Dans la nuit du 8 au 9 avril, quatre appareils C160 effectuent un " poser d’assaut " à trente secondes d’intervalle. En moins d’un quart d’heure, à 1 heures 30 du matin, un effectif de 151 hommes est mis en place autour de la piste avec deux véhicules radio. A 2 heures 45, la piste et les bâtiments abandonnés par les Casques bleus et occupés par les FAR sont sous contrôle des troupes françaises. A 4 heures 30, un cinquième avion C160 dépose quarante hommes supplémentaires. Un C160 est maintenu sur place pour effectuer la première évacuation des ressortissants.

Ces deux premières vagues auront permis l’aéroportage de l’EMT du Colonel Henri Poncet (3ème RPIMA) comprenant un groupe de recherche, une unité élémentaire renforcée d’un groupe Milan et une équipe de santé. Ce détachement, dont le commandement est confié au Lieutenant-Colonel Jean-Jacques Maurin, adjoint de l’attaché de défense, a pour mission d’assurer la sécurité de la plate-forme. L’arrivée sur l’aéroport de Kigali a été largement facilitée par la présence des coopérants militaires en poste à Kigali, qui ont notamment convaincu les forces armées rwandaises de retirer les véhicules qui obstruaient la piste d’atterrissage.

La matinée du 9 avril est consacrée à la planification de l’évacuation des ressortissants et notamment la reconnaissance des axes permettant l’évacuation à partir des centres de regroupement.

Dans l’après-midi du 9 avril, le détachement assure le contrôle des centres de regroupement dans le quartier de l’ambassade, notamment de l’école française. L’itinéraire d’évacuation évite le centre ville et traverse les faubourgs sud. Le dispositif est renforcé par l’arrivée de trente-cinq hommes supplémentaires. A 17 heures, en application des ordres d’opération, le premier avion C130 décolle avec à son bord quarante-trois ressortissants français et douze membres de la famille Habyarimana. A 18 heures, quatre C160 décollent de Bangui avec une unité du 3ème RPIMA venant de Bouar, soit 128 hommes, portant désormais à 359 hommes l’effectif présent à Kigali.

Le Colonel Henri Poncet, commandant de l’opération Amaryllis, est autorisé à prendre sous son contrôle opérationnel les personnels de la MAM. Le Colonel Bernard Cussac, absent au début des événements, reprend ses fonctions d’attaché de défense.

La journée du 10 avril est marquée par le décollage de Bangui de trois C160 transportant la compagnie du 8ème RPIMA venant de Libreville, portant l’effectif total à 464 hommes. Parallèlement, commencent les huit premières rotations d’évacuation vers Bujumbura. Les extractions s’effectuent de plus en plus difficilement, notamment près de l’hôtel Méridien sous les feux de tirs FPR. Au total, deux unités assurent le contrôle du terrain et une unité est déployée en ville, où deux sections protègent le centre d’évacuation principal de l’école française, une section assure la sécurité de l’ambassade de France et une quatrième contrôle le centre culturel.

C’est au cours de cette journée que seront évacués, avec leurs accompagnateurs, les 97 enfants de l’orphelinat Sainte-Agathe situé à Masaka. Ils partiront le lendemain par avion.

Un message de l’attaché de défense du 10 avril indique " Le 10, en province, le FPR a mis à exécution sa menace et a fait progresser, dans l’après-midi, l’équivalent de deux bataillons jusqu’à 10 et 15 km au nord de Kigali, tout en tentant de couper l’axe descendant de Kagitumba vers le sud ".

Cette information donnée par les militaires français et confirmée à Kigali par les autorités rwandaises lors de la visite des rapporteurs, écarte définitivement l’argument selon lequel le FPR aurait procédé dès le 6 avril au matin à des mouvements de troupe pour être dans Kigali dès le 6 au soir, ce qui aurait pu donner à penser qu’il connaissait le projet d’attentat contre l’avion présidentiel. L’attaché de défense note dans son message (n° 932) " Le FPR poussait l’investissement de Kigali, ses unités de tête en provenance du nord bordent maintenant les hauteurs de la ville, tandis que dans le centre de la capitale, le bataillon déjà présent s’est constitué un assez vaste périmètre de sécurité. Les infiltrations risquent de se multiplier, en prélude à une opération de jonction entre les éléments ". En ville, les combats s’intensifient. La plupart des ressortissants français ont déjà été évacués ou regroupés à l’école française. Les opérations se poursuivent ; elles concernent les ressortissants français et étrangers.

A 15 heures 30, l’ambassadeur à Kigali, " compte tenu de la décision de fermer le centre de regroupement français, de l’aggravation de la situation à Kigali et de l’installation du Gouvernement à l’hôtel des diplomates, très proche de l’ambassade ainsi soumise au risque d’être la cible des tirs " propose au quai d’Orsay la fermeture de l’ambassade de France le lendemain matin 12 avril.

La journée du 12 avril est marquée par le départ à l’aube de l’ensemble du corps diplomatique français et des personnels de la MAM vers l’aéroport sous escorte du détachement spécialisé d’Amaryllis. Deux C160 quittent Kigali à 7 heures 30. Le premier transporte le personnel de l’ambassade, le second le matériel ainsi que les corps des trois membres de l’équipage de l’avion présidentiel. Les corps du couple Didot sont retrouvés enterrés dans leur jardin.

L’attaché de défense constate : " Depuis ce matin, l’équilibre des forces à Kigali est rompu en faveur du FPR qui tient principalement les faubourgs du nord de la ville et qui a réussi à s’infiltrer au sud de l’aéroport de Kanombe. Les gouvernementaux se sont regroupés en ville, mais sont présents sur l’aérodrome qui est pratiquement encerclé. Le FPR poursuit sa poussée vers le sud, notamment dans les secteurs de Ruhengeri et du Rulindo ". Le FPR a déclaré qu’il donnait 60 heures aux troupes étrangères pour quitter le Rwanda après avoir évacué leurs ressortissants. La France annonce son désengagement.

Le 13 avril est consacré au retrait des compagnies. Le dernier avion attendra pour décoller que les dépouilles des époux Didot et celle de l’adjudant chef Maïer retrouvées le matin même aient été récupérées. Il ne reste plus sur place aux ordres du Lieutenant-Colonel Jean-Jacques Maurin que 33 hommes du détachement spécialisé du COS et deux hommes de l’AMT.

Le 14 avril, compte tenu du désengagement opéré par les Belges la veille au soir, l’ordre est donné au Lieutenant-Colonel Jean-Jacques Maurin de rentrer à Bangui avec son détachement. Le C 130 maintenu sur place décolle, après deux tentatives de mise en route interrompues par des tirs d’obus.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr