La multiplicité des contrôles ne signifie pas nécessairement qu’il y ait efficacité du contrôle. Il faut insister, comme constat préliminaire, sur le fait que les contrôles institués paraissent au contraire trop disséminés, parcellaires, pour constituer une véritable force de contrainte sur l’administration pénitentiaire. En second lieu, il semblerait que la dimension carcérale empêche tout contrôle rigoureux et objectif, tel qu’il pourrait se faire ailleurs ; s’agissant par exemple des contrôles spécifiques émanant d’administrations techniques, le président Guy Canivet a fait observer devant la commission d’enquête que " La démarche est faussée par le présupposé selon lequel en prison la réglementation ne s’applique pas comme ailleurs, donc, sans aucune raison objective, l’application des règlements est considérablement relativisée, réduite, parfois inexistante. Or il faudrait que ces contrôles techniques s’opèrent en prison comme ailleurs. "
Or les visites effectuées dans les établissements pénitentiaires ont toutes permis de montrer combien le personnel, et notamment les directeurs d’établissements, souhaitaient le renforcement des contrôles et inspections. Ce souhait correspond d’abord à un besoin de faire cesser le soupçon qui règne sur le monde carcéral, en ouvrant la prison au monde civil. Les visites des membres de la commission d’enquête, le plus souvent inopinées ont été révélatrices à ce sujet ; la phrase " vous verrez, on n’a rien à cacher, vous pouvez demander à aller où bon vous semble " a ainsi été maintes fois entendue par les parlementaires.
Ce besoin de contrôle correspond également à un besoin de conseil et d’assistance technique ; s’agissant notamment du respect de normes complexes ou d’une législation touchant au droit du travail ou de la santé, les directeurs d’établissement sont très attentifs aux observations faites par les inspecteurs, d’autant plus que leur responsabilité peut être engagée.
" Les directeurs d’établissement ne peuvent, je le répète, qu’être d’accord avec la notion de contrôle, d’autant qu’ils sont de plus en plus mis devant leurs responsabilités pénales. Un directeur régional a été mis en examen au motif qu’un accident s’était produit dans les ateliers de Fresnes. Nous sommes demandeurs de contrôles et de conseils, ce qui nous permettra de réclamer des moyens et de mettre en place la réglementation. " (M. Patrick Wiart, directeur à l’ENAP, membre du Syndicat national pénitentiaire FO de surveillance)
Les propositions qui vont suivre et qui visent à renforcer le contrôle exercé sur les établissements pénitentiaires ne procèdent donc pas d’une logique de soupçon mais bien d’un souci de bonne administration.
A) REDEFINIR LES MOYENS ET LES MISSIONS DES INSPECTIONS
S’agissant des missions effectuées par l’Inspection des services pénitentiaires, l’efficacité de ce contrôle se heurte, aux yeux de ses contempteurs, à son statut de contrôle interne à l’administration pénitentiaire ; son objectivité, dans un contexte qui peut se révéler tendu, et qui demande une certaine confidentialité, est contestée. Sans nullement adhérer à ce soupçon ou remettre en cause la qualité de son travail, il est vrai que la crédibilité de l’inspection des services pénitentiaires gagnerait à davantage de transparence dans l’exercice de ses missions d’enquête et des conclusions auxquelles elle a abouti.
" M. le Rapporteur :Ne pensez-vous pas qu’un rapport d’inspection ou les futurs rapports de la mission qui pourrait être mise en place à la suite des propositions de M. Canivet auraient un rôle beaucoup plus important s’ils étaient rendus publics ou du moins accessibles à un certain nombre d’autorités ? En effet, si nous avions connaissance de leur contenu, nous chercherions ensemble les réponses à ces questions. L’opacité qui entoure les rapports et les inspections - je ne sais si elle est voulue, recommandée ou si elle résulte des textes réglementaires - ne nous autorise pas à avoir une vision normale de l’administration pénitentiaire et de la vie en prison.
" M. Philippe Maître : Monsieur le Rapporteur, j’en conviens tout à fait. A vrai dire, je m’interroge sur les motifs pour lesquels ces rapports ne pourraient pas connaître une plus grande diffusion. Je crois d’ailleurs que le motif principal ne porte pas sur le contenu et, si je puis dire, j’ouvre mon armoire à qui veut les lire. Il n’y a rien de secret, rien de scandaleux, en dehors de ce que nous avons pu constater et qui peut constituer en soi un scandale, mais il n’y a pas de mystères ou de choses que l’administration pénitentiaire voudrait cacher. Il n’en reste pas moins que la situation est ainsi ; même si nous avons l’impression, nous, membres de l’administration pénitentiaire, d’être transparents, nous ne le sommes point. Selon moi, ce qui s’oppose le plus à la transparence c’est le souci, légitime, de la direction de l’administration pénitentiaire de maintenir avec les personnels ou avec leurs représentants des relations de bonne qualité. Il n’est jamais agréable pour des personnes qui font bien leur travail - certes, le corporatisme, le sentiment de solidarité entrent en ligne de compte - de voir stigmatiser l’un des leurs et donner à penser, surtout au travers de la relation qui peut en être faite dans certains organes de presse, que le dysfonctionnement que l’on souligne est d’ordre général. Cela contribue à ajouter une couche supplémentaire d’opprobre sur des agents, qui, pour l’essentiel, exercent parfaitement bien leur métier et ont des sentiments très éloignés de ceux qu’on leur prête à tort. En disant cela, je suis d’une parfaite sincérité. "
Cependant, davantage que la question des suites données aux missions de l’Inspection des services pénitentiaires, se pose la question de ses moyens. Les chiffres donnés à ce sujet traduisent toute l’ampleur du problème ; pour 295 structures déconcentrées à contrôler (186 établissements pénitentiaires, 100 services pénitentiaires d’insertion et de probation, et de façon théorique, 9 directions régionales), l’Inspection des services pénitentiaires dispose de cinq inspecteurs des services pénitentiaires. Compte tenu de ces effectifs étiques, il est bien évident que le contrôle effectué par l’Inspection des services pénitentiaires n’a qu’une ampleur limitée :
" Je me suis fait communiquer la liste des établissements et la date à laquelle ils avaient reçu, non la dernière inspection, mais la visite d’un membre de l’administration centrale. En effet, à la suite d’une visite dans une grande maison d’arrêt du Nord, j’avais été surpris des remerciements empressés que m’avait adressés le directeur. La raison en était que cela faisait onze ans qu’il n’avait vu personne de l’administration centrale ! Mon exemple est un peu caricatural, n’en doutez point, mais des établissements - de moins en moins parce que nous nous y sommes attachés au cours des dernières années - ont été peu visités. Il s’agit généralement de petits établissements dont on ne parle pas. Si j’étais méchant, je dirais que ceux dont on ne parle pas sont ceux qui sont mal desservis par l’avion ou le train. Quand on procède à une évaluation, le temps étant compté et les horaires de travail limités, on va au plus significatif, au plus connu et on néglige parfois une petite maison d’arrêt qui mériterait tout autant l’attention car il peut s’y produire des faits critiquables. Cela s’inscrit dans la droite ligne de ma demande de renforcement des effectifs. " (Philippe Maître, chef de l’Inspection des services pénitentiaires)
Il est dès lors indispensable, si l’on veut un contrôle interne digne de ce nom et susceptible d’avoir une réelle efficacité, de renforcer les effectifs de l’Inspection des services pénitentiaires. Une telle mesure contribuerait sans nul doute à donner plus de crédit à une politique de transparence revendiquée par l’administration pénitentiaire.
Sans méconnaître les difficultés d’un accroissement des effectifs, M. Philippe Maître faisait l’analyse suivante : " A la question de savoir s’il faut accroître les effectifs de l’inspection des services pénitentiaires, la réponse est oui, dans une proportion raisonnable ; [...]
L’idéal vers lequel il faut tendre, mais qui nécessitera plusieurs années, serait de disposer d’une dizaine d’inspecteurs pénitentiaires afin d’instaurer trois ou quatre équipes qui tourneraient en permanence, ce qui ne serait pas extraordinaire. Beaucoup de choses restent à améliorer en termes de fréquence des inspections. Je pense qu’il faudrait également un magistrat supplémentaire, parce que les pénitentiaires ont une spécificité en matière de recherche des faits. La conduite des procédures, surtout si elles doivent déboucher sur des procédures disciplinaires est en principe, du ressort des magistrats. Il conviendra donc de renforcer la capacité en magistrats et en fonctionnaires pénitentiaires. On peut songer - Mme Viallet m’en a parlé - à s’adjoindre des hauts fonctionnaires d’autres corps comme, par exemple, de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, afin d’accroître ou de développer une capacité d’inspection dans un domaine qui nous est totalement étranger, celui de la comptabilité, alors que se font jour des dérives hautement condamnables et critiquables. "
Sur la teneur même de la mission effectuée par l’Inspection des services pénitentiaires, la coordination de ses contrôles avec les enquêtes menées par les autorités judiciaires paraît source de difficultés.
" L’un des grands problèmes que rencontre l’inspection réside dans l’articulation de ses missions avec celles des autorités judiciaires, même si ce fait n’est pas spécifique à l’administration pénitentiaire. Un dysfonctionnement qui se produit dans une prison peut être purement pénitentiaire : on a laissé une porte ouverte ou oublié une mesure de sécurité. D’autres dysfonctionnements sont des faits de droit commun qui se sont produits dans une prison : par exemple, un surveillant reçoit un coup de couteau et réplique par un autre coup de couteau. Une instruction est alors ouverte. L’inspection pénitentiaire envoyée sur place est confrontée à une affaire extrêmement compliquée : il y a quatre témoins du personnel de surveillance, il y a du sang de provenance différente dans la cellule et des détenus, depuis la coursive, ont aperçu une partie de la scène. Une information est ouverte. Les inspections administratives se trouvent dans une situation très difficile. D’abord, en raison de l’interférence entre les officiers de police judiciaire présents, missionnés par les magistrats, et l’inspection administrative. J’ai toujours laissé la priorité à la justice pour savoir qui entendra le premier, ce qui revêt d’ailleurs une certaine importance, puisqu’une audition ne se fait qu’une fois. Cela a conduit à un certain nombre de déconvenues. Deux ou trois fois, l’inspection administrative étant passée avant les officiers de police judiciaire, certains magistrats en ont conçu une forte mauvaise humeur au motif que nous aurions déstabilisé l’enquête judiciaire, ce qui, bien évidemment, n’était pas notre intention.
Dans la mesure où elle n’a pas compétence pour ordonner une analyse de sang, pour organiser des confrontations ni pour entendre des personnes à l’extérieur des prisons, alors qu’il arrive que des faits graves aient eu un témoin extérieur et ne peut non plus se déplacer pour l’entendre, très rapidement, l’inspection administrative est bloquée.
Reste enfin - c’est un sujet qui dépasse de très loin notre sujet d’aujourd’hui - la question de l’accès des inspections administratives aux dossiers. On est là dans une situation qui est véritablement difficile à comprendre. Dans certains cas, on me donne la copie de la procédure de police à titre officiel, d’autres fois à titre officieux, avec le droit de m’en servir ou bien sans ce droit. Parfois on me la refuse ou on me la transmet par l’intermédiaire du garde des sceaux. A chaque fois la décision prise s’appuie sur une interprétation de la règle selon laquelle les enquêtes et les instructions sont secrètes. Cette règle n’a pas été respectée très longtemps mais la pratique emporte un risque important pour le magistrat et pour les inspecteurs qui peuvent se voir accuser de recel, de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction, pour avoir voulu faire correctement leur métier et tenter de s’inspirer des procédures judiciaires qui sont, dans bon nombre de cas, bien mieux nourries et plus efficaces que celles dont dispose une inspection administrative pour conduire une enquête. " (Philippe Maître, chef de l’Inspection des services pénitentiaires)
Il convient donc de clarifier les missions de l’Inspection des services pénitentiaires en déterminant précisément les modalités de coopération avec l’autorité judiciaire. Cette coopération doit également être mieux articulée avec les autres inspections techniques : " Le suivi médical des détenus n’incombe plus à l’administration pénitentiaire depuis que le service médical n’est plus de sa responsabilité mais incombe entièrement au ministère de la Santé. Cela pose le problème de l’articulation des inspections, quand des dysfonctionnements se produisent à la limite du service médical et du service pénitentiaire. Un détenu a-t-il été secouru assez rapidement ? A quel moment a-t-il appelé ?
Nous avons compétence pour enquêter sur la partie pénitentiaire, l’IGAS sur la partie médicale. L’articulation des deux inspections, qui, pour l’heure, s’entendent très bien, mériterait peut-être d’être mieux définie ou du moins d’être officiellement prévue. " (Philippe Maître, chef de l’Inspection des services pénitentiaires)
B) METTRE FIN A L’INDIFFERENCE DES MAGISTRATS POUR LA PRISON
Les visites des établissements pénitentiaires, comme les auditions menées par la commission d’enquête, ont révélé l’éloignement des magistrats du monde carcéral, alors même que ceux-ci ont une responsabilité directe dans la décision d’incarcérer et dans les conditions de fonctionnement des établissements pénitentiaires. Il faut préciser, de manière certes anecdotique, que la création de commissions d’enquête parlementaires semble avoir suscité un nouvel engouement chez les magistrats, beaucoup d’entre eux ayant retrouvé le chemin de la prison juste avant les visites des parlementaires...
L’explication de ce désintérêt manifeste réside en premier lieu dans l’absence d’une mission spécifique de contrôle confiée par les textes aux magistrats, en second lieu dans l’absence de moyens matériels permettant aux magistrats de s’intéresser au monde pénitentiaire.
Les fonctions et les attributions des magistrats concernant les établissements pénitentiaires se limitent, dans les textes, à un pouvoir de visite, assorti éventuellement de l’obligation de rédiger un rapport au garde des sceaux. Aucun pouvoir contraignant ne permet cependant d’assurer un suivi véritable des observations formulées. Même le juge de l’application des peines, qui est le plus impliqué dans la vie quotidienne de l’établissement, n’a pas un rôle clairement défini en matière de contrôle : " Le juge de l’application des peines aurait pu se trouver, selon les souhaits de l’époque, investi d’une fonction générale de contrôle de l’administration pénitentiaire. Or on n’a jamais clairement pris parti et assigné au juge de l’application des peines une mission de contrôle général de la vie pénitentiaire. On ne l’a jamais dit et on ne lui a jamais donné les moyens de le faire. Ces juges s’intéressent à la prison, où ils se rendent pour présider les commissions d’application des peines et où ils sont investis d’une mission d’individualisation de la peine mais les pouvoirs qui leur ont été attribués aux termes de l’article D.176 du code de procédure pénale : vérifier les conditions dans lesquelles les condamnés exécutent leur peine, ne leur permettent pas d’exercer un vrai contrôle sur le fonctionnement de la prison.
S’il est vrai que les magistrats n’ont pas manifesté un intérêt suffisant pour les conditions de détention ou le fonctionnement des prisons - je ne dirai pas le contraire et ne cherche pas à les défendre au nom d’un corporatisme excessif - je souligne qu’il n’y a pas de position claire sur leur mission ni de pouvoirs suffisants pour l’exercice d’un contrôle effectif... On n’a jamais dit à une catégorie de juges qu’ils avaient un pouvoir général de contrôle des établissements pénitentiaires. (Guy Canivet, Premier Président de la cour de cassation)
Les juges d’instruction dont la sensibilisation au monde pénitentiaire paraît essentielle si l’on veut espérer voir un jour le nombre de détentions provisoires diminuer, disposent également, en vertu de l’article D.177 du code de procédure pénale, du droit de visiter la maison d’arrêt et de voir les prévenus aussi souvent qu’ils le souhaitent. Cette disposition permet d’imposer aux magistrats une attention toute particulière aux personnes provisoirement détenues dans le cadre d’une information. Il semble néanmoins se dégager un constat unanime sur l’absence des juges d’instruction en détention Pour justifier leur absence, les juges d’instruction mettent en avant le fait que ce droit de visite prévu par les textes est ambigu et mal défini :
" Vous pourriez me demander pourquoi nous ne leur rendons pas visite, car il est vrai que les juges d’instruction rencontrent très peu souvent, contrairement au juge de l’application des peines, leurs prévenus ? Mais ces visites présentent un caractère ambigu. Dès lors qu’une personne est mise en examen, on ne peut l’interroger qu’en présence de son avocat. Si l’on rend visite au prévenu, non pour évoquer le dossier mais ses conditions de détention, la situation sera très ambiguë, dans la mesure où le prévenu ne fait pas la différence entre les causes de sa détention et la détention elle-même ; il ne fera pas la distinction dans son discours et parlera inéluctablement du dossier, ce qui est pour nous impossible hors la présence de l’avocat, ce que le prévenu ne pourra comprendre. Nous ne rendons donc pas visite au prévenu bien souvent pour cette raison : pour ne pas nous trouver confrontés à des confidences, à des aveux, qui seraient recueillis dans des conditions qui ne seraient pas du tout légales ou bien qui pourraient être exploitées d’une façon peut-être logique, mais également abusive par la défense qui nous reprocherait d’avoir voulu faire pression pour obtenir des renseignements de la part du prévenu en son absence.
Il est par conséquent difficile de rendre visite au prévenu en dehors d’un contexte d’interrogatoire. " (Mme Sophie-Hélène Château, représentant l’Association française des magistrats chargés de l’instruction)
Il conviendrait donc, dans le cadre d’une loi pénitentiaire, de mieux définir les pouvoirs de contrôle des magistrats sur le fonctionnement des établissements pénitentiaires, en attribuant notamment au juge d’application des peines un véritable pouvoir d’injonction. Il conviendrait également, dans une optique de sensibilisation des autorités judiciaires, d’accroître la formation des magistrats sur le monde pénitentiaire, cette formation se limitant pour l’instant, dans le cadre de l’Ecole nationale de la magistrature, à un stage de quelques semaines en détention.
Toutefois, au-delà de la réformation des textes, il faut être conscient de la lourdeur de la tâche qui incombe aux magistrats, rendant ainsi leur mission de contrôle des établissements pénitentiaires extrêmement difficile à remplir.
Ainsi, les juges de l’application des peines ne disposent ni des effectifs, ni des moyens indispensables à leur mission de contrôle : " 177 postes de juges de l’application des peines sont budgétés. Les juges de l’application des peines ont à la fois la charge du milieu fermé, c’est-à-dire de la détention et des aménagements de peine en détention, et de ce que l’on appelle " le milieu ouvert ", c’est-à-dire le suivi des personnes condamnées à des sursis avec mise à l’épreuve ou à des travaux d’intérêt général ainsi que le suivi des alternatives à l’incarcération dans le cadre de la procédure prévue par l’article D.49-1 du code de procédure pénale. Par ailleurs, les juges de l’application des peines interviennent dans le cadre de la politique de la ville au travers des contrats locaux de sécurité et des conseils communaux de prévention de la délinquance. Ils participent en outre aux activités générales du tribunal et siègent en correctionnelle. Ceci permet d’apprécier l’ampleur de la tâche qui leur est confiée. [...]
Les juges de l’application des peines sont en nombre très insuffisant compte tenu des fonctions dont ils ont la charge. Même ceux dont les postes sont budgétés participent à l’activité du tribunal, aux permanences, aux assises.
Au tribunal du Val-de-Marne, nous sommes quatre juges de l’application des peines. Nous sommes en charge des détenus de Fresnes et du milieu ouvert dans un département qui compte quarante-trois communes, donc quarante-trois conseils communaux de prévention de la délinquance, vingt-deux contrats locaux de sécurité et trois mille personnes en milieu ouvert. Je siège à la commission d’indemnisation des victimes une fois par mois. A quatre, nous assurons une participation à six audiences correctionnelles par mois et aux assises une semaine par trimestre. Nous traitons de l’ensemble du milieu ouvert. 640 personnes condamnées à moins d’un an sont à convoquer pour étudier une possible alternative à l’incarcération. Il est évident que l’application des peines est minoritaire dans notre emploi du temps. Je ne dispose pas de secrétariat véritable, en tout cas pas pour le milieu fermé. Je n’ai manifestement pas le temps de répondre aux lettres des détenus, ni même celui d’entendre beaucoup de détenus. Dans notre charge de travail, le milieu fermé n’est jamais pris en compte. Telle est la réalité. " (Mme Marie-Suzanne Pierrard, présidente de l’Association nationale des juges de l’application des peines)
Les juges d’instruction sont confrontés à la même charge de travail :
" Je pense, en effet, qu’il faudrait que nous nous rendions plus souvent dans les maisons d’arrêt et dans les maisons centrales. Malheureusement, jusqu’à preuve du contraire, les journées ne font que vingt-quatre heures. Au vu de la somme de travail qui nous est demandée, du nombre de dossiers dont nous sommes chargés, il nous est très difficile de dégager du temps pour nous rendre régulièrement dans les établissements pénitentiaires. Sans doute est-ce la seule explication que nous puissions vous donner, en étant tout à fait d’accord avec vous sur l’utilité de nous déplacer plus souvent pour visiter les maisons d’arrêt ou les centres de détention. Cela nous permettrait tout d’abord de rencontrer les gens, notamment les personnes qui exécutent notre mandat de dépôt. " (M. Jean-Baptiste Parlos, représentant l’Association française des magistrats chargés de l’instruction)
La question des moyens mis à la disposition de la justice dépasse le cadre de cette commission d’enquête. Il faut néanmoins convenir que de l’adéquation de la réponse budgétaire dépend la solution d’un grand nombre de dysfonctionnements relatifs aux établissements pénitentiaires.
C) REDEFINIR LES MISSIONS DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE
La commission de surveillance présidée par le préfet et composée d’autorités administratives et judiciaires locales semble unanimement décriée : " visites de château ", " raout mondain ", les termes utilisés indiquent effectivement les limites d’une telle réunion. S’il est vrai que les pouvoirs réels de la commission de surveillance peuvent être mis en doute, il semble toutefois hâtif de réclamer sa suppression ; la commission de surveillance permet, à n’en pas douter, l’existence d’un regard extérieur sur les prisons, différent de celui des magistrats ou des intervenants habituels de la prison. En outre, la qualité des rapports rédigés par les directeurs d’établissement dans le cadre de la préparation de la commission de surveillance témoigne d’une volonté certaine de communication et de transparence. Il serait dommage de casser une dynamique qui s’est réellement mise en place. Il faudrait néanmoins redéfinir les missions de cette commission de surveillance ; la commission présidée par M. Guy Canivet a souhaité, dans cette optique, la rendre responsable de la mise en cohérence de l’ensemble des contrôles administratifs et techniques exercés sur l’établissement.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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