A) LES CAS PSYCHIATRIQUES

La prison est finalement, souvent, le seul lieu d’accueil des personnes souffrant de troubles psychiatriques graves. Les problèmes suscités par leur mise en détention ont déjà été évoqués ainsi que l’évolution de la psychiatrie qui conduit à déclarer de moins en moins de personnes irresponsables et à supprimer des services fermés (Cf. I, évolution de la population pénale).

Monsieur Evry Archer, médecin psychiatre, souligne à ce propos l’attitude des psychiatres de secteur :

" Les experts sont des psychiatres exerçant en psychiatrie générale dans les hôpitaux qui ne souhaitent pas forcément avoir dans leurs services des patients qui vont rester longtemps à l’hôpital et qui nécessitent une mobilisation importante. L’évolution de l’hôpital psychiatrique rend très difficile le séjour en milieu hospitalier des personnes qui présentent des troubles du comportement. Mais je crois surtout que les gens ont peur. On le constate notamment dans les tribunaux à propos de l’application de l’article 122-1, alinéa 2 du code pénal. Dans les cours d’assises, après le jugement, on entend des personnes dire que même les psychiatres ne veulent pas de ces personnes, ce qui explique l’aggravation des peines. "

Ceci pose un double problème, d’abord celui de la qualité des expertises et de la décision d’incarcération elle-même ; ensuite, s’il y a incarcération, celui de la structure dans laquelle elle doit s’opérer pour tous ceux dont l’état, en raison de troubles psychiatriques, préexistants ou non à l’enfermement, est incompatible avec le maintien en détention (article D.398 du code de procédure pénale).

Sur le premier point, il a été exposé devant la commission que :

" Notre corps psychiatrique doit aussi s’interroger sur la qualité des expertises. N’importe quel psychiatre peut s’inscrire sur les listes de la cour d’appel et être expert sans une formation particulière, sans encadrement particulier. C’est une source de revenus complémentaires pour un certain nombre d’entre nous. La qualité des expertises n’est pas forcément à la hauteur de ce que l’on pourrait en attendre. Des expertises rapides de quelques dizaines de minutes existent malheureusement, mais il existe aussi des expertises très fouillées qui prennent plusieurs jours de travail pour une somme dérisoire. Une expertise est payée 1 250 francs, qu’elle ait demandé plusieurs jours de travail ou une demi-heure.

Toutefois, de son côté, la justice devrait s’interroger sur le point de savoir quelles questions elle pose aux experts. Certaines, un peu toutes faites, ne sont pas nécessairement adaptées aux procès. Une de celles posées systématiquement est : " Le prévenu est-il accessible à une sanction pénale ? " Mais de quelle sanction s’agit-il ? Peut-on dire qu’une personne est accessible à une sanction pénale alors qu’il est possible qu’elle ne puisse pas supporter une réclusion criminelle à perpétuité ? D’autant que souvent, l’expert, qui n’a pas mis les pieds en prison ailleurs qu’au parloir, ignore ce qu’est la vie en milieu carcéral. " (M. Philippe Carrière, médecin psychiatre, association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire)

La conséquence en est la présence en prison de malades mentaux ou de psychopathes avérés qui n’y sont pas à leur place. Souvent incapables de s’adapter, ils parviennent même à susciter le rejet des équipes soignantes.

La première réponse serait une intervention, en amont, de façon à faire en sorte que des personnes qui n’ont pas leur place en prison ne se retrouvent pas dans le système pénitentiaire.

" Il faudrait sans doute qu’il puisse y avoir tout de même procès, tout de même reconnaissance de la souffrance de la victime. On ne peut pas dire qu’il n’y a eu ni crime ni délit, comme on le considérait autrefois, il y a bien eu un crime ou un délit, une victime, mais cela ne devrait pas entraîner une incarcération. Il devrait y avoir condamnation mais dispense de peine, aménagement de peine, alternative aux peines, etc. Or aujourd’hui, s’il y a procès, il y a peine, et peine plus lourde encore pour les malades mentaux que pour les autres, parce que le sentiment de dangerosité est donné, en particulier, aux jurés. C’est une très mauvaise chose. " (M. Philippe Carrière, médecin psychiatre, association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire)

A ce propos, Pierre Pradier souligne la nécessité d’une plus grande connaissance, sinon collaboration, entre médecins et magistrats :

" Des Etats généraux, ou du moins des rencontres entre les représentants de la discipline psychiatrique et ceux qui sont très directement en cause dans le déroulement du processus, c’est-à-dire les magistrats, seraient hautement souhaitables. Il est un élément auquel on ne pense jamais assez : les directeurs d’établissement n’ont absolument aucune maîtrise ni de leurs " stocks " ni de leurs flux ! Ils prennent qui on leur envoie et ce n’est pas à eux à décider quoi que ce soit ! Ce sont quand même les magistrats qui sont les " pourvoyeurs ", lesquels ont, quand même, depuis quelques années également considérablement alourdi les peines : elles ont doublé en vingt ans sur des crimes ou des délits comparables. "

Le deuxième point soulève la question de la création d’établissements spécialisés. Cette proposition a été formulée à de multiples reprises par des intervenants très divers, par les personnels pénitentiaires mais aussi par les médecins psychiatres.

En effet, si l’évolution de la psychiatrie s’est faite dans le sens d’une plus grande humanisation bénéfique pour la plupart des malades concernés, elle ne permet plus de prendre en charge les patients les plus difficiles et ceux-ci ne peuvent correctement être accueillis, dans les conditions actuelles de détention existant dans les établissements pénitentiaires.

" Les gens vivent pendant deux ans, trois ans, dix ans dans des conditions effroyables. Ensuite, la réinsertion est encore plus difficile. Pour quelqu’un qui a passé dix ans au fond d’une cellule sans sortir, sans relations sociales, la réinsertion est quasiment impossible. Quand la personne sortira à 40 ou 50 ans après dix ans de claustration, au sens psychiatrique et non pas d’enfermement, elle aura subi un enfermement double : la prison plus l’enfermement psychologique. Même si la direction des hôpitaux n’y est pas favorable, je pense que la création d’un établissement spécialisé pour les condamnés serait souhaitable. " (Betty Brahmy, médecin psychiatre)

Le choix qui a été opéré de fermer les établissements spécialisés se révèle à terme et compte tenu de ces évolutions, peu approprié. La mise en place d’établissements spécialisés apparaît incontournable.

Mme Betty Brahmy souligne toutefois : " ...qu’au ministère de la Santé, on n’y est pas du tout favorable. J’ai collaboré avec des responsables du ministère de la Santé à la préparation de la loi de 1994. L’établissement de Château-Thierry a été longtemps une maison centrale dite sanitaire, capable d’accueillir des psychopathes. Puisque les gens étaient formés, avaient l’habitude de ces patients un peu compliqués, que les structures s’y prêtaient, je pensais qu’il fallait en faire un établissement précisément pour ces patients-là. On m’a répondu que cela créerait une stigmatisation. "

Au regard des inconvénients de la situation actuelle, l’objection de la stigmatisation apparaît quelque peu secondaire.

Reste la question de la nature de ces établissements : établissements pénitentiaires, sanitaires ou à double tutelle.

" L’une des solutions pourrait être de créer rapidement des unités hospitalières sectorielles ou intersectorielles sécurisées, fermées, accueillant sur le critère de la maladie mentale et du soin, dans des conditions matérielles et humaines satisfaisantes, des malades mentaux dont l’état mental le nécessite, sans que les critères pénaux priment sur l’indication thérapeutique.

La création ou le maintien d’établissements pénitentiaires à caractère sanitaire poserait la question du sens de la peine et de la fonction sociale de la prison sans résoudre, bien au contraire, ni le problème des conditions de la prise en charge psychiatrique pendant la détention, ni celui de la prise en charge après la libération, ce dont témoignent les mesures d’hospitalisation décidées rapidement à la libération de ces personnes. " (M. Evry Archer, médecin psychiatre)

Les établissements à double tutelle (comme celle qui s’exerce sur celui de Fresnes) constituent une autre possibilité.

" On ne peut pas crier en prison. Vous visitez un hôpital psychiatrique, vous entendez des cris, les malades se déplacent. En prison, ce n’est pas possible et les gens souffrent ; les psychiatres le disent. Que faire ? Les Néerlandais ont résolu la question en ouvrant des établissements différents. Il nous faut des établissements à double tutelle comme l’hôpital de Fresnes, relevant à la fois du pénitentiaire et de la santé, doté d’un statut spécifique. Les psychiatres considèrent dorénavant que la sanction est structurante. L’article 64 du code pénal, devenu 128, n’est plus utilisé. Si la sanction est considérée comme nécessaire pour soigner, cela signifie que tout le monde arrive en prison. C’est là un problème grave qu’il faut résoudre par la construction d’établissements différents. " (M. Jean-Marc Chauvet, directeur régional des services pénitentiaires de Paris)

La question du type d’établissement le plus approprié pour accueillir les délinquants souffrant de graves troubles psychiatriques doit être tranchée, l’essentiel étant de mettre fin, d’une façon ou d’une autre, à la situation actuelle.

B) LES MINEURS

L’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945 pose le principe selon lequel " le mineur délinquant devra, en priorité, bénéficier de mesures de surveillance, de protection, d’assistance et d’éducation. Une condamnation pénale ne pourra être prononcée que lorsque la personnalité du mineur et les circonstances particulières exigeront d’écarter la mise en _uvre de ces mesures. "

Il en résulte que, tant pendant l’instruction du dossier qu’après la condamnation, le juge doit prendre en priorité des mesures éducatives : liberté surveillée préjudicielle, placement en foyer, en unité éducative renforcée, en centre de placement immédiat ou dans une famille, contrôle judiciaire, mesures de réparation... En général, le juge incarcérera pour une période courte en pensant que cela peut être un moyen après que d’autres ont échoué.

Mais il est vrai que l’on constate une aggravation de la délinquance des mineurs. En 1999, 16,5 % d’entre eux étaient incarcérées dans le cadre de procédures criminelles (crimes de sang : 1,9 % ; viols : 5,4 % ; vols criminels : 6,1 %). La majorité des infractions, cependant, est constituée d’atteintes aux biens (58,2 %).

Se pose d’abord la question de la mise en détention provisoire qui constitue la majorité des mises en détention des mineurs (90,6 %).

La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a indiqué qu’un réexamen du régime juridique applicable aux mineurs détenus était en cours.

" La grande majorité des détentions des mineurs se réalise dans le cadre de la détention provisoire, dont le régime juridique diffère de celui de l’emprisonnement. L’aménagement des peines pour mineurs est donc très peu développé et nous réfléchissons à une nouvelle piste de travail permettant d’aménager le régime juridique en détention provisoire et de développer des possibilités d’aménagement des peines des mineurs. "

Ensuite, l’obstacle majeur au prononcé de peines alternatives à l’incarcération et notamment de mesures éducatives, réside dans l’insuffisance des moyens consacrés à celles-ci.

" Sur la question de la détention des mineurs, problème très compliqué, je dirai que si l’on pouvait l’exclure de façon quasiment systématique, nous en serions tout à fait heureux. La seule difficulté réside dans le fait que nous ne disposons pas des structures permettant l’accueil des mineurs en difficulté, ni l’accueil des mineurs délinquants, car placer les mineurs délinquants et récidivistes dans des foyers classiques met souvent en danger la situation du foyer. C’est pourquoi ont été créées les unités éducatives à encadrement renforcé, mais celles-ci restent en nombre insuffisant. J’ai récemment placé sous contrôle judiciaire un mineur et j’ai, dans le même temps, pris une ordonnance de placement provisoire dans un foyer. Au bout de dix jours, on m’a appelé pour me dire que le foyer était en train de fermer. J’ai demandé ce qu’il fallait que je fasse, ce à quoi les responsables du foyer m’ont répondu qu’ils n’avaient pas de solution à me proposer. J’ai alors changé mon ordonnance de contrôle judiciaire et j’ai mis un terme à l’ordonnance de placement provisoire dans le foyer. J’ai envoyé l’intéressé chez sa mère, ce qui n’était pas forcément la meilleure solution, et cela n’a d’ailleurs pas manqué : il a commis d’autres infractions, qui m’ont conduit à révoquer son contrôle judiciaire, et donc finalement à le placer en détention provisoire. " (M. Jean-Baptiste Parlos, association française des magistrats chargés de l’instruction)

Le manque d’éducateurs, en particulier, est patent : les moyens humains de la protection judiciaire de la jeunesse étaient les mêmes en 1997 qu’en 1983 malgré l’accroissement de la délinquance des mineurs et du nombre des mesures éducatives. Depuis 1997, la création de 1 000 emplois d’éducateurs a été décidée : 380 ont été effectivement créés, 300 autorisés en surnombre.

Des créations de centres de placement immédiat sont aussi prévues pour répondre aux demandes des magistrats de placement en urgence.

" Les centres de placement immédiat sont des structures accueillant une dizaine de mineurs, que nous allons spécialiser dans l’urgence. C’est un sujet difficile qui ne recueille pas toujours l’assentiment de l’ensemble des professionnels, mais il me semble déterminant, car, en l’absence de solution, le jour de la présentation du mineur, ce dernier peut faire l’objet d’une incarcération, faute d’alternative. Il est donc impératif que nous parvenions à construire mieux l’accueil d’urgence dans chacun des départements ; c’est un sujet complexe, non encore résolu dans tous les départements. C’est un objectif important pour les deux ou trois années à venir. " (Mme Sylvie Perdriolle, directrice de la PJJ)

Cinquante centres doivent être créés d’ici 2001. En 1999, 14 centres ont été ouverts, par transformation de l’existant essentiellement. Pour 2000, neuf sites ont été retenus, dix autres seront également ouverts en septembre. En pratique, l’implantation de ces centres, qui n’accueillent chacun qu’une dizaine de mineurs, suscite des réticences. Comme pour les centres d’éducation renforcée, trouver un site d’implantation, alors même que les crédits budgétaires existent, peut s’avérer problématique.

Les centres éducatifs renforcés accueillent, eux, de cinq à six mineurs délinquants, multirécidivistes ou très marginalisés. La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a souligné l’intérêt de ce dispositif.

" L’encadrement constant de 5 à 6 jeunes par 5 à 6 professionnels sur une durée de trois à six mois favorise réellement la réinsertion des jeunes. Grâce à un cadre d’activités très élaboré, ces jeunes arrivent à construire une autre relation avec les adultes. Il est vrai que le premier mois de séjour est souvent difficile et parsemé de situations de violence : cela s’améliore au bout de trois mois. Le retour constitue un passage délicat, mais plus des deux tiers de ces mineurs ont su retrouver une situation stabilisée et ont accédé à des dispositifs d’insertion. "

On est très loin de ce taux d’encadrement d’un pour un dans les quartiers mineurs des établissements pénitentiaires !

Ces centres sont aussi en nombre tout à fait insuffisant. Le programme fixé par le gouvernement est d’atteindre cent structures d’ici à la fin 2001. A l’heure actuelle, 37 centres sont ouverts ou vont ouvrir, en principe d’ici l’été. La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a indiqué que 60 créations devraient avoir lieu, au total, d’ici la fin de l’année. Cela signifie 350 places. Ces mesures vont dans le bon sens.

Eviter au maximum l’incarcération qui ne donnera pas lieu à une prise en charge de même niveau que dans les structures éducatives et peut, chez certains jeunes, " valoriser " un parcours de délinquance, est un objectif unanimement reconnu. Il suppose un renforcement significatif des structures éducatives spécifiques qui fournira les outils nécessaires aux magistrats et, au-delà, la mise en place d’une véritable coordination des multiples intervenants qui ont à traiter de la délinquance juvénile.

Il est urgent qu’un débat ait lieu sur cette question et que des orientations claires soient définies. Une loi apportant des réponses spécifiques à la délinquance des mineurs apparaît prioritaire.

C) LES ETRANGERS

Il n’est pas question, avec le problème du sort des étrangers en prison, de susciter de nouveau de vaines polémiques sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France mais de savoir à quoi sert la prison lorsque le détenu n’a pour seule perspective, après son séjour en prison, que l’expulsion vers son pays d’origine.

 ? Une étude de la direction de l’administration pénitentiaire en 1999 a permis de montrer que les étrangers représentent, en 1999, le quart des détenus en métropole contre 18 % en 1975.

Entre 1975 et 1999, le nombre d’étrangers détenus est passé de 4 645 à 12 164, soit une augmentation de 162 % ; cette augmentation est presque deux fois plus importante que celle des détenus français, dont le nombre a cru de 91 % sur la même période.

Parmi les types d’infraction caractérisant la délinquance étrangère, il en est une, spécifique, intrinsèque au fait même d’être étranger, qui concerne les délits à la police des étrangers ; à ces délits, sont d’ailleurs très souvent liés les délits pour faux et usage de faux documents administratifs.

Les détenus incarcérés pour infraction à la police des étrangers représentent le quart des détenus étrangers en métropole. Entre 1984 et 1996, le nombre d’étrangers entrés pour infraction à la législation sur le séjour des étrangers a cru de 330 %.

Dans son étude, l’administration pénitentiaire relève que, quel que soit le motif de l’incarcération de l’étranger, " l’observation paraît confirmer l’idée d’un traitement pénal moins favorable à l’égard des étrangers, qui se retrouve dès le stade policier et qui s’explique pour partie par la question de la " garantie de représentation " devant les tribunaux, notamment pour les étrangers en situation irrégulière. "

Ainsi, près de 90 % des étrangers sont entrés en prison au titre d’une détention provisoire, contre 73 % pour les Français. De plus, les étrangers prévenus sont écroués principalement dans le cadre d’une comparution immédiate (59 % contre 45 % chez les Français), cette procédure conduisant plus fréquemment que les autres à une décision. Même si la durée moyenne d’incarcération pour les étrangers condamnés uniquement pour délit à la police des étrangers est plus courte que celle des Français (4,7 mois contre près de 8 mois) ; seule une très faible partie d’entre eux bénéficie d’aménagements de peine (2 % ont été libérés à la suite d’une libération conditionnelle).

Ces chiffres soulèvent deux interrogations ; la première a trait aux différences de traitement qui semblent exister entre nationaux et étrangers ; il n’est pas ici question de demander plus de clémence dans les affaires de crimes ou délits qui impliquent des étrangers, mais simplement de s’assurer qu’un même délit ou un même crime est puni dans les mêmes termes quelle que soit la nationalité de son auteur. La seconde, spécifique aux étrangers entrés illégalement sur le territoire français, porte sur l’utilité de placer en prison des personnes ayant commis une infraction qui se révèle être finalement une infraction de type administratif.

Comme l’a souligné M. Robert Badinter devant la commission :

" Il convient également de prendre en compte la présence très forte d’étrangers dans les maisons d’arrêt, qui est souvent la conséquence d’un dévoiement de l’utilisation de l’institution pénitentiaire qui devient une sorte de centre de rétention généralisé. Je me souviens d’avoir constaté avec stupéfaction - et j’y ai mis de l’ordre - que des préfets rencontrant des difficultés pour procéder à des reconduites à la frontière demandaient à des procureurs de prendre des réquisitions fermes pour faire garder sur le territoire des étrangers deux mois de plus, ce qui ajoutait à l’encombrement des maisons d’arrêt. [...] On a un peu trop transformé des politiques administratives en politiques répressives avec les conséquences qui en découlent pour les maisons d’arrêt. Il convient d’étudier cette question de très près. "

Maître Francis Teitgen, bâtonnier de l’ordre des avocats à la cour d’appel de Paris partage la même analyse :

" En réalité, les chiffres sont complexes, car l’on constate que ces très courtes peines concernent un grand nombre de personnes condamnées au terme de procédures de comparution immédiate ; pour certaines d’entre elles, il s’agit à la fois d’une peine de détention et d’une peine préparatoire en vue d’une expulsion du territoire français.

Il y a là un dévoiement de la peine de prison qui consiste non pas à sanctionner, mais à garantir la présence de personnes de nationalité étrangère interdites de séjour - dans des hypothèses de violation d’interdiction de séjour ou d’infraction à la législation sur les stupéfiants ; la peine est alors préparatoire à une expulsion du territoire de la République. Cela pose un problème d’identification de la peine et de réalité de la condamnation. "

Pour ces personnes, incarcérées pour une infraction à la législation sur les étrangers, le temps de l’enfermement ne peut absolument pas être perçu comme une réflexion sur la faute. Il y a plutôt chez ces détenus le sentiment d’un pari tenté et perdu et pour lesquels la prison et l’enfermement n’ont aucune signification ; s’agissant des détenus étrangers ayant commis une infraction autre que les infractions à la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers, la perspective d’une expulsion dans le pays d’origine " casse " tout le processus d’insertion initié dans la prison. L’incarcération ne peut ainsi être assortie d’aucun projet de préparation à la sortie.

" S’agissant de votre seconde question concernant la double peine, il est difficile de juger de telles situations. Ce qui est certain, c’est que pour un détenu qui sera expulsé dans son pays d’origine à sa sortie ou dans un pays dont il a la nationalité sans avoir aucun lien avec lui, la prison n’a aucune fonction de réinsertion ; et cela est désespérant. Or l’on sait qu’un très grand nombre de détenus purgent parfois de très longues peines avec pour seule issue la rupture avec tout ce qui constituait leur vie antérieure. " (Maître Francis Teitgen, bâtonnier de l’ordre des avocats à la cour d’appel de Paris)

La prison apparaît au contraire, pour beaucoup d’étrangers qui étaient auparavant en situation précaire, comme un lieu qui offre des prestations auxquelles ils ne pouvaient accéder à l’extérieur : " Evidemment, les sans-papiers n’ayant ni sécurité sociale, ni papiers, ni argent pour acheter les médicaments, sont mieux soignés en prison qu’à l’extérieur. " (Docteur Véronique Vasseur, médecin chef à la prison de la Santé)

Il s’agit pourtant de savoir ce que l’on veut que la prison signifie pour ces personnes ; il est dommage que le débat soit encore obscurci par des considérations politiques ou polémiques, alors même que les textes eux-mêmes consacrent l’idée selon laquelle le détenu étranger ne peut, en tout état de cause, s’impliquer dans une réflexion sur la peine :

L’article 729-2 du code de procédure pénale prévoit en effet que les mesures de libération conditionnelle ne peuvent être instaurées sans le consentement du détenu, sauf pour les étrangers pour lesquels le consentement n’est pas requis. Il s’agit là d’une exception tout à fait notable à la philosophie de la libération conditionnelle, fondée sur l’insertion et la réadaptation sociale, exception qui n’a d’ailleurs pas manqué d’être contestée par la commission sur la libération conditionnelle présidée par M. Daniel Farge.

" Cela pose la question de la nature même de la libération conditionnelle, qui n’est pas une réduction de peine. Elle suppose un effort personnel de réinsertion de la part du détenu. Le candidat à la libération conditionnelle doit proposer un projet de réinsertion. Il est extrêmement difficile de vérifier la qualité des projets dans les pays étrangers, même s’il existe des conventions internationales. [...]

La commission, quant à elle, propose que le consentement soit requis désormais pour tous, y compris pour les étrangers, car cela s’inscrit dans la philosophie de la libération conditionnelle. Cela dit, nous trouverons peut-être une autre solution pour les étrangers. " (M. Daniel Farge, magistrat, président de la commission sur la libération conditionnelle).

L’incarcération des détenus étrangers doit absolument faire l’objet d’une réflexion approfondie ; elle ne correspond pas en effet actuellement aux missions qui devraient être assignées à la prison.

La question des conditions de l’enfermement se pose aussi dans les centres de rétention. Le contrôle exercé par la délégation générale à la liberté individuelle (Cf. III.C) s’étendra à ces centres.

D) LES TOXICOMANES

On a déjà eu l’occasion d’insister, dans ce rapport, sur les évolutions récentes de la population pénale, qui connaît une part croissante de toxicomanes. Les déficiences de la prise en charge en prison des phénomènes de dépendance ont également été évoquées.

Il s’agit ici d’insister plutôt sur la désorganisation profonde qui résulte de la présence de toxicomanes en prison. Il faut être conscient que les toxicomanes en prison ont profondément modifié l’univers carcéral sans que l’on puisse avoir le sentiment que la prison ait une quelconque influence sur eux. La prison n’est pas un lieu où l’on guérit de la drogue ; penser que l’on va guérir de la drogue en mettant le toxicomane à l’abri des produits est une illusion. D’autant que " l’abri " est particulièrement limité. Tous les responsables des établissements pénitentiaires reconnaissent qu’il y a trafic de drogues à l’intérieur de la prison.

" Mais la grande majorité des gens ne sortent pas de la drogue par la prison. En sortir vraiment nécessite une prise en mains de sa vie sur d’autres bases qui supposent une réinsertion sociale, un changement d’identité, un travail, un logement, etc. La prison est une parenthèse que certains toxicomanes supportent très bien car ils troquent leur dépendance à la drogue contre une dépendance à la prison. Ils sont contenus par cette " matriarche " qu’est la prison, alors que sortir de la drogue, c’est se confronter à un père-loi. La prison ne se présente pas du tout comme cela. On est mis en prison par la loi mais on y subit des règles, lesquelles changent d’ailleurs d’une prison à l’autre, ce qui montre leur relative indifférence au regard de la structuration psychique. En cela, la prison n’est pas un lieu thérapeutique. C’est un lieu où l’on ne survit que si l’on ment, si l’on cache une partie de soi-même pour pouvoir être soi-même dans son intimité, alors qu’il n’y a justement pas d’intimité.

On ne sort donc pas de la drogue de cette façon-là. On se drogue quelques heures après être sorti de prison rien que pour éprouver que c’est toujours possible et que cela vous est toujours accessible. Ce sont parfois les dernières prises de drogue avant de changer de vie, mais je n’ai jamais vu sortir quelqu’un de prison guéri de la drogue. Le risque, c’est surtout de reprendre de la drogue en sortant de prison aux doses que l’on prenait avant et de faire une overdose. Cela se produit régulièrement. D’où l’importance de poursuivre les traitements de substitution en prison. Il y a encore un effort à faire puisque seul un toxicomane sur sept obtient un traitement de substitution en prison, contre un sur trois en ville.

Bien entendu, parallèlement aux traitements de substitution, tout le dispositif psychologique et social doit être mis en _uvre. Il y a, là aussi, beaucoup de lacunes, notamment pour la réinsertion sociale, puisque l’on sort trop souvent de prison sans relais à l’extérieur, surtout si l’on est interdit de séjour dans son département. Dans certains tribunaux, c’est quasiment systématique, alors que toutes les bases sociales se trouvent dans le département d’origine. Il faut donc aller squatter ailleurs, le temps de se refaire des bases, et c’est naturellement dans la communauté des toxicomanes que l’on retrouve une place dans le département voisin.

Il importe de comprendre que la prison n’est pas un lieu thérapeutique pour les toxicomanes. Cela peut éventuellement être une sanction du trafic de drogues, mais la grande majorité des toxicomanes n’a pas sa place en prison. " (M. Philippe Carrière, responsable du SMPR de Châteauroux, membre de l’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire)

Compte tenu de l’importance de la récidive chez les toxicomanes, récidive induite par la reprise quasi-immédiate d’utilisation de stupéfiants, il faut s’interroger sur l’utilité de la prison comme cadre adéquat de rappel à la loi et de sanction.

Dans cette optique, il semble pertinent de différencier les personnes incarcérées pour usage simple de celles condamnées pour usage et trafic.

S’agissant des premières, il est bien évident, on l’a vu dans l’analyse des politiques de prise en charge, que la réponse par l’incarcération n’est pas adéquate. Cela étant dit, le nombre de personnes incarcérées pour ce motif paraît extrêmement faible. L’échange entre Mme Nicole Maestracci, Présidente de la MILDT et le Président de la commission d’enquête est éclairant sur la situation de ces détenus :

" Une enquête de 1995 - que je vous ferai parvenir - montrait qu’il y avait environ 160 personnes, un jour donnée, qui étaient incarcérées pour simple usage. C’est un chiffre " de stock ". J’ai demandé à l’administration pénitentiaire de refaire la même évaluation aujourd’hui pour savoir si le chiffre a baissé ou pas.

En principe, dans la circulaire qui a été adressée par Mme la garde des sceaux aux procureurs juste après le plan triennal du gouvernement, il est demandé aux procureurs d’éviter l’incarcération pour les simples usagers. Mais je ne jurerai pas qu’il n’en reste pas encore quelques-uns.

M. le Président : " Sont-ils en préventive ou sont-ils condamnés ?

Mme Nicole Maestracci : " Dans l’enquête, il y avait les deux catégories. Encore faut-il savoir qu’une infraction de simple usage ne fait pas l’objet d’une information. Il peut y avoir éventuellement une détention provisoire parce que l’audience de comparution immédiate a été reportée mais dans la plupart des cas il s’agissait de condamnés. "

M. le Président : " Des condamnés à des peines de quelle durée ?

Mme Nicole Maestracci : " A des peines de durée courte, de l’ordre de trois mois. "

M. le Président : " Le temps de ressortir pires !

Mme Nicole Maestracci : " La peine encourue en France pour les simples usagers est d’un an d’emprisonnement. "

Les personnes incarcérées pour trafic de stupéfiants sont beaucoup plus nombreuses puisqu’elles représentant 14,7 % de la population pénale. Toutes les personnes incarcérées pour trafic ne sont pas toxicomanes, mais il y a, dans la très grande majorité des cas, une corrélation étroite entre l’usage de drogues et le trafic. De plus, ce chiffre ne représente pas non plus l’ensemble de la population toxicomane puisqu’une grande partie des crimes et délits constatés peuvent être imputés à l’usage direct de drogues, en raison de la dépendance qu’elles induisent et du prix des produits.

Il n’y a donc pas de réponse globale à apporter en matière d’incarcération des toxicomanes, compte tenu de la diversité des infractions perpétrées. Si l’on convient que la prison n’est pas la réponse à la toxicomanie, il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’excès inverse en oubliant, voire en excusant le crime par l’existence de conduites addictives.

Néanmoins, s’il y a bien un impératif de sanction, il convient de réfléchir d’abord à celle qui paraît la plus adéquate. Telle qu’elle existe actuellement, la sanction de l’enfermement induit la récidive.

Plusieurs expériences ont été menées afin de réfléchir à des alternatives conçues à la fois comme une sanction et initiant une prise en charge de la dépendance. Une circulaire en date du 17 juin1999 sur les réponses judiciaires aux toxicomanes permet de faire le point sur la question et de citer quelques expérimentations réussies ; ainsi, par exemple, les mesures de travail d’intérêt général ont été adaptées selon des modalités spécifiques pour les toxicomanes, avec l’idée d’une progressivité dans l’exécution du travail qui intègre des mesures éducatives particulières et s’appuient sur un partenariat soutenu.

Il est nécessaire en la matière de multiplier les expériences et d’utiliser tout l’arsenal des sanctions alternatives en les adaptant de manière pragmatique au public concerné.

Il faut être conscient, en préconisant la solution des sanctions alternatives, que cette orientation ne paraît guère aller dans le sens de la politique pénale menée jusqu’à présent :alors qu’entre 1983 et 1993, le contentieux des stupéfiants enregistre un accroissement de 144 %, le rapport remis au garde des sceaux par la commission sur la libération conditionnelle présidée par M. Daniel Farge démontre que les condamnés pour infraction à la législation sur les stupéfiants sont quasiment exclus des dispositifs de libération conditionnelle.

Sans qu’il soit question d’analyser le bien-fondé de cette politique, qui répond là encore à une attente, il faut être conscient que ce choix de la fermeté ne prévient pas la récidive. A tout le moins, si l’on maintient cette orientation, faudrait-il s’interroger sur les mesures d’accompagnement à la sortie : si le toxicomane n’est pas préparé à sa sortie, et ne dispose pas notamment d’hébergement, la rechute et la récidive seront inéluctables :

"100 % des toxicomanes qui sortent sans hébergement rechutent. Si l’on a pris en charge correctement un toxicomane en prison sans évoquer son hébergement et sa sortie, tout le travail sera annulé dans les vingt-quatre heures qui suivront. " (Mme Betty Brahmy, psychiatre, responsable du SMPR de Fleury-Mérogis)

E) LES DETENUS MALADES OU AGES

Le nombre croissant de détenus âgés a déjà été souligné ; 1 455 détenus à la fin de 1999 étaient âgés de plus de 60 ans et ce nombre a quasiment doublé en quatre ans. Cette recrudescence est liée notamment à l’accroissement des condamnations pour harcèlement sexuel, viol ou inceste.

L’inadéquation de la prise en charge de ces détenus et de façon plus large, des détenus gravement malades ou dépendants, a également déjà été évoquée.

La présence de ces personnes dans les établissements pénitentiaires pose très concrètement la question de la mort en prison. Les personnels surveillants, les autres détenus ne sont pas préparés à cette éventualité et rien n’est fait de façon très encadrée pour accompagner le détenu dans ses derniers instants. Mourir en prison, c’est affronter une solitude sans espoir ; c’est un constat d’échec et de gâchis pour les familles qui n’ont pu être présentes dans les derniers moments.

L’ensemble des personnels pénitentiaires essaient, dans la mesure du possible, de transférer le malade à l’hôpital dans ses derniers jours ; se pose néanmoins, là encore, la question des escortes et la difficulté de mobiliser des forces de police ou de gendarmerie. L’attitude des médecins, qui trop souvent renvoient le malade en prison une fois l’alerte passée, aussi facilement que si celui-ci retournait chez lui, a également été maintes fois évoquée ; un cas particulier au centre de détention de Caen où le médecin a renvoyé le malade en prison où il est mort deux jours après, semble ainsi avoir particulièrement frappé les esprits des membres du personnel pénitentiaire.

Il n’est pas digne de mourir en prison. La question du maintien en détention des détenus malades ou âgés se pose donc. La grâce médicale n’est accordée aujourd’hui que par le Président de la République. Cette mesure paraît cependant être proposée parcimonieusement et accordée encore plus prudemment ; en 1998, 27 dossiers ont été présentés au Président de la République et 14 grâces ont été accordées ; en 1999, 33 propositions pour 18 grâces prononcées.

" La question de la grâce médicale est fondamentale. Jusqu’en 1996, en l’absence de traitement efficace, des malades du sida sont morts en prison ou une journée après leur libération. Nous en avons connu de nombreux au cours des dures années que furent celles de 1993 et de 1994.

De nombreux détenus avaient formulé une demande de grâce médicale. Ils étaient tout près de mourir. Ils ont été libérés la veille ou l’avant-veille de leur décès, ont été transférés dans leur famille ou sont morts à l’hôpital voisin. Il convient d’envisager à nouveau la question de la grâce médicale en termes de recours, de constitution de dossiers et aussi en considérant les éléments présidant à la prise en compte de la grâce. Aujourd’hui encore, elle concerne des détenus dans un état grave. Des détenus se sont vu accorder la grâce médicale le lendemain du jour de leur mort. Aujourd’hui, la question se pose avec moins d’acuité s’agissant du sida, car les traitements sont plus efficaces et il y a donc moins de détenus très avancés dans la maladie. Il en reste néanmoins et cette question doit, à mon avis, être envisagée à nouveau. " (Mme Emmanuelle Cosse, présidente de l’association Act-up Paris)

Il semble effectivement nécessaire de revoir les procédures de grâce médicale ; rien ne justifie que cette décision relève encore actuellement du Président de la République. La procédure devrait relever du juge de l’application des peines qui pourrait, pour prendre sa décision, s’appuyer sur des expertises médicales établissant que le détenu est atteint d’une maladie mettant en jeu le pronostic vital. Cette procédure pourrait également concerner les détenus très âgés et dépendants, dont la présence en prison ne se justifie plus en terme de protection de la société.

" En visitant certains établissements, notamment celui de Liancourt, j’ai été frappée de voir des détenus qui marchaient, appuyés sur un tripode. On m’a expliqué que certains nécessitaient une aide pour effectuer des actes de la vie personnelle.

Il existe deux catégories de détenus : incarcérés assez âgés, certains purgent des peines encore couvertes par la période de sûreté ; d’autres non. La première, sauf à modifier la loi, ne peut faire l’objet d’une quelconque mesure d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle.

Dans l’absolu, lorsqu’une personne n’est qu’au début de la dépendance, seulement pour certains actes et non pas totalement, je considère qu’elle peut encore être dangereuse. En revanche, à partir d’un certain niveau de dépendance, la dangerosité devient très faible.

Parmi les personnes âgées en détention, il en est beaucoup condamnées pour harcèlement sexuel, viol ou inceste. Il est clair qu’elles peuvent, malgré leur dépendance, être animées de certaines pulsions ou risquer des tentatives. Néanmoins, je pense qu’il arrive un âge où la dangerosité devrait être considérée de plus en plus faible. " (Mme Martine Viallet, directrice de l’administration pénitentiaire)


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr