyenne 42 jours, au cours desquels l’on évaluera les facteurs liés au risque de récidive et les facteurs liés à la réduction du risque.

M. le Rapporteur : Combien de centres de cet ordre existe-t-il ?

M. Richard WATKINS : Un par région.

L’évaluation initiale est conduite en vue d’établir un plan correctionnel adéquat. Le détenu sera ensuite incarcéré dans l’un des douze établissements pénitentiaires, répartis en quatre nivaux de sécurité : maximum élevé, maximum, médium et minimum. Le placement dépendra des données recueillies.

Parmi les problèmes rencontrés, citons les bandes criminalisées. Alors que depuis trois ans, nous assistons à une baisse du nombre de personnes incarcérées et de la criminalité, on assiste, en sens inverse, au renforcement des bandes, dont la plupart des membres sont des criminels endurcis pour lesquels les chances de réinsertion sont plus que minces. En outre, ces bandes ont une très grande influence et recrutent au-delà de la région du Québec. Deux bandes rivales sont très connues : les Hell’s Angels et les Rock Machine. Elles s’éliminent entre elles et plusieurs meurtres ont été commis. Elles contrôlent la vente de drogue, les comités de détenus et plusieurs postes stratégiques. Ses membres pratiquent l’intimidation sur les codétenus et sont souvent menaçants et intimidants à l’égard du personnel. Nous avons à gérer ces deux populations en détention en évitant de les mettre en contact. Par exemple, nous avons été obligés de diviser l’établissement à sécurité maximum de Donnacona en deux secteurs : l’un héberge les individus reliés aux Hell’s Angels et ses bandes affiliées ; l’autre, ceux reliés aux Rock Machines. Cette répartition a été rendue nécessaire en raison de la guerre que se livrent les deux organisations, ce qui n’empêche nullement des incidents. Nous essayons de gérer la situation au mieux, ce qui signifie des transferts, mais nous ne pouvons y procéder sans délais.

Autre sujet de préoccupation : les soins de santé, car nous sommes confrontés à des coûts exorbitants, d’autant que la population carcérale vieillit et que nous sommes confrontés à des maladies infectieuses avec une prévalence du VIH, dont le coût de traitement est très onéreux.

M. le Rapporteur : Connaissez-vous des cas d’hépatite C ?

M. Richard WATKINS : Oui et de tuberculose.

Un comité national des soins revoit actuellement les pratiques en matière de soins de santé.

M. le Rapporteur : Comment cela se passe-t-il pour les cas psychiatriques ?

M. Richard WATKINS : Jusqu’à l’année dernière, nous avions affaire à l’institut Pinel de Montréal. Depuis, nous renégocions les contrats qui nous lient avec l’intention de réorganiser tous les services en mettant l’accent sur une nouvelle formule qui a déjà reçu l’accréditation du comité nationale des soins du Canada et l’agrément des hôpitaux. Nous savons que nous sommes sur la bonne voie.

Les psychiatres de l’unité régionale de santé mentale assurent les services ambulatoires au sein des pénitenciers du Québec. Chaque établissement doit être doté d’une équipe de santé mentale qui décide des priorités en matière de santé mentale. L’équipe se compose d’au moins trois membres, incluant des psychologues, du personnel infirmier et du personnel de gestion des cas. Par ailleurs, dans plusieurs établissements, ces équipes agissent aussi comme comité multidisciplinaire au niveau du suivi des cas en prévention du suicide.

Nous connaissons également un problème d’employés. Nous comptons au Québec un groupe d’agents de correction au militantisme fort.

Nous sommes passés à travers une grève qui a laissé des séquelles au Québec, car le militantisme y revêt une forme plus "latine" que dans le reste du pays. L’année dernière, une grève avec interruption du service a posé de grosses difficultés et nous avons dû faire intervenir la gendarmerie royale du Canada et différents corps de policiers. Une loi nationale les a obligés à revenir au travail.

M. Jean-Luc WARSMANN : Quel est le salaire moyen d’un gardien ?

M. Richard WATKINS : Quarante mille dollars canadiens annuels avant prélèvement des charges sociales et impôts.

M. Michel ROY : Il va y avoir beaucoup de départs en retraite. Nous allons engager un recrutement de 3 à 4 000 nouveaux agents correctionnels au cours des deux ou trois prochaines années en nous assurant des valeurs qui les animent, lesquelles doivent correspondre à celles qui fondent l’action de notre service. C’est là un nouveau défi.

Mme Christine BOUTIN : Avez-vous des agents de correction femmes ?

M. Richard WATKINS : De plus en plus. Les femmes ont accédé à la fonction il y a environ 25 ans. Elles représentent en moyenne 35 % des effectifs.

M. Jean-Yves CAULLET : Sont-elles affectées indifféremment aux quartiers hommes et femmes ?

M. Richard WATKINS : Non, des conditions spécifiques président à leurs fonctions.

M. Michel ROY : La parole est à M. Richard Clair pour nous présenter les différents programmes mis en place par les services correctionnels.

M. Richard CLAIR : Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité. Nous aidons les délinquants, au moyen de programmes appropriés, afin de les réhabiliter et aider à leur réinsertion.

Le Canada compte 51 pénitenciers fédéraux répartis sur cinq régions et cinq pénitenciers pour femmes.

Chacune des cinq régions est dirigée par un sous-commissaire régional. Tous les établissements comprennent un bureau de libération conditionnelle.

Environ 57 % des personnes sont admises en détention après avoir été traduites en justice. Chaque année, mille délinquants sont admis en établissements. Environ 43 % des délinquants sont des réadmissions. Ils purgent leur peine en communauté. Suite à un bris de conditions, 20 % sont de nouveau incarcérés pour une nouvelle infraction et 5 % suite à un fait de violence.

Quel est le profil des détenus ?

53,1 % de la population est âgée de 20 à 34 ans ; 20 à 22 % de la population est autochtone ; 57,7 % sont de race blanche ; 66 % sont célibataires ; 50 % ont un niveau d’instruction inférieur à la huitième année ; 75 % ont des antécédents d’instabilité professionnelle, 69 % étaient au chômage au moment de leur arrestation ; 75 % sont peu doués pour la résolution de problèmes ; 70 % abusent de l’alcool et/ou de la drogue ; 50 % ont commis leur infraction sous l’influence de la toxicomanie.

M. le Rapporteur : Quel est le taux d’alcoolisme des détenus ?

M. Richard CLAIR : Il est difficile à définir, dans la mesure où les personnes sont souvent à la fois alcooliques et toxicomanes.

Nous avons créé de nombreux programmes correctionnels : programme pour les toxicomanes, programme d’acquisition de compétences psychosociales, programme d’éducation, programme de formation professionnelle, programme de traitement des délinquants sexuels, programme de prévention de la délinquance.

Les délinquants sont évalués. Tous les renseignements clefs sont réunis : sur le risque de récidive, le niveau de sécurité est établi, une liste périodique des besoins liés à la réinsertion est établie.

Ensemble, l’évaluation initiale et les évaluations spécialisées constituent un résumé des besoins et des risques de récidive.

Ce plan est intégré dans un plan correctionnel qui reflète l’orientation et la durée des programmes à prescrire aux délinquants.

Tout cela se passe au centre régional de réception. Chaque individu bénéficie d’un programme correctionnel individualisé.

Nous dépensons environ 82 millions de dollars canadiens pour les programmes correctionnels. Le budget du service atteint un peu plus du milliard de dollars canadiens.

Les agents appliquant les programmes ont un diplôme universitaire spécialisé, ont une expérience en entrevues et dans l’évaluation du comportement humain, individuel ou en groupe.

Environ 82 % des délinquants se classent à un niveau inférieur à la dixième année, ce qui équivaut à l’école primaire.

M. le Rapporteur : A ce stade, avez-vous des analphabètes ?

M. Richard CLAIR : Oui. Le programme de toxicomanie repose sur l’information recueillie lors d’une évaluation spécialisée. Le traitement de toxicomanie est fondé sur le jumelage de calmants et d’un traitement correspondant à l’intensité de la toxicomanie. Par comparaison avec les taux correspondants relevés dans le groupe témoin de réadmis, 2 432 délinquants ayant terminé le programme présentaient un taux de 14 % moins élevé, soit 42 % par opposition à 49 % et le taux de nouvelle condamnation était de 31 % moins élevé, soit 15,20 % par opposition à 21,9 %.

M. Jean-Yves CAULLET : Vous parlez du taux de réadmissions.

M. Richard CLAIR : Il est calculé au terme de cinq ans.

Nous entreprenons aussi un programme pour la communauté.

Le point " compétences psychosociales " est formé de six programmes : apprentissage cognitif des compétences, maîtrise de la colère et des émotions, compétences liées à l’intégration communautaire, compétences familiales et parentales, vivre sans violence, l’initiation aux loisirs. Ce programme obtient un taux de réadmission de 11 % et 20 % du taux de nouvelles condamnations.

50 % des délinquants fédéraux ont été les victimes de violences familiales.

De 60 dollars, le coût des programmes est passé à 90 dollars.

Les délinquants ayant des antécédents de crimes ou de violence ont davantage tendance que les délinquants à revenir dans le système fédéral.

25 % des délinquants sont des délinquants sexuels, 17 % ont plus de cinquante ans.

Ce sont des personnes qui ont commis leur délit en général plusieurs années auparavant.

M. le Rapporteur : Par dénonciation postérieure.

Mme Renée COLLETTE : Selon une information très récente, 17 % des personnes incarcérées dans les pénitenciers fédéraux ont cinquante ans et plus.

M. Richard CLAIR : Pour 80 %, il s’agit d’un premier délit fédéral.

Mme Renée COLLETTE : Et les chiffres vont en augmentant.

M. le Rapporteur : Il s’agit de délits commis il y a longtemps ?

Mme Renée COLLETTE : Le chiffre que je viens de vous livrer porte sur l’ensemble de la population. On constate un pourcentage élevé de délinquants sexuels pour lesquels il s’agit de la première incarcération.

M. le Rapporteur : Constate-t-on une augmentation forte des dénonciations ?

M. Richard CLAIR : Elles étaient en hausse, mais tendent à plafonner.

Mme Christine BOUTIN : Cela suscite-t-il une émotion ?

M. Richard CLAIR : Nous avons eu connaissance de cas spectaculaires, dont celui des frères chrétiens et d’autres groupes religieux qui ont été accusés de crimes graves dans les années cinquante et soixante. On a assisté alors à une forte augmentation des délinquants sexuels incarcérés. Aujourd’hui, après un plafonnement, on enregistre une petite baisse.

M. le Rapporteur : En dehors des personnes du monde de l’éducation ou proches des jeunes, connaissez-vous beaucoup de violences familiales, tel l’inceste ?

Mme Renée COLLETTE : Oui.

M. le Rapporteur : Dans toutes les classes sociales ?

Mme Renée COLLETTE : Oui, le mythe que l’inceste se produit dans la campagne profonde est totalement démenti.

M. le Rapporteur : Ce problème prend des proportions grandissantes et revêt différentes formes, dont la pédophilie. L’augmentation constatée est due à la multiplication des dénonciations. C’est pourquoi je vous demandais si la dénonciation des victimes progressait.

M. Jean-Luc WARSMANN : En France, nous nous demandons si nous ne nous situons pas dans une phase de rattrapage.

M. Richard WATKINS : L’augmentation de la dénonciation ne signifie pas nécessairement augmentation du délit.

M. Georges POIRIER : En communauté, il existe des programmes pour venir en aide aux personnes ayant subi des abus sexuels, soit en milieu familial, soit à l’extérieur. A un moment donné, elles engagent une thérapie. De là, elles arrivent à formuler et à dénoncer. L’affaire est ensuite portée devant les tribunaux, qui acceptent d’entendre ces causes-là. C’est pourquoi des personnes qui ont commis des délits trente ans auparavant se retrouvent en établissement.

M. Jean-Luc WARSMANN : Je voudrais éclaircir un point de votre document : un délinquant sexuel ayant admis une infraction sexuelle et n’ayant pas été reconnu coupable est-il considéré comme irresponsable ?

M. Richard CLAIR : Non, c’est une personne qui en discutant avec son agent de libération conditionnelle avoue avoir commis d’autres délits d’ordre sexuel. C’est une criminalité non officielle.

M. le Rapporteur : En France, on voit apparaître un nouveau phénomène qui va grandissant : le viol en bande organisée. On trouve actuellement dans les établissements pénitentiaires français deux catégories de délinquants sexuels qui, selon leur délit, ne sont pas considérés de la même façon par les autres détenus. Les pédophiles et les personnes incestueuses sont très mal traités. L’autre catégorie : la bande de jeunes, voire de très jeunes - certains ont treize ou quatorze ans - qui a violé une adolescente. Pour ces derniers, l’interdit n’existe pas, ils l’ignorent.

Mme Renée COLLETTE : C’est un trophée.

M. Richard WATKINS : Au Canada, les délinquants sexuels sont peu acceptés par les codétenus. On ne peut placer ces personnes avec les autres.

Mme Christine BOUTIN : Comptez-vous des mineurs délinquants ?

M. Richard WATKINS : Non.

M. Richard CLAIR : Ils ont dix-huit ans.

M. Michel ROY : Nous en avons quelques-uns, mais ce sont des exceptions et ils ont dix-sept ans, non quatorze ou quinze ans.

M. Jean-Yves CAULLET : Est-ce à dire qu’il n’y a pas de délits commis ou qu’il y a prise en charge des mineurs en situation de primo-délinquance d’une autre façon ?

Mme Renée COLLETTE : Au Québec, ils ne sont pas pris en charge par les services correctionnels, mais par les services de santé et les services sociaux qui s’occupent des mineurs.

M. Richard CLAIR : Tous nos programmes sont accrédités par un groupe d’experts internationaux. Nous leur présentons nos programmes ; nous sollicitons leurs suggestions que nous prenons en compte. Le programme est alors accrédité et il nous revient ensuite de désigner les agents de programme ainsi que les sites où les programmes seront engagés. Toutes les questions touchant à la mise en place des programmes sont accréditées pour une période de trois ans afin de s’assurer de leur qualité et de la compétence des personnes.

Mme Christine BOUTIN : Qui décide des experts internationaux ?

M. Richard CLAIR : Un groupe spécial des services correctionnels repère les personnes compétentes. Ces personnes extérieures émettent souvent des suggestions pour incorporer telle ou telle personne spécialiste dans un domaine donné. Nous avons "volé" ce processus aux Britanniques !

Mme Renée COLLETTE : Des personnes de la commission peuvent également faire partie du comité d’accréditation.

M. Michel ROY : Les programmes font la force des services correctionnels. Ils sont accrédités et, lorsqu’ils ne le sont pas, ils sont remplacés. Ils font l’objet de recherches très poussées, structurées. De même, tous les outils d’évaluation que nous utilisons sont le fruit de recherches. Nous sommes sollicités par plusieurs pays souhaitant avoir accès à ces outils d’évaluation comme aux programmes. Et si l’on considère les résultats, on constate une baisse de 15 à 20 %des récidives, ce qui est beaucoup. Si l’on considère la totalité des crimes commis au Canada, seulement 0,5 % est commis par des récidivistes.

Mme Christine BOUTIN : On peut difficilement descendre plus bas.

M. Michel ROY : Les programmes sont essentiels.

Demain, vous aurez la chance de rencontrer les services régionaux du Québec pour parler de la jeunesse. Je vous invite à leur poser toutes questions que vous souhaiteriez. Le Québec, en ce domaine des jeunes, se place à l’avant-garde depuis des années. Les résultats obtenus au Québec sont de loin les meilleurs du pays.

M. Jean-Yves CAULLET : Comment utilisez-vous ces résultats en interne, car je pense qu’ils sont motivants pour les agents ? Ils démontrent que la machine avance, même si ce n’est que lentement.

M. Richard CLAIR : L’année passée, M. Watkins a organisé une réunion des agents de programme pour les informer des succès.

M. Jean-Yves CAULLET : Egalement auprès des gardiens ?

M. Richard WATKINS : Nous avons encore à _uvrer en ce sens. Certes, nous y procédons de plus en plus, mais, idéalement, les résultats devraient être diffusés plus fréquemment et être expliqués davantage.

M. Jean-Yves CAULLET : Rencontre-t-on parmi les personnels pénitentiaires une sorte de découragement ? Le fait qu’il y ait des éléments d’avancée et de progrès, même s’ils apparaissent petit à petit, redonne une direction à leur action au quotidien. C’est pourquoi je demandais si les résultats étaient utilisés.

M. Richard WATKINS : Vous évoquez les mesures de résultats. Il est vrai que les agents de programme sont les plus intéressés et ceux qui sont le mieux au fait des résultats. En revanche, si vous interrogez l’agent de correction moyen, il le sera beaucoup moins.

Nous disposons d’un système, RADAR, qui permet de déterminer la contribution de l’individu. Nous nous en servons pour procéder à des évaluations annuelles dans chaque établissement.

Mme Christine BOUTIN : La peine de mort n’existe plus au Canada. Comment traitez-vous de la peine à perpétuité ? Je pose la question, car j’ai été très frappée par une remarque d’un directeur d’établissement qui déclarait : "Je ne sais pas gérer la désespérance."

M. Richard WATKINS : Les personnes dans cette situation se regroupent. Elles créent des comités et mènent des activités particulières.

M. Michel ROY : Un regroupement dans le temps s’opère.

M. Jean-Yves CAULLET : Il y a donc une progression au cours de leur perpétuité ; ce n’est pas la même peine tous les jours pendant des milliers des jours.

M. Georges POIRIER : Elles ont également une possibilité de libération conditionnelle.

M. le Rapporteur : Existe-t-il une vraie perpétuité avec peine incompressible ?

M. Richard WATKINS : Non.

Mme Renée COLLETTE : Même les seuils sont révisés. Les dossiers de tous les détenus sont examinés par la commission à un moment donné.

M. Michel ROY : Les détenus à vie sont aussi des éléments très positifs de stabilité au sein de l’établissement.

M. Richard WATKINS : Nous vous parlerons d’anciens délinquants aujourd’hui réinsérés en communauté et qui reviennent en établissement pour aider les personnes détenues. C’est très positif.

M. le Rapporteur : En France, nous connaissons des situations où il n’y a pas d’espoir. Il faut que nous trouvions une solution.

M. Georges POIRIER : Il faut donner de l’espoir ; sans espoir, les cas sont difficiles à gérer.

Mme Renée COLLETTE : Au Canada, il y a des peines à perpétuité. Pour un meurtre au premier degré, la personne est admissible à vingt-cinq ans. Le juge peut avoir fixé la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle entre quinze et vingt-cinq ans, mais la personne peut bénéficier d’une révision judiciaire à quinze ans, car la date d’admissibilité révise la date de la libération conditionnelle. Pour un meurtre au second degré, l’admissibilité est à dix ans. Les délinquants à peine indéterminée, comme les délinquants sexuels très dangereux, ne sont pas admissibles, mais la révision interviendra tous les deux ans. La loi l’impose. Personne n’est donc laissé de côté. Une révision judiciaire n’est pas une audience de libération conditionnelle anticipée ; le tribunal ne fait que décider de la date à laquelle le délinquant pourra être admissible à une libération conditionnelle.

M. Georges POIRIER : Un meurtrier en série se situera dans cette catégorie.

M. Michel ROY : M. Poirier va nous parler du rôle de l’enquêteur correctionnel.

M. Georges POIRIER : L’enquêteur correctionnel est un ombudsman pour les délinquants sous responsabilité fédérale. Nous nous occupons uniquement des prisons au niveau fédéral.

L’enquêteur correctionnel est nommé par le cabinet des ministres et le premier ministre. Il est nommé pour cinq ans, renouvelable une fois. L’enquêteur correctionnel et l’ensemble de ses services sont totalement indépendants. Nous présentons un rapport annuel que le solliciteur général remettra dans un délai de trente jours aux autres membres du Parlement. Nous comparaissons devant l’autorité parlementaire.

La première fonction de l’enquêteur est de s’assurer qu’il est donné suite aux plaintes des délinquants. Nous avons pour obligation d’examiner les politiques et les pratiques du service correctionnel qui donnent lieu aux plaintes afin de porter remède aux carences. Nous devons également formuler des recommandations. Nous avons droit de regard sur tout ce qui concerne l’établissement, tout ce qui affecte les détenus, soit individuellement, soit en groupe. L’enquêteur correctionnel peut enquêter en réponse à une plainte ou de sa propre initiative. Lui seul décidera de l’enquête et la manière dont il la poursuivra ; seule est exclue du mandat accordé au bureau de l’enquêteur correctionnel la décision de la commission de libération conditionnelle. L’enquêteur n’a aucun droit de regard sur les décisions de la commission.

Nous agissons comme ombudsman : nous devons exprimer une opinion objective, indépendante, pour tenter de régler les problèmes de façon équitable et dans un délai raisonnable. Nous ne sommes pas avocats ; notre rôle consiste à nous assurer que les droits, les règlements, les directives les procédures du service correctionnel sont respectés.

Le Bureau a été créé en 1975 après une recommandation d’une commission parlementaire suite à des événements violents intervenus dans certains établissements. Cette recommandation demandait la création d’un organisme indépendant traitant des plaintes des détenus. Depuis 1992, le rôle et les responsabilités ont été précisées par les dispositions de la partie III de la loi de 1994. Nous disposons d’une autorité considérable : nous pouvons exiger la production de l’information ou tenir des audiences officielles avec interrogatoires sous serment.

La loi empêche quiconque de citer l’enquêteur à comparaître dans des poursuites judiciaires ; autrement notre rôle d’ombudsman serait compromis. Mais en qualité d’ombudsman, notre pouvoir se limite à formuler des recommandations. Nous présentons ces recommandations au commissaire du service correctionnel du Canada et nous remettons annuellement un rapport au solliciteur régional.

En moyenne, nous recevons plus de 5 400 plaintes annuelles de délinquants et rencontrons environ 2 800 détenus sur tout le territoire.

Les services correctionnels ont un budget de 1,3 milliard ; le bureau, quant à lui, dispose de 1,3 million de dollars canadiens ! Imaginez la différence, alors que nous couvrons l’ensemble des établissements et que nous essayons d’offrir un service aux 14 000 détenus en établissement. Nous avons également une responsabilité sur les détenus qui restent sous l’autorité du commissaire du pénitencier et sont en surveillance dans la communauté.

Pour assurer cette tâche, le service comprend seize personnes, secrétariat inclus. Le Parlement reconsidère actuellement les recommandations pour élargir nos fonctions. Nous avons droit de regard sur l’ensemble des établissements et avons accès à toutes les informations dont disposent les établissements, y compris les dossiers des détenus. Nous rencontrons régulièrement les administrateurs du service correctionnel au niveau des établissements, aux niveaux régional et national.

Il existe un système interne au service correctionnel. Les détenus peuvent se plaindre de leurs conditions de vie, du manque de programmes, tout ce qui affecte directement une personne en établissement ou qui affecte un groupe de détenus. Si le détenu n’est pas satisfait de la réponse, il peut en référer au directeur de l’établissement, procéder ensuite auprès du sous-commissaire, M. Watkins, et ensuite au commissaire. L’enquêteur est le dernier recours. Il n’en reste pas moins que nous nous présentons régulièrement dans les établissements, nous rencontrons individuellement les détenus, les représentants des détenus, les groupes autochtones, les groupes de sentences vie. Ensuite, nous essayons de régler au plus bas niveau de la hiérarchie les problèmes portés à notre attention.

Mme Christine BOUTIN : Comment devient-on enquêteur correctionnel ?

M. Georges POIRIER : De toutes sortes de façons ! Nous essayons de trouver des personnes ayant une expérience dans le domaine correctionnel et animées d’une certaine ouverture d’esprit qui va de pair avec le travail que nous effectuons, dans la réalité correctionnelle qui est celle des établissements.

Mme Christine BOUTIN : Y a-t-il des bénévoles ?

M. Georges POIRIER : Non, nous sommes fonctionnaires, mais indépendants du service correctionnel. Nous sommes employeurs et pouvons recruter des personnes hors de la fonction publique.

Mme Christine BOUTIN : Qui vous donne votre statut d’enquêteur correctionnel ?

M. Georges POIRIER : Les dispositions de la partie III de la loi.

M. Jean-Luc WARSMANN : Le ministre ou le Premier ministre nomme l’enquêteur et ensuite il s’entoure de son équipe.

M. Georges POIRIER : C’est lui, en effet, qui recrute.

Mme Renée COLLETTE : Ce n’est pas le Premier ministre qui nomme ; la nomination intervient par décret du conseil des ministres.

M. Georges POIRIER : Nous comptons des criminologues, des travailleurs sociaux, des avocats.

Mme Christine BOUTIN : Un seul enquêteur est donc nommé par décret du conseil des ministres.

M. Georges POIRIER : Oui.

M. le Rapporteur : Cela rejoint l’idée que nous avions eue en France de mettre en place un délégué général aux libertés individuelles qui avait le droit de visite, de contrôle et de rencontre dans tous les lieux d’enfermement.

Mme Renée COLLETTE : La loi du service correctionnel de la mise en liberté sous condition comprend trois parties. La première touche le système correctionnel ; la deuxième partie traite de la mise en liberté sous condition ; la troisième porte sur l’enquêteur correctionnel.

M. Georges POIRIER : En cas d’incidents graves, nous rédigeons des rapports d’enquête.

M. le Rapporteur : Egalement en cas de suicides ?

M. Georges POIRIER : Oui.

Mme Christine BOUTIN : Etes-vous confronté à des cas de suicides ?

M. Georges POIRIER : Oui.

M. le Rapporteur : C’est dire que vous menez une enquête parallèle à celle de l’administration.

M. Georges POIRIER : Non, nous révisons l’enquête du service correctionnel.

M. le Rapporteur : Avec droit d’investigation ?

M. Georges POIRIER : Oui.

M. Jean-Luc WARSMANN : Imaginons qu’il y a eu suicide. L’enquête administrative conclut que les fonctionnaires ont fait correctement leur travail. Vous avez communication du rapport de l’administration, vous vous rendez sur place, vous procédez à vérification, mais vous n’avez pas le même sentiment. Que se passe-t-il ?

M. Georges POIRIER : Nous procéderons à des recommandations aux administrateurs.

M. Jean-Luc WARSMANN : S’agit-il d’une recommandation générale ?

M. Georges POIRIER : Cela peut être précis.

M. Jean-Luc WARSMANN : En cas de suicide par exemple ou manquement aux règles, saisissez-vous la justice ?

M. Georges POIRIER : Non, car ce n’est pas l’enquêteur qui portera la cause devant les tribunaux. Par exemple, à plusieurs reprises, nous avons formulé des recommandations suite à des pendaisons avec des draps en demandant d’étudier la possibilité d’éliminer les structures qui permettent aux détenus de se suicider.

Mme Christine BOUTIN : La famille des détenus reçoit-elle une information transparente ?

M. Georges POIRIER : Oui, les familles communiquent avec nous.

M. Richard CLAIR : Dans chaque province, un coroner pourra lancer l’enquête en cas de suicide. Actuellement, en Ontario, suite à un suicide, une enquête a été lancée par le coroner qui participe à l’extérieur du service correctionnel. L’indépendance est donc recherchée.

M. Jean-Luc WARSMANN : A combien de suicides êtes-vous confrontés par an ?

M. Richard CLAIR : Onze l’année dernière.

Mme Renée COLLETTE : Nous enregistrons une nette diminution.

M. Richard WATKINS : Les programmes de prévention du suicide en place sont très efficaces.

M. le Rapporteur : En France, le nombre des suicides dépasse 120 par an.

M. Richard WATKINS : Votre population carcérale est plus nombreuse que chez nous.

Mme Renée COLLETTE : Dans l’évaluation initiale, un indicateur permet d’identifier les personnes à risques et des programmes de prévention du suicide sont appliqués dans les établissements de détention. Il est certain que nous n’arriverons jamais à éviter tout suicide, mais il y a une prise de conscience.

M. Georges POIRIER : Si nous n’arrivons pas à nous accorder avec le service correctionnel sur les mesures à prendre ou les procédures à mettre en place, nous en référons au ministre par recommandations figurant dans notre rapport annuel, qui le soumet au Parlement.

M. le Rapporteur : Si vous avez connaissance d’un fait ayant conduit à un meurtre ou à des violences dans un établissement, dont vous connaissez l’auteur, vous ne faites donc rien ?

M. Georges POIRIER : Nous ne le pouvons pas.

M. Richard WATKINS : Nous menons notre propre enquête et nous déterminons les circonstances.

M. le Rapporteur : L’administration mène donc sa propre enquête.

M. Jean-Luc WARSMANN : Admettons que l’administration fait savoir que tout s’est passé normalement, mais qu’un surveillant révèle que son collègue avait des heurts fréquents avec le détenu. C’est un élément nouveau et vous n’agissez pas ?

M. Georges POIRIER : Nous pouvons porter l’élément à la connaissance des autorités administratives, auxquelles il appartient de prendre des mesures disciplinaires.

M. Jean-Luc WARSMANN : Et si elles ne le font pas ?

M. Georges POIRIER : On peut appeler l’attention du ministre et du premier ministre.

M. Richard WATKINS : Le ministre est également commissaire.

M. William LENTON : Il peut arriver que, sur recommandation, il soit demandé une enquête policière.

M. Richard CLAIR : Chaque agression grave fait l’objet d’une enquête du service correctionnel, mais aussi de la police.

M. William LENTON : Il y a usage de forces de l’ordre en établissement.

M. Jean-Luc WARSMANN : La police, c’est la gendarmerie ?

M. William LENTON : Oui il appartient à la police de juridiction locale de lancer une enquête.

Mme Christine BOUTIN : Les conditions des détenus sont-elles bonnes ?

M. Richard WATKINS : Les conditions varient en fonction de l’établissement, mais en général les conditions sont bonnes. Nous essayons de réduire le taux d’occupation, car il existe encore des doubles occupations de cellule.

M. Georges POIRIER : Essentiellement au niveau de sécurité médium.

M. Richard CLAIR : Les cellules sont conçues pour deux personnes.

Mme Christine BOUTIN : Ma question était une question vérité : les conditions des détenus sont-elles dignes ?

M. Richard WATKINS : Je puis répondre oui pour le Québec.

M. Michel ROY : De même que pour le niveau national.

M. Jean-Luc WARSMANN : Visitant toutes les prisons, on ne trouvera jamais six ou huit personnes dans la même cellule ?

M. Michel ROY : Jamais, ni trois.

M. Richard CLAIR : Il m’est arrivé de voir trois détenus dans la même cellule. C’est possible dans le système provincial.

M. Michel ROY : En effet, mais non au niveau fédéral.

M. Jean-Yves CAULLET : Quel est l’âge des établissements ?

M. Richard WATKINS : Ils datent des années soixante. L’un de nos plus vieux établissements a été construit en 1868.

M. Michel ROY : Nous allons passer à la présentation de Mme Collette.

Mme Renée COLLETTE : La loi prévoit dans sa deuxième partie la commission nationale des libérations conditionnelles créée il y a quarante ans.

La libération conditionnelle, sous ses diverses formes, existe depuis 101 ans. Nous en avons fêté son centenaire l’an passé.

La commission est totalement indépendante ; elle ne fait pas partie des services correctionnels, mais du gouvernement du Canada. Nous figurons dans l’organigramme du solliciteur général. Le président relève directement du ministre.

Nous intervenons dans le cours de la peine. A la différence de mes collègues, la commission a juridiction sur l’ensemble du territoire canadien pour les sentences d’au moins un jour, à l’exception des lieux où il existe une commission provinciale de libération conditionnelle. Seules trois provinces ont une commission de libération conditionnelle provinciale pour les sentences de moins de deux ans : le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannnique.

La commission a juridiction pour les sentences de six mois et plus dans tous les pénitenciers fédéraux et dans les sept provinces canadiennes ainsi que sur les trois territoires canadiens. La juridiction de libération conditionnelle canadienne ne subit pas la coupure évoquée précédemment. Les opérations les plus nombreuses bénéficient aux incarcérés fédéraux, mais il n’en reste pas moins que nous avons également cette autre activité.

Nous avons encore une autre compétence, moins connue. Souvent, je dis que la CNLC devrait changer de nom, que l’on devrait l’appeler "la commission nationale des libérations conditionnelles et des pardons", car nous procédons à des réhabilitations, terme de justice que je n’aime pas, mais qui procède d’une loi séparée, que nous sommes chargés d’appliquer : la loi sur le casier judiciaire. Elle prévoit, après un certain temps dépendant du type de mise en accusation, soit trois ou cinq ans, un pardon-réhabilitation.

M. le Rapporteur : Qui conduit à la suppression de l’inscription du casier judiciaire ?

Mme Renée COLLETTE : Non pas à la suppression : le dossier de la personne est scellé ; cela touche l’ensemble des organismes fédéraux et ne lie pas les organismes provinciaux, municipaux ou autres. Le casier judiciaire étant entre les mains de la gendarmerie royale du Canada, nous travaillons en collaboration avec tout le monde. On doit avoir la preuve que la peine est satisfaite, qu’aucune autre activité criminelle n’a suivi et qu’il y a eu bonne conduite. L’acte d’accusation criminelle est voté par des commissaires. Nous traitons environ 20 000 cas par an.

Nous avons également juridiction sur la prérogative royale de clémence qui nous vient du droit britannique, autrement dit la grâce. Nous traitons environ 35 cas par an. C’est ce que l’on appelle un pardon conditionnel, à moins qu’il ne s’agisse d’un arrêt de sentence. Ce type de mesures est exceptionnel. Nous avons seulement pouvoir de recommandation. Le dossier est ensuite présenté au ministre, puis au conseil des ministres, enfin au gouverneur général.

La commission est composée de membres ou de commissaires à plein temps et de commissaires à temps partiel. Je suis moi-même commissaire à temps plein et première vice-présidente ; le président est également commissaire à temps plein. Je siège en audience pour rendre des décisions de mise en liberté sous condition.

Un mode de sélection des commissaires est mis en place depuis 1994. Ce processus suppose un avis dans la Gazette du Canada, journal officiel du Gouvernement canadien, et dans d’autres journaux que nous appelons " nos interlocuteurs privilégiés ". Les personnes envoient leur curriculum vitae et leur candidature. Interviennent une présélection, une sélection par entrevue par un comité de trois personnes. Elles qualifient les candidats pour figurer sur la liste des personnes susceptibles d’être nommées par le gouvernement. La liste est remise au Solliciteur général. Les personnes à temps plein sont nommées en général pour une période de cinq ans, renouvelable ; les personnes à temps partiel pour trois ans, renouvelables.

Un processus très rigoureux de formation a été mis en place depuis six ans : trois semaines obligatoires avant même de voter sur un cas ; ils sont ensuite assujettis à une période de quinze jours ouvrables dans l’année de formation obligatoire ; cela peut aussi être une participation à des conférences, à des congrès, à des ateliers régionaux.

Une évaluation de rendement est effectuée par les vice-présidents régionaux tous les ans, non sur la décision prise par le commissaire, mais sur la façon de travailler. Chacune des cinq régions du Canada comprend un bureau régional composé d’un vice-président régional et d’un directeur régional. Le premier s’occupe des commissaires, le second des membres de la fonction publique, car la commission est également composée de 275 personnes, membres de la fonction publique. Elles participent à la réalisation du mandat de la commission.

Nous nous appuyons sur un code de déontologie et un processus disciplinaire est prévu par la loi.

La section d’appel au bureau national est composée d’une vice-présidente, de trois membres à temps plein et d’un membre à temps partiel. Les personnes incarcérées qui se voient refuser ou révoquer la libération conditionnelle peuvent faire appel de la décision ; c’est une révision interne. Ce processus doit être utilisé avant de porter l’affaire au niveau de la Cour suprême. La jurisprudence est, sur ce point, très claire. En général, le problème porte sur des questions de droit, non sur le fond, à moins qu’une erreur de droit ou de procédure n’ait été commise. Nous avons également un manuel de procédure très précis.

Les dates d’admissibilité sont prévues par la loi. Généralement, la semi-liberté ou libération de jour intervient au sixième de la peine ou six mois avant la date d’admissibilité à la libération conditionnelle totale, laquelle, généralement, intervient au tiers de la peine. Je dis "généralement", car lorsque les sentences sont très élevées, les dates varient et ne sont pas nécessairement celles que je viens de citer : ce peut être dix ans, quinze ans...

Les décisions sont prises en audience dans les établissements de détention par deux, voire trois commissaires pour les délits les plus graves.

L’ensemble de la documentation pour préparer les dossiers est fourni par le service correctionnel. Nous étudions six cas par jour. Nous lisons les informations la première journée, le lendemain nous procédons aux audiences. Si les personnes sont mises en liberté sous condition, nous fixons les conditions et le service correctionnel procède à la surveillance grâce aux agents communautaires.

Notre rôle consiste à évaluer le risque que représente la personne pour la société. Nous devons le faire en ayant à l’esprit l’option la moins contraignante possible.

Les services correctionnels émettent des recommandations, mais nous n’y sommes pas liés ; notre décision est totalement indépendante.

S’agissant des résultats, le taux d’octroi l’année passée, avec 44 %, fut le plus élevé de l’histoire de la commission. Le taux de réussite est très élevé : environ 14 % de révocations par année, mais la plupart sont des bris de condition. Le taux de succès sans bris de condition s’établit à près de 92 % et à 91,2 % pour des délits avec violence, tout en tenant compte qu’il y a trente ans les détenus dans les pénitenciers fédéraux étaient là pour des crimes contre la propriété. Aujourd’hui, 80 % des détenus s’y retrouvent pour crimes liés à la violence. Il est intéressant de mettre cette donnée en perspective. Il est également intéressant de se pencher sur la réussite à long terme. Des études ont porté sur les vingt ans qui ont suivi la libération conditionnelle. Il ressort qu’une personne qui a pu profiter de la mise en liberté sous condition a un taux de réussite à long terme beaucoup plus élevé, de moitié supérieur à celui qui n’a pas bénéficié d’une mise en liberté sous condition.

Encadrer une personne de façon progressive dans la société ça marche !

Qu’arrive-t-il si un libéré conditionnel commet un crime de nature très violente, un meurtre par exemple ? Un processus d’enquête national conjoint est engagé avec les services correctionnels. Un comité d’enquête sera mis sur pied, présidé par un membre de la communauté. Il a pleins pouvoirs pour enquêter sur ce qui s’est passé avant, pendant et après l’acte et fera des recommandations. En 1994, il y eut quatorze enquêtes ; l’année passée, trois ou quatre. Cette évolution est liée au choix du commissaire, à la sélection opérée et à la formation dispensée. Qui plus est, on apprend de la recherche et des résultats des enquêtes, car l’idée n’est pas de trouver un coupable, mais d’améliorer notre système.

J’en viens aux victimes d’actes criminels. Au Canada, la question des victimes est omniprésente. Un rapport du comité parlementaire "participer sans entraver" a été déposé l’année dernière. Une section du ministère de la Justice s’occupe de la question des victimes. Un groupe de travail fédéral, provincial, territorial est en cours. Nos lois prévoient une place pour les victimes, laquelle pourrait encore être élargie par un rapport déposé prochainement par un comité de parlementaires. Je pense que la parole sera donnée aux victimes dans le cadre des audiences de libération conditionnelle ; actuellement, elles n’ont qu’un statut d’observateurs, mais peuvent présenter des observations écrites.

Il y a trois semaines, à Ottawa, s’est tenu le congrès de l’association internationale des commissions de libération conditionnelle qui a regroupé 37 pays. Trois représentants de la France étaient présents, dont Marie-Suzanne Pierrard, présidente de l’association des juges de l’application des peines. Vos collègues ont ramené beaucoup d’informations.

M. le Rapporteur : Madame, messieurs, je vous remercie beaucoup de nous avoir si aimablement reçus et d’avoir répondu à nos nombreuses questions, car nous avions besoin des informations que vous nous avez fournies pour compléter le travail que nous avons engagé. Merci de la clarté de vos exposés.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr