Avec la connaissance de ce qui s’est passé dans les mois qui ont précédé et suivi le 6 avril 1994, de nombreuses personnes se sont interrogées a posteriori sur la viabilité des accords d’Arusha.

M. Jean-Marc Rochereau de la Sablière a rappelé devant la Mission que la signature de ces accords avaient été salués à l’époque " comme un succès diplomatique " : " cet accord était crédible et le fait que la négociation ait été difficile ne signifiait pas qu’il ne serait pas tenu ". M. Marcel Debarge a également estimé devant la Mission que " les accords d’Arusha étaient de bons accords ".

La principale victime des accords d’Arusha est à l’évidence l’ex-parti unique, le MRND que les accords condamnent à perdre, tant au niveau national (au sein du Gouvernement ou de l’Assemblée) que local, la position prédominante qu’il avait jusqu’alors réussi à préserver. M. Jean-Christophe Belliard, après avoir reconnu qu’il avait été à l’époque de ceux qui croyaient que les accords allaient réussir, a insisté devant la Mission sur les conséquences négatives du caractère déséquilibré de l’accord. Il a estimé que le FPR " avait obtenu trop de concessions et suscité ainsi la réaction des extrémistes hutus ". Il a conclu que " le FPR avait mené de main de maître une négociation difficile, mais que la victoire diplomatique qu’il avait obtenue avait eu des effets secondaires graves ".

M. Filip Reyntjens, dans son livre consacré à " L’Afrique des grands lacs " paru en juin 1994, a insisté sur le caractère irréaliste de certaines dispositions des accords. La première concerne, nous y reviendrons ci-dessous, le calendrier de déploiement de la MINUAR. La seconde a trait au programme d’intégration et de démobilisation des armées. Selon les chiffres fournis par l’ONU, le Gouvernement rwandais déclarait disposer lors de la signature des accords d’Arusha de 23 100 soldats et de 6 000 gendarmes. De l’autre côté, il semble raisonnable d’évaluer les forces du FPR à 20 000 combattants. C’est donc un peu plus de 30 000 militaires que l’on doit remettre à la vie civile, ce qui, en tenant compte de la prime de démobilisation à son taux minimum, représente plus de 30 milliards de francs rwandais. Or, aucun programme de financement de ces dépenses n’avait été prévu.

M. Bruno Delaye a précisé fort justement devant la Mission que " d’un point de vue diplomatique, les accords viables sont ceux qui rencontrent l’accord des parties et que tel était le cas des accords d’Arusha ". Il a également rappelé que " des solutions plus compliquées, plus sophistiquées, avaient été appliquées avec succès en Afrique ". Il a enfin estimé que " le point le plus difficile résidait dans l’engagement de la communauté internationale ".


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr